vendredi 11 février 2022

Du désespoir plein la trompette


   Les flics continuent de nous arroser. Le nettoyage est implacable.
   Quand soudain j'entends une trompette. Une vraie. En si bémol. Cela ne se peut et pourtant cela est. Alors que le rond-point est saturé de gaz et complètement déserté, un trompettiste le parcourt, titubant presque. Collant l'embouchure de son instrument aux lèvres, il joue La Sonnerie aux morts. Il ne porte ni masque ni lunettes. Il chancelle. Il souffle à nouveau dans son biniou et les notes fusent. Droites et tendues. Sépulcrales et solennelles. Je ris. C'est nerveux. Ce n'est pas possible. Humainement ce n'est pas possible. Il faut de l'air - et pas qu'un peu - pour souffler dans un instrument pareil. Or l'air est irrespirable au coeur du rond-point. Je me frotte les yeux. Tente d'arrêter quelques gilets en cavalcade pour que quelqu'un m'explique. Un peu de rationalité bordel ! Mais c'est comme si tout le monde me passait au travers. Je me dis qu'il faut que je filme la scène sinon personne ne me croira. Mais les gaz arrivent. Je jette un dernier regard vers l'ombre chétive du musicien et me mets à courir moi aussi.
Extrait de Péage sud de Sébastien Navarro.

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