vendredi 26 juillet 2019

Nihon yôkoso XI

Départ pour Nikko
Foule, sac lourd, marche et recherches
Repos mérité !

Samedi 27 avril 2019

   Ce matin Yasuno ter ! 1h30 sans échauffement. Dojo dans l'université Meiji. Il me prend souvent au milieu. Grand. Dernières chutes à Tokyo.

 Un monde fou dans cette gare géante. Paumé et souffrant des bretelles me broyant les épaules de mon sac à dos de trois tonnes, je parviens à effectuer les démarches pour activer mon Japan Railway pass, qui me permettra de prendre presque quasi tous les trains grandes lignes pendant une semaine, et à trouver mon quai.

   La suite de mon périple ne se fera pas seul. Au Japon, à partir d'aujourd'hui, c'est la Golden Week, à savoir... les congés annuels (en tous cas l'une de leurs sessions) ! Et cette année elle est rallongée chouïa, because changement d'empereur et donc d'ère. Je ne serai donc pas un con de touriste parmi les rares touristes occidentaux, mais un touriste plus fondu dans le paysage, parmi des flots de touristes japonais ! Certes, il y aura foule, mais ça ne me déplaît pas, cela me donnera un sentiment d'appartenance à ce peuple des confins, des points communs supplémentaires avec les Nippons. Et puis, il y aura plein d'enfants ! Ça donne de la vie, des sourires, et des facilités de liens à créer, fussent-ils fugaces. Toutes ces réflexions, je me les suis faites après coup, a posteriori, c'est le résultat de l'expérience : c'était chouette comme ça !



   Je fais escale à Utsunomiya :


Vingt dieux qu'il est lourd le salaud !



Mon sucre.

Là c'est de la gourmandise.

Arrivé à Nikko, sourire légèrement crispé, petit scarabée s'apprête à rouler sa boule d'excrément jusqu'à son terrier. Dur, dur d'être un apprenti rônin de cinquante berges !

Mais dès la sortie des encombrements de la gare, quel n'est pas la surprise de Wroblewski (qui, malgré les consonances slaves de son nom, a des origines suisse alémanique), de se retrouver dans la mère Patrie !

Vue de Nikko, préfecture de Tochigi, Japon.

Vue de Buchs, canton de Saint-Gall, Suisse.



Ca va grimper sec jusqu'à l'auberge, un genre de chalet. Derniers moments de broyage, mais exponentiellement intense, des épaules de Wrobly. Il comprendra seulement en haut, que ce qui doit porter le plus, ce sont les hanches, grâce à la ceinture à bien serrer au-dessus du bassin, et non les épaules par les bretelles. Une illumination on ne peut plus aïki ! La suite du voyage sera donc plus confortable à ce niveau.


Mais pour le moment, repos et dodo bien mérités.

lundi 22 juillet 2019

Quand Jojo rencontre Assa

Et qu’il faut pour que ça s’arrête
Qu’on soit des milliers dans la rue
Français, immigrés, tous unis
Pour que les flics s’en relèvent plus

Dominique Grange

Que faites-vous ? Vous marchez. Vous allez en avant. Vous dotez le ciel [...] d'on ne sait quel rayon macabre. Vous créez un frisson nouveau.
Victor Hugo

   Comme l'année dernière, promenade estivale au bord de l'Oise. Festive, joyeuse, malgré les assassinés, torturés à mort, mutilés qui nous accompagnaient. Et puis cette année il y avait du nouveau : en plus des soutiens, familles et amis issus des quartiers populaires, de Beaumont-sur-Oise notamment, et des militants habituels, il y avait du gilet jaune ! Détermination, désir de fraterniser pour continuer la lutte et en finir avec ces bandes armées répandant la terreur dans le but d'étouffer, d'étrangler toute rébellion, et de stigmatiser auprès de nous, les téléspectateurs, ces catégories de sous-hommes / repoussoirs / boucs émissaires / dangereuse menace (population des cités, gens du voyage, roms...), dont des enfants sont régulièrement, j'allais dire rituellement, et impunément rayés de la carte (sans compter ceux qui croupissent en prison). Pour justifier ses actes controversés, au sujet desquels la Justice n'userait pas de l'impartialité à laquelle nous pourrions nous attendre, mais ferait preuve au contraire d'une certaine prévention, plutôt favorable en l'occurrence selon certains témoignages, la police et ses médias ruinent régulièrement la réputation des habitants des banlieues. Et, cercle vicieux, plus la répression, le harcèlement, la hogra... sont féroces, leurs aspects les plus insupportables étant soigneusement cachés ou minimisés, plus nous, les bonnes gens des centres villes, des banlieues pavillonnaires ou d'immeubles moins délabrés que ceux des grands ensembles, prenons nos distances avec les damnés, souvent en les jugeant tels que nos maîtres nous somment de les juger. Cela invalide la possibilité de toute rencontre, de toute fraternisation. Aujourd'hui, les pauvres non discriminés de par leur couleur, leur religion, leur origine étrangère, leur mode de vie nomade..., se sont aperçus qu'ils sont aussi méprisés que les autres par la bourgeoisie, sa police et sa justice, pour peu qu'ils ne restent pas tranquilles devant leurs télés à communier dans le pharisaïsme national anti-ghettos. Ils se sont levés, ils sont venus, ils ont vu, les yeux, les dents, les mains ont volé. Puissions-nous ne plus nous séparer et continuer de lutter ensemble !



On s'est pris une sacrée saucée. Mère Nature a ainsi souhaité baptiser cette nouvelle alliance tee-shirts noirs / chasubles fluorescentes.




Collègue !


Il suffit de passer le pont.

Des évidences ont été exprimées.

Pas d'infanterie, sauf à la gare quelques bleus. En revanche un barbouze pointait les prochaines victimes.







Assa alors !

vendredi 19 juillet 2019

Nihon Yôkoso X

Lost in translation
La neige multicolore
Pleut comme dehors.
Vendredi 26 avril 2019

   Ce soir je vais pratiquer dans un deuxième dojo de Yasuno sensei, déjà évoqué ici et .

   Demain je quitte Tokyo. Un peu triste et me sentant seul, je rentre dans un bar...


... dans le but de consommer pour oublier.


   Mais comme cet articule de transition en demi teinte risque de vous laisser sur votre faim, voici la bande annonce du film de Wes Anderson L'Ile aux chiens, que j'ai visionné hier. Un bien joli film américain très japonais qui, sous sa forme d'anime humoristique, illustre de graves et de nouveau très actuelles tendances politiques mondiales, et dont la fiction se déroule sur l'archipel dite du soleil levant. C'est bourré de références aux nippons et à leur culture : il me semble même qu'on y entend à un moment un bref extrait de la bande originale des 7 samouraïs !



lundi 15 juillet 2019

Nique les trois couleurs


   Tels sont les principes sévères qui conduisent dans la recherche du beau cet artiste éminemment national, dont les compositions décorent la chaumière du pauvre villageois et la mansarde du joyeux étudiant, le salon des maisons de tolérance les plus misérables et les palais de nos rois. Je sais bien que cet homme est un Français, et qu’un Français en France est une chose sainte et sacrée, — et même à l’étranger, à ce qu’on dit ; mais c’est pour cela même que je le hais.
   Dans le sens le plus généralement adopté, Français veut dire vaudevilliste, et vaudevilliste un homme à qui Michel-Ange donne le vertige et que Delacroix remplit d’une stupeur bestiale, comme le tonnerre certains animaux. Tout ce qui est abîme, soit en haut, soit en bas, le fait fuir prudemment. Le sublime lui fait toujours l’effet d’une émeute, et il n’aborde même son Molière qu’en tremblant et par ce qu’on lui a persuadé que c’était un auteur gai.
   Aussi tous les honnêtes gens de France, excepté M. Horace Vernet, haïssent le Français. Ce ne sont pas des idées qu’il faut à ce peuple remuant, mais des faits, des récits historiques, des couplets et Le Moniteur ! Voilà tout : jamais d’abstractions. Il a fait de grandes choses, mais il n’y pensait pas. On les lui a fait faire.
   M. Horace Vernet est un militaire qui fait de la peinture. — Je hais cet art improvisé au roulement du tambour, ces toiles badigeonnées au galop, cette peinture fabriquée à coups de pistolet, comme je hais l’armée, la force armée, et tout ce qui traîne des armes bruyantes dans un lieu pacifique. Cette immense popularité, qui ne durera d’ailleurs pas plus longtemps que la guerre, et qui diminuera à mesure que les peuples se feront d’autres joies, — cette popularité, dis-je, cette vox populi, vox Dei, est pour moi une oppression.
   Je hais cet homme parce que ses tableaux ne sont point de la peinture, mais une masturbation agile et fréquente, une irritation de l’épiderme français ; — comme je hais tel autre grand homme dont l’austère hypocrisie a rêvé le consulat et qui n’a récompensé le peuple de son amour que par de mauvais vers, des vers qui ne sont pas de la poésie, des vers bistournés et mal construits, pleins de barbarismes et de solécismes, mais aussi de civisme et de patriotisme [1].
   Je le hais parce qu’il est né coiffé, et que l’art est pour lui chose claire et facile. — Mais il vous raconte votre gloire, et c’est la grande affaire. — Eh ! qu’importe au voyageur enthousiaste, à l’esprit cosmopolite qui préfère le beau à la gloire ?
   Pour définir M. Horace Vernet d’une manière claire, il est l’antithèse absolue de l’artiste [...].
   Du reste, pour remplir sa mission officielle, M. Horace Vernet est doué de deux qualités éminentes, l’une en moins, l’autre en plus : nulle passion et une mémoire d’almanach ! Qui sait mieux que lui combien il y a de boutons dans chaque uniforme, quelle tournure prend une guêtre ou une chaussure avachie par des étapes nombreuses ; à quel endroit des buffleteries le cuivre des armes dépose son ton vert-de-gris ? Aussi, quel immense public et quelle joie ! Autant de publics qu’il faut de métiers différents pour fabriquer des habits, des shakos, des sabres, des fusils et des canons ! Et toutes ces corporations réunies devant un Horace Vernet par l’amour commun de la gloire ! Quel spectacle !
[...]
   Bien des gens, partisans de la ligne courbe en matière d’éreintage, et qui n’aiment pas mieux que moi M. Horace Vernet, me reprocheront d’être maladroit. Cependant il n’est pas imprudent d’être brutal et d’aller droit au fait, quand à chaque phrase le je couvre un nous, nous immense, nous silencieux et invisible, — nous, toute une génération nouvelle, ennemie de la guerre et des sottises nationales ; une génération pleine de santé, parce qu’elle est jeune, et qui pousse déjà à la queue, coudoie et fait ses trous, — sérieuse, railleuse et menaçante !

Charles Baudelaire.

[1] Il s'agit du chansonnier Béranger (note du blogueur).

vendredi 12 juillet 2019

Sayonara Kuro ?

   Et bien voilà, avec ces trois films j'épuise la filmographie du grand Akira Kurosawa, découverte majeure pour moi de cette année, même si j'avais déjà vu Chien enragé il y a quelques années. Enfin quand je dis la filmographie, je parle du stock de DVD de la bibliothèque. Je ne crois pas qu'ils ont tout. Il me restera donc peut-être d'autres magnifiques rencontres à faire, tant mieux !

- Dodes'kaden (どですかでん, Dodesukaden) d'Akira Kurosawa, 1970.
   L'ami CHROUM-BADABAN m'en avait parlé dans un commentaire de mon actualité cinématographique comprenant les Bas-Fonds du même Kurosawa d'après Gorki. Il est vrai que les thématiques sont semblables : la survie dans la misère, et ses acmés de poésie. Ici cependant nous ne sommes pas dans un trou, mais dans un bidonville en pleine lumière, aéré et dégagé. Et en couleur : c'est le premier opus du réalisateur qui en bénéficie. Un pur chef d’œuvre, encore ! On est tenu en haleine et émerveillé par la beauté des images, hilare ou épouvanté, en suivant les péripéties sordides de cette humanité damnée. Sillonnée par ce pauvre petit gosse qui se prend pour un tramway et qui scande le beat du moteur en traversant les terrains vagues : "Dodes'kaden - dodeskaden - dodekaden".
   Ce film fut un échec. Il paraît que Kurosawa en fit une dépression, tenta de se suicider et faillit arrêter là son œuvre. Heureusement, il n'en fit rien.


- Je ne regrette rien de ma jeunesse (わが青春に悔なし, Waga seishun ni kuinashi) d'Akira Kurosawa, 1946.
   Un peu l'anti Le Plus dignement. On se souvient que ce dernier film était une fiction de propagande "stakhanoviste" de guerre. Ici on a, sur fond d'amour fou à la Breton, ou sublime à la Péret, un film de résistance au militarisme, au fascisme, au nationalisme, à l'expansionnisme du Japon, des années 30 à la fin de la guerre. La mise en scène de la répression impitoyable et et de l'ostracisme pratiqué à l'égard des réfractaires peut aider à comprendre pourquoi Kurosawa a commis son film collaborationniste de 1944, au plus fort de la guerre. En tout cas il s'est bien rattrapé avec celui-ci, qui, esthétiquement et narrativement, incomparablement, est une œuvre bouleversante quand l'autre n'est qu'une navrante réclame patriotique. Et éthiquement il nous convient aussi, c'est tout bénef'.


- Qui marche sur la queue du tigre (虎の尾を踏む男達, Tora no o o fumu otokotachi) d'Akira Kurosawa, 1945.
   Un court métrage qui préfigure les grands films de samouraï ultérieurs. Je suis d'ailleurs resté sur ma faim quand le film s'est terminé. Nous sommes ici sur le ton de la comédie picaresque. Nulle violence ne sera finalement employée, mais la ruse. Le porteur Sancho Pancesque jouant bouffonnement au faire valoir des 7 samouraïs déguisés en ascètes bouddhistes montagnards (yamabushis).


- Les 7 samouraï (七人の侍, Shichinin no samurai) d'Akira Kurosawa, 1954.
   A propos de samouraïs au fait, ce n'était pas tout à fait vrai que j'avais épuisé la resserre de la bibliothèque. Il me restait, attendant patiemment que je trouve à disposer de trois heures et demie, le cultissime Sept samouraïs, que je n'avais jamais vu, je m'étais arrêté à Yul Brynner ! C'est maintenant chose faite. Un grand moment, dont la fin entre en résonance avec le sentiment de deuil qui me traverse au bout de cette série Kurosawa. Attention divulgâchage : Où êtes vous Kikuchiyo, Gorobei Katayama, Kyuzo, Heihachi Hayashida ? Où est le Wroblewski vierge de l’œuvre de Kurosawa, prêt à en prendre plein les mirettes et le ventre ? Il est en allé. Ils sont passés.

   Mais peut-être sont-ils revenus, de novembre à juin, sur les ronds-points de France et de Navarre... Peut-être reviendront-ils lors de nouveaux combats épiques remuer dans leur routine mes travaux quotidiens et s'attaquer de concert à mon inertie et aux pilleurs de vie (ampoulé et maladroit, ok, mais l'instant valait que je tente quelque chose, que j'élargisse et dégage des points d'horizon).


   Ma dernière actu ciné. Snif.

lundi 8 juillet 2019

Nihon yôkoso IX

Ici point de voiles
Des poissons volant au vent.
Et des belles masquées.
Jeudi 25 avril 2019

   Aujourd'hui j'ai prévu de me balader dans le parc Gyoenmae. A mon arrivée à Tokyo, en sortant du métro arrivant de l'aéroport Narita, je débouchai, pas encore très rassuré sur mon aptitude à ne pas me paumer complètement dans ce boxon, de la station Shinjuku-gyoenmae, justement, l'une des deux plus proches de mon hôtel, à l'entrée de ce jardin. Je m'étais donc promis d'y retourner pour le visiter, je lui devais bien ça, être accueilli par de l'eau, des arbres, de l'herbe, des fleurs et des bêtes, moi ça m'a plutôt un peu déstressé, même si je ne faisais que pressentir ces merveilles derrière le rideau de feuilles de l'entrée. Et d'autant plus qu'il fait partie des géants verts de la métropole. Le seul regret, en plus du temps grisâtre et d'un peu de pluie, c'est que Gyoenmae prend toute sa magnificence au moment de la floraison des cerisiers, et que je suis arrivé un peu tard pour contempler cela. Je paye quand même les quelques yens nécessaires pour pénétrer.

Par ici la visite.










 Les écoliers sont de sortie aujourd'hui (demain, c'est les vacances ! nous en reparlerons...). Il y a les garçons.

 Les filles.

Les petits.

 Tiens ! v'là la pluie !

 Quelques restes humides de la floraison des cerisiers.

Les chers corbeaux délicieux, là-bas aussi.

Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon d'azur !

   De l'autre côté du parc se situe le quartier de Shinanomachi, qui n'entre pas dans les plans des lieux dignes d'intérêt des guides. M'y promenant un peu je constate qu'effectivement, il est un peu terne. Par ailleurs, je ne sais pas si je vous ai parlé des toilettes au Japon. Un bonheur pour l'agité de la prostate que je suis (nulle inquiétude les amis, tout petit déjà j'allais pisser toutes les cinq minutes, et j'étais pris d'envies irrépressibles dès que je m'installais dans un endroit clôt d'où il allait être compliqué de m'extraire, un cinéma par exemple, ou un autocar. Bref, pour moi jusqu'à présent le Japon était un petit paradis, des chiottes, nickelles, mais surtout : partout ! Des gogues, gratuites, dans chaque station de métro ! Près de chaque temple ou lieu touristique. Parfois même ces lieux délicieux vous appellent par une petite musique, comme les passages piétons. Autant dire que j'ai vraiment eu un sentiment de sécurité au pays des samouraïs et des kamikazes. Mais là justement, vu que le quartier n'a que peu d'intérêt pour les couillons de touristes comme moi, pas de toilettes, les gens font chez eux ou au boulot. Donc c'est le seul endroit de mon séjour (peut-être à Kyoto aussi, près du dojo, lieu de vie quotidienne sans touristes) ou j'ai souffert d'une envie de pisser importante, et surtout de l'angoisse de ne pas pouvoir assouvir ce besoin, angoisse qui accompagne chez moi les signaux de l'éveil de cette fonction organique. Bon, le temps d'acheter une boîte de bâtonnets d'encens dans une boutique d'objets de piété bouddhiste, et je suis retourné sur mes pas au parc afin de pouvoir m'y soulager.