vendredi 30 septembre 2016

Pour une convivialité cucurbitacée

     Ma collègue W. m'a interpelé doucement l'autre jour. Elle revenait de vacances à la campagne dans un pays du sud de la Méditerrannée, et elle me demandait, encore un peu sous le choc, si je savais que, quand on tranche la gorge à une vache, elle vit encore pendant une bonne demie-heure. Je répondis que, ben euh... oui... Elle me raconta comment on lui avait demandé, à l'occasion d'une certaine fête, de tenir les pattes d'une bovine pendant qu'on l'égorgeait, que la bête s'était longtemps débattue, lui blessant les poignets, respirant profondément, et exhalant des gémissements d'agonie et de terreur à chaque expiration accompagnés de spasmes. Cela l'avait profondément perturbée, elle a eu envie d'arrêter la viande, et s'est faite la réflexion que, si on devait chacun tuer nos propres steaks avant de les avaler, il y aurait plus de végétariens (le fameux principe de la sensibilité kilométrique, qui veut qu'il est moins émouvant de larguer une roquette du haut d'un bombardier à 10 000 mètres, que de pénétrer un bide à la baïonnette, on a beau dire, on reste humain).

     Vous me connaissez, bon, prince, je lui ai appris, que dans une société avancée, urbaine et laïque, gauloise par exemple, le respect de la cause animale oblige les abattoirs à étourdir nos amis les bêtes. Et je lui ai conseillé de visionner le film du vieil anar Georges Franju Le Sang des bêtes (oui, bon, ok, ça date un peu, mais vous me connaissez), qui, loin d'être de la propagande végane, était une commande publicitaire des abattoirs de La Villette, pour comprendre la bienveillance fondamentale envers tout être vivant qui sous-tend tous les principes fondateurs de notre civilisation. Parfois on voit un veau bouger encore après avoir été écorché, mais bon, hein ! oh ! ça va ! les ayatollahs vegan, oui ?

     Ensuite, je lui ai proposé ma recette de sandwich au concombre, qu'on peut très bien adopter entre deux apéros saucisson- pinard ou foie gras Champagne, ça se fait dans les meilleures maisons, comme le prouvent les dialogues ci-dessous.

     Repentante et reconnaissante, elle est retournée à son ouvrage, transformée.



PETITE TRANCHE DE VIE AU CONCOMBRE (et non pas petite branche de vit au con contre)

ALGERNON
      Et, à propos de science de la vie, est-ce que vous avez préparé les sandwichs au concombre pour Lady Bracknell ?

LANE
      Oui, Monsieur.

ALGERNON
     Hum ! Où sont-ils ?

LANE
     Ici, Monsieur. (Il lui montre l’assiette.)

ALGERNON
          (Il les examine, en prend deux, et s’assied sur le canapé.) […] Vous pouvez disposer, Lane, je vous remercie.

LANE
     Merci, Monsieur. (LANE se dirige vers la porte).

ALGERNON
     Ah !... Donnez-moi juste encore un sandwich au concombre.

LANE
     Bien, Monsieur. (Il revient sur ses pas et lui présente l’assiette.)
          LANE sort.
[…]
          LANE réapparaît.
     M. Constant Worthing.
          Entre JACK. LANE sort.

ALGERNON
     Comment allez-vous, mon cher Constant ? Qu’est-ce qui vous amène dans la capitale ?

JACK
     Oh, le plaisir, le plaisir ! Qu’y a-t-il d’autre pour amener quelqu’un quelque part ? Tiens, en train de manger, comme d’habitude, Algy ?

ALGERNON
          (avec une certaine froideur)
     Je crois qu’il est d’usage dans la bonne société, de prendre une petite collation à cinq heures. […] (il va prendre encore un sandwich). […]

JACK
     Oh, mais dites donc : Pourquoi toutes ces tasses ? Pourquoi ces sandwichs au concombre ? Pourquoi une prodigalité aussi insensée de la part d’un homme aussi jeune ? Qui donc va venir prendre le thé ?

ALGERNON
     Oh ! Seulement tante Augusta et Gwendolen. […]

ALGERNON
     […] (Jack tend la main pour prendre un sandwich. Algernon l’en empêche aussitôt). S’il vous plaît, ne touchez pas aux sandwichs au concombre ! Ils ont été préparés exprès pour tante Augusta. (Il en prend un et le mange).

JACK
     Mais enfin, vous n’avez pas arrêté d’en manger !

ALGERNON
     Il s’agit là d’un problème entièrement différent. C’est ma tante.

LADY BRACKNELL
     Je suis désolée d’arriver en retard, Algernon, mais j’ai été obligée de passer dire bonjour à cette chère Lady Harbury. Je n’étais pas allée la voir depuis la mort de son pauvre mari. Jamais je n’ai vu une femme changée à ce point là : elle a l’air d’avoir rajeuni d’une bonne vingtaine d’années. Et maintenant je vais prendre une tasse de thé, et un de ces délicieux sandwichs au concombre que vous m’avez promis.

ALGERNON
     Mais certainement, tante Augusta. (Il s’approche de la table basse.) […]
     (prenant d’un air horrifié l’assiette vide) Grands dieux ! Lane ! Pourquoi n’y a-t-il pas de sandwich au concombre ? Je les avais commandés tout spécialement !

LANE
          (gravement)
     Monsieur, il n’y avait pas de concombres au marché ce matin. J’y suis allé deux fois.

ALGERNON
     Pas de concombres !

LANE
     Non, Monsieur. Pas même en payant comptant.

ALGERNON
     Vous pouvez disposer Lane, je vous remercie.

LANE
     Merci Monsieur.
          Il sort.

ALGERNON
     Tante Augusta, je suis horriblement navré qu’il n’y ait pas de concombres, même pour de l’argent comptant.

LADY BRACKNELL
     En réalité cela n’a pas d’importance, Algernon. Je viens de manger quelques crêpes en compagnie de Lady Harbury, qui semble à présent mener une existence vouée exclusivement au plaisir.


PLAISIR SUPREME EN-CAS CONCOMBRE (là aussi il y en a une)

Pour 4 personnes :

• 1 concombre
• 4 muffins anglais (on peut prendre du pain, de mie ou pas, comme on veut)
• 4 feuilles de salade
• quelques olives noires
• 1 yaourt au soja
• 3 c. à soupe de crème de soja
• 1 c. à soupe de basilic séché
• 1 c. à café de moutarde
• 1 c. à café d’huile d’olive
• 1 pincée de sel
• poivre

Éplucher le concombre, le couper en fines rondelles (environ 0,5 cm d’épaisseur). Réserver.
Verser la yaourt de soja et la crème dans un bol et bien mélanger.
Ajouter le basilic séché, la moutarde, l’huile d’olive, le sel et le poivre au goût.
Couvrir d’un film et placer 1 heure au frigo.
Couper un muffin en 2.
Sur une moitié de pain, tartiner avec la crème obtenue précédemment préalablement sortie du frigo, déposer une feuille de salade, des tranches de concombre, quelques olives. Placer l’autre moitié de pain sur le dessus, façon burger.

Procéder de la même manière pour les autres sandwichs.


La Plèbe écoute tout le temps :

Lundi soir 3 octobre : Dans l'herbe tendre (chanson française). Thème du mois : la folie.

mercredi 28 septembre 2016

Jouons un peu avec les chefs d'Etat africains

      Comme un Amin Dada ou un Jean-Bedel Bokassa, en deux mois je suis passé de commandant à général. Plus tard, comme un Allassane Ouattara, j'ai été installé au pouvoir par une puissance étrangère qui a gagné la guerre à la place de mon armée. Ensuite, comme un Blaise Compaoré, j'ai légitimé ma position par des élections. Ne faisant plus l'affaire de ceux qui m'avaient porté au pouvoir, on a dit que j'avais démissionné quelques temps après alors que j'ai été déposé comme un Patrice Lumumba. Puis, pendant mon exil intérieur, tel un Sassou Nguesso, j'ai ruminé ma vengeance et intelligemment préparé mon retour. Jusqu'au jour où, tel un Thomas Sankara, après un putsch savamment orchestré avec des parachutistes, je reprends le pouvoir en faisant passer mon action pour un plébiscite populaire. Et comme après tous les bons putschs de nos bonnes république nègres, j'ai changé la Constitution pour me dresser le lit d'un long règne sans partage comme un Muammar Kadhafi. Mais arriva le moment où, sous la huée d'un immense soulèvement populaire, j'ai plié mais n'ai jamais rompu tel un Laurent Gbagbo. Contraint de partir un an plus tard comme un Moussa Traoré, c'est de chagrin, le chagrin du pouvoir perdu, que je mourrai comme un Désiré Mobutu.



      Qui suis-je ?

 Eh non ! Il ne s'agit pas de Nelson Mandela. Vous l'avez compris, bravo à Romain, il s'agit du GDDA (grand dépendeur d'andouilles), qui a tracé toute sa route avec un faux car au cul ! Pour ce jeu je me suis largement inspiré d'un excellent et plein d'humour texte de Gauz, découvert dans un petit livre de soutien aux réfugiés, Bienvenue.

lundi 26 septembre 2016

Bande originale du livre

Pour se remettre du traumatisme du post précédent, et pour me faire pardonner, même si Jules m'a déjà absous, un  post post-traumatique.

Pardonnez-moi, mais je suis tombé dedans quand j'étais petit, et j'aime, surtout quand c'est du Bon. 

Une petite mutinerie ? (N'ayez pas peur, il y aura aussi du punk). 

Chose promise.

Un petit coup de Disney réduit en bouillie, miam !

Du keupon encore, comme je l'aime.

Et encore.

Un classique, dédicacé à Jules. 

Et qu'est-ce que c'est que tout ce son ? Eh bien c'est une toute petite partie de la BO, fignolée par un fan, j'imagine, du livre Vernon Subutex de Virginie Despentes, dont j'ai lu deux oeuvres de jeunesse, Les Chiennes savantes (1996), et Mordre au travers (1999), le tout assez hard core, et que j'aime bien, surtout qu'elle a mon âge. Je précise que je n'ai pas (encore ?) lu le Vernon. Merci au blog Entre les oreilles par qui j'ai découvert cette "BO".

vendredi 23 septembre 2016

Ambivalence des scies

   Quelqu’un chantait sous la fenêtre. Winston, protégé par le rideau de mousseline, regarda au dehors. Le soleil de juin était encore haut dans le ciel et, en bas, dans la cour baignée de soleil, une femme aux avant-bras d’un brun rouge, qui portait, attaché à la taille, un tablier en toile à sac, marchait en clopinant entre un baquet à laver et une corde à sécher. Monstrueuse et solide comme une colonne romane, elle épinglait sur la corde des carrés blancs dans lesquels Winston reconnut des couches de bébé. Dès que sa bouche n’était pas obstruée par des épingles à linge, elle chantait d’une voix puissante de contralto.

   Ce n’était qu’un rêve sans espoir.
   Il passa comme un soir d’avril, un soir.
   Mais un regard, un mot, les rêves ont recommencé.
   Ils ont pris mon cœur, ils l’ont emporté.

   L’air avait couru dans Londres pendant les dernières semaines. C’était une de ces innombrables chansons, toutes semblables, que la sous-section du Commissariat à la Musique publiait pour les prolétaires. Les paroles de ces chansons étaient composées, sans aucune intervention humaine, par un instrument appelé versificateur. Mais la femme chantait d’une voix si mélodieuse qu’elle transformait en un chant presque agréable la plus horrible stupidité.
   Winston pouvait entendre le chant de la femme, le claquement de ses chaussures sur les dalles, les cris des enfants dans la rue et, quelque part dans le lointain, le grondement sourd du trafic de la cité. La chambre paraissait cependant curieusement silencieuse, grâce à l'absence de télécran.
[…]

Si j’étais un homme : quand la voisine commence à chanter ça avec trémolos, le désespoir point. Mais quel traitement ont-ils bien pu lui faire subir pour qu’elle en arrive à délibérément détruire la beauté d’une après-midi d’été paisible ? Pauvre sister ! Pauvre sieste peinard avec un bon bouquin !

En bas, dans la cour, la femme aux bras rouges évoluait encore entre le baquet et la corde. Elle ôta de sa bouche deux épingles de bois et chanta avec sentiment :

   On dit que le temps guérit toute blessure.
   On dit que l’on peut toujours oublier.
   Mais la vie est toujours là et tout le temps qu’elle dure.
   Par la joie ou par les pleurs toujours mon cœur est travaillé.

   Elle semblait connaître par cœur toute la rengaine. Sa voix s’élevait dans la douceur de l’air d’été, mélodieuse et chargée d’heureuse mélancolie. On avait l’impression qu’elle eût été parfaitement heureuse, pourvu que le soir de juin fût infini et le nombre de couches inépuisable, heureuse de rester là des milliers d’années à attacher des couches et chanter des stupidités. Winston fut frappé par le fait étrange qu’il n’avait jamais entendu chanter, seul et spontanément, un seul membre du Parti. Cela aurait paru légèrement non orthodoxe, ce serait une excentricité dangereuse, comme de se parler à soi-même. Peut-être était-ce seulement quand les gens n’étaient pas loin de la famine qu’ils avaient des raisons de chanter.
[…]

Maintenant bandez. Pensez que le groupe Indochine fait de la moto sans casque. Et boum, le camion.

D’en bas venaient le bruit familier des chansons et le claquement des bottes sur les pavés. La femme aux bras rouges brique que Winston avait vue là lors de sa première visite était presque à demeure dans la cour. Il semblait qu’elle passât toutes les heures du jour à marcher dans un sens ou dans l’autre entre le baquet à laver et la corde à linge. Tantôt elle fermait la bouche sur des épingles à linge, tantôt elle faisait éclater un chant lascif.
[…]

Il resta un moment à sommeiller, puis l’habituelle chanson, chantée à plein poumons, monta de la cour :

   Ce n’était qu’un rêve sans espoir.
   il passa comme un jour d’avril,
   mais un regard et un mot, et les rêves qu’ils éveillent,
   tordent encore les fibres de mon cœur !

La ritournelle semblait encore en vogue. On l’entendait par toute la ville. Elle tenait plus longtemps que la chanson de la Haine. Julia se réveilla au bruit, s’étira voluptueusement et sortit du lit.
[…]

Il n’est pas recommandé de parler de kalachnikov en ces temps-ci, c’est bien ça ?

La voix infatigable continuait à chanter :

   On dit que le temps apaise toute douleur,
   on dit que tout peut s’oublier,
   mais les sourires et les pleurs, par-delà les années,
   tordent encore les fibres de mon cœur !
[…]

La femme, infatigable, allait et venait, s’emplissait la bouche d’épingles, les enlevait, chantait, puis restait silencieuse, épinglait toujours plus de couches, encore et encore.
[…]

 Céline Dion : « Je me suis acceptée, transformée, sans l'aide de la chirurgie ».

Sa vie s’était passée à blanchir, brosser, repriser, cuisiner, balayer, polir, raccommoder, frotter, blanchir, d’abord pour ses enfants, puis pour ses petits-enfants, pendant trente ans d’affilée. Au bout de trente ans, elle chantait encore.
[…]

- Te souviens-tu, demanda-t-il, de la grive qui chantait pour nous, le premier jour, à la lisière du bois ?
- Elle ne chantait pas pour nous, répondit Julia, elle chantait pour se faire plaisir à elle-même. Non, pas même cela. Elle chantait, tout simplement.
Les oiseaux chantaient, les prolétaires chantaient, le Parti ne chantait pas. Partout, dans le monde, à Londres et à New York, en Afrique et au Brésil et dans les contrées mystérieuses et défendues par-delà les frontières, dans les rues de Paris et de Berlin, dans les villages de l’interminable plaine russe, dans les bazars de la Chine et du Japon, partout se dressait la même silhouette, solide et invincible, monstrueuse à force de travail et d’enfantement, qui peinait de sa naissance à sa mort, mais chantait encore.
George Orwell.- 1984.

Entendu ce matin par une gentille collègue : "ce qu'il y a de bien au groupe de fans de Vanessa, c'est qu'on apprend plein de choses. Oui, parce que chaque fan de Vanness' est fan d'un autre truc." Puis, d'une ironie pète-sec en passant devant des photos du mouvement contre la loi Travaille ! et de sa répression affichées par des étudiants : "Y a pas assez de manifs ? Il faut en plus mettre des photos ?"

mercredi 21 septembre 2016

La dose de Wrobly, fructidor 2016 ère commune


   - Le Horla de Maupassant. J'ai une culture plutôt classique comme vous avez peut-être pu le constater ; enfin classique, scolaire on va dire, restons humble. Quand l'occasion se présente, j'aime lire et relire Maupassant. Ici aussi, conte ou nouvelle (il y a deux versions) le premier orientant le fantastique vers la science-fiction, la deuxième vers la folie, il serait difficile de trouver violence aussi morbide, égal délire de perversité chez ses contemporains, même si la folie est à la mode dans les deux dernière décennies du siècle. Certes, cet auteur au eu de mauvaises fréquentations, son mentor, Flaubert, que je ne porte pas dans mon coeur malgré son génie (?), et Dumas fils, qu'il flagorne ici honteusement, mais le narrateur étant fou à lier, ça peut rester ambigu.


   - L'Appel du mort et Chandelles noires de John le Carré. Ca a encore un rapport avec mon enfance, je sais, vous vous en foutez. L'appart' de mon père, c'était un peu comme la boutique de George Weaver pour ceux qui ont connu. Je me servais à l'occasion, gamin. Un jour, j'ai pris La Taupe, du même auteur. J'ai rien compris. Du coup je m'étais juré qu'un jour, quand je serais grand, je me referais les Le Carré (ça m'avait fait pareil pour les Patricia Highsmith, à l'époque il existait des librairies, et en vacances je me faisais les Poches policiers, avec un chat sur la tranche, et un jour je suis tombé sur Le Meurtrier d'Highsmith, et idem, j'ai rien pigé, d'où ma lecture en thermidor dernier, longtemps après). Le Carré, vous me direz, c'est dépassé, la guerre froide, tout ça... Mais y a une ambiance, british mais pas que (allemande, suisse, russe...), et des réminiscences historiques d'enfance, le mur n'était pas encore tombé avant mes 20 ans... Cela dit Les Chandelles noires est purement polar who done it, pas d'espionnage, à part le passé de Smiley.


   - Orwell, 1984. Je ne vous ferai pas l'injure. Mais je ne l'avais jamais lu, aussi bizarre que ça puisse paraître, ça faisait partie des monuments que je me gardais sous le coude, il y en aura d'autres... J'étais heureux et excité comme un gosse en commençant ce bouquin. Et je l'ai lu avec une grande solennité, conscient de toucher à un sommet de l'humanité, d'accéder au mythe, un peu comme quand je lis un Kafka encore inlu (oui, c'est une tentative de novlangue). La deuxième partie m'a moins enthousiasmé, la théorie de Goldstein, des essais critiques, on en a tellement lus et relus, tous dézinguant les petits copains d'avant, tous plus actuels et radicaux les uns que les autres, j'ai trouvé que ça freinait l'action et banalisait l'ambiance glauque et glacée. La fin, un pur cauchemar, j'espérais un happy-end, mais faut pas rêver. Dans le même genre par contre j'avais lu La Zone du dehors, d'Alain Damasio (je ne vais pas dans l'ordre), pas mal, mais moins légendaire.

2016

   - L'Importance d'être constant d'Oscar Wilde. Hilarant, brillant, spirituel, cynique mais bienveillant, sympathisant avec les classes populaires et leur lutte, bien que l'action se passe comme presque toujours dans l'aristocratie. Une des meilleures pièces de Wilde, même si toutes valent le détour, avec une perfection des dialogues et leurs paradoxes réputés, qui sont le prétexte à tout, action, personnages... et ici une nette tendance à l'absurde. Le 18 février 1895, quatre jours après la première triomphale de The importance of being Earnest, Oscar recevait la fameuse carte de Lord Queensberry, le traitant de "somdomite" (sic). C'était le début de l'enfer.


lundi 19 septembre 2016

Le papa de Pierrot

  On a découvert ce compositeur récemment. Bien sûr, on connaissait par coeur la musique de Pierrot le fou, mais on n'avait pas retenu le nom de son auteur : Antoine Duhamel. Le reste de son oeuvre, plutôt musique contemporaine, mais souvent aussi musique de films (l'une va souvent bien avec l'autre), vaut le détour, si on sait pas quoi faire.

Un de mes films cultes quand j'étais ado. Pas tellement l'histoire d'amour fou, mais le côté fou-fou à la Pieds nickelés.

Ridicule, de Patrice Leconte, ça se passe juste avant la révolution. Toute ressemblance avec nos petits marquis actuels est purement fortuite.

Méditerranée, moyen métrage connu des spécialistes, que je n'ai pas vu. Une pensée pour nos frères et soeurs migrant(e)s qui s'y sont abimé(e)s. Et à Panait Istrati.

Allez un faux jeu, surtout si vous lisez l'anglais. Antoine était chargé de l'interprétation et de l'adaptation au film de Tavernier de la musique, mais qui en est le compositeur ?

Ici on peut voir à quoi ressemblait le maestro, un barbu.
 

vendredi 16 septembre 2016

Dialectique russe

La générale se lève, après un léger coup de tête amical à sa fille Natacha, qui la suit des yeux jusqu’à la porte, indifférente en apparence aux propos tendres de l’officier d’ordonnance de son père, le soldat Boris Mourazoff, qui a fait de si beaux vers sur la mort des étudiants de Moscou, après les avoir fusillés, par discipline, sur leurs barricades.


D’abord, est-ce qu’il y a encore des ours en Courlande et des arbres ? Est-ce qu’il y a encore des arbres – ce qu’on appelle des arbres ? Car il les a connus, lui, les vieux illustres arbres contemporains des grands-ducs de Lithuanie, arbres géants qui projetaient leur ombre au loin jusque sur les créneaux des villes. Où sont-ils ?... Thadée s’amuse, bien sûr, car c’est lui qui les a coupés bien tranquillement pour en faire de la fumée de locomotive. C’est le progrès.


   On approchait de la « pointe ». Jusque-là la promenade avait été d’une grande douceur champêtre, entre les petites prairies traversées de frais ruisseaux sur lesquels on avait jeté des ponts enfantins, à l’ombre des bois de dix arbres aux pieds desquels l’herbe nouvellement coupée embaumait. On avait contourné des étangs, joujoux grands comme des glaces sur lesquels il semblait qu’un peintre de théâtre eût dessiné le cœur vert des nénuphars. Paysannerie adorable qui semble avoir été créée aux siècles anciens pour l’amusement d’une reine et conservée, peignée, nettoyée pieusement de siècle en siècle, pour le charme éternel de l’heure, aux rives du golfe de Finlande.
 Maintenant on arrivait sur la berge, et le flot clapotait au ventre des barques légères qui s’inclinaient gracieuses comme d’immenses et rapides oiseaux de mer, sous le poids de leurs grandes ailes blanches.
   Sur la route, plus large, glissait, silencieuse et au pas, la double file des équipages de luxe dont les chevaux fumaient d’impatience, des calèches dans lesquelles on se montrait de gros personnages de la cour. Les cochers énormes comme des outres d’Ali-Baba tenaient haut les rênes. De très jolies jeunes femmes, négligemment étendues au creux des coussins, montraient leurs toilettes nouvelles, à la mode de Paris, et se faisaient accompagner d’officiers à cheval qui étaient tout occupés à saluer. Beaucoup d’uniformes. On n’entendait pas un mot. Tout le monde n’avait qu’à faire que de regarder. Seuls, montaient, dans l’air pur et léger, le bruit des gourmettes et le tintinnabulement clair des sonnettes attachées au col des petits chevaux longs, poilus, de Finlande… Et tout cela, qui était beau, frais, charmant et léger, et silencieux, tout cela semblait d’autant plus du rêve que tout cela semblait suspendu entre le cristal de l’air et le cristal de l’eau. La transparence du ciel et la transparence du golfe unissaient leurs deux irréalités sans qu’il fût possible de découvrir le point de suture des horizons.


   Rouletabille regardait cela et regardait le général, et il se rappelait la terrible parole de la nuit : « Ils étaient allés dans tous les coins de la terre russe, et ils n’avaient point trouvé un seul coin de cette terre sans gémissements ! » - « Eh bien, et ce coin-là, pensait-il, ils n’y sont donc pas venus ? Je n’en connais point de plus beau, ni de plus heureux au monde ! » Non ! Non ! Rouletabille, ils n’y sont point venus. C’est qu’il y a dans tous les pays, un coin pour la vie heureuse, dont les pauvres ont honte d’approcher, qu’ils ne connaîtront jamais, et dont la vue seule ferait devenir enragées les mères affamées, aux seins taris ; et, s’il n’en est point de plus beau que celui-là, c’est que nulle part sur la terre il ne fait si atroce de vivre pour certains, ni si bon pour d’autres qu’en ce pays de Scythie, aurore du monde.


    Nous sommes les ennemis déclarés de tout pouvoir officiel, même si c’est un pouvoir [ultra-révolutionnaire] ; ennemis de toute dictature publiquement reconnue ; nous sommes des anarchistes sociaux-révolutionnaires. Mais si nous sommes des anarchistes, demanderez-vous, de quel droit voulons-nous agir sur le peuple et par quels moyens le ferons-nous ? Rejetant tout pouvoir, à l’aide de quel pouvoir ou plutôt de quelle force dirigerons-nous la révolution populaire ? Au moyen d’une force invisible qui n’est reconnue par personne et qui ne s’impose à personne : au moyen de la dictature collective de notre organisation, qui sera d’autant plus puissante qu’elle restera invisible et méconnue et qu’elle sera privée de tous droits et position officiels. *
  Imaginez-vous au milieu du triomphe de la révolution spontanée en Russie. L’Etat et avec lui tout le système social et politique ont été brisés. Tout le peuple s’est soulevé, a saisi tout ce dont il a besoin et a chassé tous les suppôts et tous ceux qui lui voulaient du mal. Il n’y a plus ni loi, ni pouvoir. L’océan en révolte a démantelé tous les barrages. Toute cette masse – le peuple russe -, qui loin d’être homogène est au contraire extrêmement variée et qui s’étend sur l’immense étendue de l’empire russe, a commencé à vivre et à agir de son propre chef, en vertu de ce qu’elle est en réalité, et non plus en raison de ce qu’on lui ordonnait d’être, et elle le fait partout à sa manière : c’est l’anarchie générale. […]
  Mais figurez-vous, au milieu de cette anarchie populaire, une organisation secrète ayant dispersé ses membres sur toute l’étendue de l’empire, formés en petits groupes et néanmoins fortement unis, inspirés par une pensée commune, par un but commun, poursuivi – cela s’entend – conformément aux conditions, et agissant partout selon le même plan. […] Voilà ce que j’appelle la dictature collective de l’organisation secrète.

"Vous avez des contradictions ? On va vous les dépasser, nous, vos contradictions."

"Faites-nous confiance !" 

"Je dirais même plus : fesse-nous, qu'on fiente !"

   *Ce passage et les explications qui suivent sont d’une importance particulière ; ils constituent à notre sens une tentative pour résoudre un des problèmes fondamentaux auxquels se heurtait la pensée anarchiste : celui de l’organisation politique « au lendemain de la révolution triomphante ». Il y a là un essai de combiner les tendances politiques de l’anarchisme avec le système d’action politique blanquiste et jacobin ; le résultat semble être : instaurer une dictature qui n’en serait pas une tout en l’étant. On ne saurait dire que la tentative est fructueuse, malgré l’effort intellectuel et la force d’imagination de Bakounine. (Note de Michael Confino)   

Cet article mêle des extraits de Rouletabille chez le tsar, de Gaston Leroux, et une lettre de Bakounine de 1870, lettre préfigurant la rupture du vieux révolutionnaire avec son Necaev de protégé bien secoué, qui n'aurait pas dépareillé dans la bande de pourritures ci-dessus portraiturées quelques décennies plus tard. Par ailleurs, je n'ai toujours pas retrouvé ce poème cherché désespérément ici , dont le refrain est "Mais où est la sainte", ou "la vieille Russie", mais je n'en suis pas sûr, et qui a été enregistré par un poète ou un chanteur, qui en est ou n'en est peut-être pas l'auteur, qui le dit avec un ton triste et nostalgique et une voix de petit vieillard.

mercredi 14 septembre 2016

Leurs coeurs bougent



Qu'ils sont bons tous les trois, que c'est bon ! Nostalgie, même si je n'ai jamais dégusté la célèbre eau dont s'abreuve la mignonne tard le soir, même si je n'ai jamais mis les pieds à Köln, pas plus qu'à Ostende d'ailleurs, et pourtant... J'ai le mal de ces villes avec en plus le désir de les découvrir. Etat d'âme doux-amer, que l'automne vienne bordel à cul ! Mots qu'on aime à égrener, et égrener encore. J'aime tout particulièrement la dernière strophe, même si je ne la comprends pas totalement rationnellement, mais elle m'évoque un grand désarroi des vies humaines avec des images si simples et si évocatrices !

La Plèbe écoute tout le temps :
Demain soir : Jazzlib' (jazz). Thème de la bi-mensualité : "Jazzlib continue avec les jazzwomen, et personne ne s'en plaindra. Nous avons le plaisir de recevoir la chanteuse qui a fait le buzz sur la toile récemment, et qui a sorti son premier disque. Il s'agit de Camille Bertault et son album s'intitule "En Vie". Voici le clip officiel. Sinon fouillez sur la toile et vous comprendrez pourquoi c'est un phénomène."
JAZZLIB' c'est où, c'est quand, c'est comment ?
Jazzlib' sur radio libertaire 89,4 FM en RP. Tous les 1er et 3e jeudis de 20:30 à 22:00.
Podcast pendant un mois sur la grille des programmes, ou en téléchargement MP3.
Cliquer sur le lien correspondant à LA BONNE DATE (Jazzlib'/entre chiens et loups). (Attention à bien vérifier que vous êtes sur le 1er ou/et 3e jeudi, vous avez en haut à gauche, les semaines disponibles.)"

lundi 12 septembre 2016

Jouons un peu avec nos souvenirs d'enfance


Je vous parle d'un temps que les moins de quarante ans ne doivent pas connaître, je ne sais pas, en tous cas les autres doivent certainement être tisonnés par des réminiscences à la vue de cette photo : "mais où donc ai-je déjà vu ce château ?".

A vous de pénétrer ce mystère (les plus jeunes peuvent jouer également).


Bravo à Jules, qui a eu l'oeil ! Il s'agit du château de Fort la Latte, en Bretagne, eh oui ! dans les Côtes-d'Armor. On peut le visiter ici :


et ici :



Amicalement vôtre mon cher !

vendredi 9 septembre 2016

Perdre ou ne pas perdre la tête en Syrie

Winston se réveilla avec sur les lèvres le mot "Shakespeare".
George Orwell.- 1984

  J’étais à présent un monsieur correctement vêtu, on me saluait de loin, les commandes affluaient ; Simon Herdan était radieux, quand, un jour, comme je me trouvais avec lui au café, une drôle d’histoire m’arriva qui prit dans ma cervelle des proportions auxquelles personne ne s’attendait.
Quelques habitués étaient présents […] Le pharmacien, parlant le grec, m’adressait plus souvent la parole. […]


  Voulant lui donner une réplique avec à propos :
  - Oui, fis-je, les acteurs sont un résumé, un abrégé de leur temps, - cela a été génialement dit par… par… par…
  Je me mis à balbutier :
  - Sch… Sch… Schop… Schil…
  Et me voilà embrouillé dans la trame de ma mémoire rebelle. Le nom universel, que j’avais mille fois prononcé, de l’auteur de cette phrase célèbre, refuse de se laisser articuler par ma langue, qui se tord en vain dans ma bouche. Je promène mon regard désespéré d’un compagnon à l’autre, que je supplie de me venir en aide :
  - Enfin, au diable ! m’écriai-je. Cela se trouve dans Hamlet, quand le héros de la tragédie parle des acteurs, au moment de l’arrivée des comédiens. Vous ne vous souvenez pas ? C’est Sch… Sch…
  Herdan, vexé de voir mon érudition trébucher si publiquement, m’apostropha, rouge de colère :
  - Eh bien, qui a dit cela ?
  - Justement, je vous prie de me le rappeler. Moi je suis victime d’une défaillance de ma mémoire, mais vous ne savez pas qui est l’auteur d’Hamlet ?


  Simon hausse les épaules et fait sortir un ronflement de son narguilé. Qu’est-ce que ça lui fait, à lui, Hamlet ? Les autres, un peu plus embêtés, tout de même, roulent des gros yeux : pharmacien, ingénieur, directeur de banque, me regardent et demandent, l’un après l’autre :
  - Hamletâm ?!
  - Hamletâm ?!
  - Mais oui, nom de Dieu, Hamletâm ! Que le diable emporte l’immortalité si, les intellectuels mêmes, à Damas, ignorent qui est l’auteur d’Hamlet ! L’auteur du Roi Lear, de Macbeth, d’Othello et de tant d’autres tragédies, l’Anglais génial qui a vécu il y a trois cents ans !
  - Ah ! trois cent ans ! s’écrie le pharmacien, soulagé. Je comprends bien que l’on ne se souvienne plus de gens qui sont morts depuis trois cents ans !


  Je jette ma chibouque et lève les bras au ciel :
  - Vous êtes fou, mon ami ! Il n’est pas question de « gens » qui meurent, mais de l’auteur d’Hamlet. Chez moi, c’est un oubli momentané, mais je m’aperçois que chez vous c’est de l’ignorance crasse ! Vous n’avez même jamais entendu parler d’Hamlet !
[…]
  Enfermé dans ma chambre, je ne pensais plus qu’à l’auteur d’Hamlet : me rappeler son nom et aller le lendemain le jeter à la figure de tous ces intellectuels ridicules. Mais plus j’y pensais, plus je m’abrutissais. J’arpentais la pièce en long et en large, j’écrivais avec la craie toutes les lettres de l’alphabet, les associant de diverses manières, dans l’espoir de voir jaillir sous mes yeux le nom béni qui m’était aussi familier que celui de ma mère. Rien ! Ma bouche ne savait plus articuler que : Sch… Schop… Schil…
  Je savais que le nom commençait avec la lettre S, mais lorsque je voulais former la première syllabe, je déraillais aussitôt du côté de Schopenhauer ou de Schiller, ce qui me faisait rougir de honte. Je me promenais et parlais tout haut :
  - Ecoutez-moi ça : pressentir, dès votre enfance, la grandeur des lettres universelles ; leur sacrifier plus tard foyer et bien-être matériel, afin de mieux les cultiver dans votre âme ; savoir, non pas comme une leçon confuse apprise avant l’examen, mais avec amour, qui a été Schopenhauer, qui a été Schiller, et embrouiller quand même dans votre mémoire l’auteur d’Hamlet avec ces deux Allemands, existe-t-il une plus grande misère de notre esprit ?
[…]


  - Tiens ! Si nous allions chez le directeur des Postes ? C’est un bon ami à moi. Je l’ai vu lire souvent. Qui sait ? Peut-être qu’il serait plus malin que les autres !
  - Bon ! Allons chez ce « directeur » aussi. Mais il sera le dernier chez qui je traînerai Hamlet.
  Le bâtiment des postes de Damas est une masure sale, encombrée d’ordures et, la plupart du temps, déserte.
[…]
  - Et vous voulez que le directeur d’une telle poste sache qui est l’auteur d’Hamlet ?
  Nous le cherchâmes quand même et le trouvâmes dans la cour de l’édifice. C’était un petit bonhomme trapu, sale, vêtu comme un ouvrier.
[…]
  - Simon !... Cher ami !...
[…]
  - Mais, dis-moi, connais-tu ce nom : Hamlet !
  Accroupi […], Simon attendait la réponse et déjà le rire secouait tout son corps. L’autre semblait n’avoir rien entendu.
  - Hamlet, mon vieux, Hamlet ! répéta le ferblantier, retournant le visage vers son fichu « directeur ». Peut-être as-tu rencontré par hasard ce nom, parmi tant d’autres : Hamlet, Hamlet !
  - Je ne le connais pas, fit le « directeur », mais je t’apporterai un gros livre où tu pourras trouver tout ce que tu voudras.
[…]
  Et il partit à petits pas, comme un chat battu.
  Je me mis à gambader :
  - Ca y est, cette fois, monsieur Herdan ! C’est le Larousse qu’il va m’apporter. Là, en effet, on trouve tout. Je suis sauvé !
  - Tu vois donc ? Mon « directeur traîne-savate » ! C’est lui qui te sauve. T’y attendais-tu ? – Pourvu qu’il ne t’apporte pas le Coran ! ajouta Simon retenant péniblement son rire.
  Ce n’était pas le Coran, mais le Larousse non plus. C’était l’Annuaire général de la Syrie et de la Palestine.
  Herdan […] se mit à rouler par terre, les jambes en l’air, comme un cheval sur la prairie.


Panaït Istrati.- Méditerranée (coucher du soleil).

mercredi 7 septembre 2016

Démission, piège à cons

Les têtes de gondoles de l'oligarchie semblent ignorer qu'il n'y aura pas d'élections présidentielles, et elles commencent à fourbir leurs armes, leurs crocs et leurs sourires colgate, afin d'être les premiers à servir papa Patron. Début de campagne, reportage.

  Sans doute le méfiant Tibère avait-il déjà commencé à se douter qu'il y avait anguille sous roche quand sa belle sœur Antonia (la mère de Germanicus), elle-même alertée par un serviteur de Séjan, l'avertit que celui-ci, grisé par ses succès, projetait de le renverser.
  Il n'était que temps de réagir ! Le Préfet du Prétoire avait déjà acquis une telle puissance qu'il était désormais quasi impossible de le renverser par voies légales. Il fallait ruser, opposer à Séjan un Séjan et demi.


  Ce coquin, pire encore que le tout-puissant Préfet du Prétoire, s'appelait Macron (Nævius Sertorius Macro), un officier ambitieux. Tibère le convoqua à Capri, lui donna des instructions secrètes, puis le renvoya à Rome porteur d'une lettre adressée au Sénat. Dès le lendemain (18 octobre 31) Macron réunit les Sénateurs en séance extraordinaire pour leur lire le message impérial, une lettre incroyablement longue et tarabiscotée.


  Séjan, assis au premier rang, écoutait sans méfiance cet écheveau de billevesées. Lui, il croyait naïvement que Tibère allait lui accorder la puissance tribunitienne qui ferait de lui le deuxième personnage de l'Empire. Cette interminable prose, sentencieuse et emphatique, n'était destinée qu'à faire "durer le suspens".
  Séjan se trompait lourdement ! La signification complète du message ne se révéla qu'à la dernière phrase : le Préfet du Prétoire était accusé de haute trahison et Tibère ordonnait son arrestation immédiate.
  Comme un seul homme, les Sénateurs votèrent la déchéance, la mort et l'exécution immédiate de Séjan et de ses enfants.


  L'historien Suétone (qui n'en rate pas une dès qu'il s'agit de narrer des horreurs) prétend que le bourreau, chargé d'exécuter la plus jeune des filles du Préfet déchu, ressentit comme l'ombre d'un scrupule légaliste : la loi romaine n'interdisait-elle pas d'exécuter les jeunes filles vierges ? Le "bonhomme" résolut l'épineux problème à sa façon : Il viola la fillette avant de la tuer !

Extrait de l'excellent blog belge Empereurs romains.

lundi 5 septembre 2016

Jouons un peu avec de la crème patissière



Ce jeu-là est dédicacé à Jules qui se reconnaîtra.

Qui le terroriste à lunettes s'apprête-t-il à entarter (je trouve qu'il exagère d'ailleurs) sur cette photo ? La future victime est le monsieur assis.

A vous de jouer ! Gloup ! gloup !

vendredi 2 septembre 2016

La dose de Wrobly, thermidor 2016 ère commune (143 au 174 mars X avant Anarchie)



-  Giacomo Casanova.- Mémoires, tome 3.
Les feux de l’amour. Dans ce volume Giacomo est, entre autres, à Paris. Il découvre et jouit des charmes de la jolie personne que vous pouvez voir au Louvre par Boucher et ci-dessous, Marie-Louise O Murphy, qu’il nomme Morphi ("beauté" en grec). Il prétend l'avoir lancée dans la galanterie, permettant ainsi à Louis XV, pas moins, d'en faire une de ses « protégées » du Parc-aux-cerfs de Versailles. Tellement appréciée par le Bourbon d'ailleurs que la mère Poisson (dite Pompadour) s'en inquiéta, et s'en formalisa. Casanova s’est une fois de plus un peu vanté dans cette affaire, en exagérant, au moins, son rôle vu de ses vieux jours.


-   Hervé Bazin .- L’Huile sur le feu.
Une histoire de pyromane et de haine conjugale. Violent. M’a fait parfois penser aux romans campagnards de Marcel Aymé, en moins drôle, mais avec un suspense efficace (qui m’a pourtant déçu à la fin), et l’installation parfois d’un vrai malaise. Pour le rôle du hobereau fantasque, je verrais bien Philippe Noiret. Un autre personnage, pompier, défiguré et essorillé au lance flammes pendant la guerre, porte cagoule, comme un black-block. Du bon, du chaud.


-   Marcellin, Raymond.- L’Ordre public et les groupes révolutionnaires.
Un extrait nous prouvera que foutre le feu aux bagnoles n’est pas nécessaire : Il faut « constituer des groupes de douze hommes pour attraper et rosser les policiers les plus virulents. L’incendie de voitures, le jet de cocktails Molotov, doit être considéré comme une arme de dernière nécessité, mais il ne faut pas craindre d’enfoncer les doigts dans les yeux des policiers » (Dutschke.)

-   André Armengaud.- Mouvement ouvrier et néo-malthusianisme au début du XXème siècle.
Comme quoi, nous autres petites gens, et ce malgré certains chefs socialistes, communistes, voir anarchistes natalistes, on peut avoir le feu quelque part sans tomber dans le « lapinisme ». Avec un petit résumé de la vie de Paul Robin, zig sympatoche.

-   Donald Westlake.- Bonne conduite.
Dortmunder et sa clique de bras cassés seront certainement sauvés des feux de l’enfer grâce à ce sauvetage un peu contraint d’une jeune mystique enlevée à son couvent et séquestrée par son oligarque de père aux ambitions plus bankables, au sommet de son gratte-ciel. Hilarant, comme d’habitude.

-   Patricia Highsmith.- Monsieur Ripley.
Sous le feu du soleil d’Italie, un thriller touristique, angoissant et pervers, vu qu’on s’identifie au méchant et qu’on flippe qu’il se fasse serrer tout le temps. Du grand art (pour l’écrivaine, et pour l’assassin Ripley). Toujours aussi has been, le Wrob. La preuve, la suite, commandée chez un petit libraire provincial, puis chez Gibert (Ripley et les ombres), est indisponible ! Si vous l’avez sous le coude, je suis preneur…

Greenleaf et Ripley sont dans un bateau. Greenleaf tombe à l'eau. Qui est-ce qui reste ?...

-   Panaït Istrati.- La Maison Thüringen / Le bureau de placement / Méditerranée
Enflammé par la passion du vagabondage et l’amitié, Adrien Zografi (le roman est auto-biographique, mais le prénom et le nom ont été changés) bosse ou zone de Braïla à Bucarest, puis se réchauffe en Egypte, Syrie, Liban, Turquie, Grèce… quasiment toujours dans la dèche. Si sa générosité viscérale lui fait un devoir éthique d’être du côté des socialistes (du début XXème), il est tout aussi épidermiquement rebelle au socialisme de caserne, autoritaire, dogmatique, donneur de leçon, qui amènera un peu plus d'une décennie plus tard en Russie la trahison de l'oligarchie bolchevique, qu'Istrati critiquera vivement, un des premiers, après un long séjour là-bas, ce que les ravis de la dictature de gauche ne lui pardonneront pas. Entre deux émeutes et passages à tabac dans les geôles roumaines, il traîne son enthousiasme et/ou son cafard là où ses semelles de vent le mènent. L’aventure, vécue, la vraie. A la fin il part pour Paris. Hâte de connaître la suite ! même si on connaît la fin, la tuberculose ayant eu, comme d'Orwell, raison de lui.

-   André Danet.- Finir la révolution.
Un copain de dérives urbaines et de scandales (très modestes, restons humbles) surréalo-anarcho-situs-éthyliques d’il y a 25 ans. Perdu de vue pendant 15 ans. Retrouvé par hasard à l’occasion de la sortie de son livre. Une piqûre de rappel bien venue sur les révolutions historiques, les victorieuses, qui étaient des défaites (la russe, il ne relate pas la française) ; les perdantes, qui furent des victoires (la Commune 71, l’Allemagne 18, l’Espagne 36). Et les moyens de les poursuivre, de les rendre gagnantes ET victorieuses, de foutre une bonne fois pour toute le feu au vieux monde.

-   Frédéric Lordon.- D’un retournement l’autre.
Pas sur la photo parce que je l’ai filé à un comédien amateur de théatre en me disant que peut-être il pourrait brûler les planches avec… Plaisant et humoristique décryptage de la crise des subpraïmes, sous forme de comédie en quatre actes et... en alexandrins ! Un peu daté, on reconnaît bien la caricature de Sarkozy. Par contre ce qui est bien c’est qu’avec Lordon on a la solution à l’horreur financière. Ben oui, y a qu’à prendre le pouvoir d’Etat, devenir le nouveau président, faire les gros yeux aux banquiers, leur dire « Oh ! vous vous mouchez pas du coude là ! Vous voulez le beurre, l’argent du beurre etc. Ca suffit ! retournez jouer, ok ! mais gentiment cette fois, plus d’abus ! D’ailleurs je vais mettre au point un nouveau règlement intérieur. » Pour un capitalisme à visage humain, yapuka.

Bon, allez, salut, faut qu'j'trouve le dealer.

jeudi 1 septembre 2016

Bonne rentrée !


Allez, on va se re-déterminer à être irimi-tenkan cet automne, dans la vie, dans la rue, dans les bois, comme sur le tatami.

La Plèbe écoute tout le temps :

Ce soir : Jazzlib' (jazz). Thème de la bi-mensualité : "Jeudi 1er septembre, nous recevons Marie Buscatto, Professeure des Universités en sociologie à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Chercheure à l'IDHES, Paris 1- CNRS, pour parler de son ouvrage Femmes du Jazz.
Marie Buscatto travaille depuis de nombreuses années sur la place des femmes dans les métiers de la création artistique et pose ainsi les problèmes des inégalités dans des milieux réputés à l'avant-garde des combats sociétaux, y compris du féminisme.
Rassurez-vous il y aura aussi de la musique.
JAZZLIB' c'est où, c'est quand, c'est comment ?
Jazzlib' sur radio libertaire 89,4 FM en RP. Tous les 1er et 3e jeudis de 20:30 à 22:00.
Podcast pendant un mois sur la grille des programmes, ou en téléchargement MP3.
Cliquer sur le lien correspondant à LA BONNE DATE (Jazzlib'/entre chiens et loups). (Attention à bien vérifier que vous êtes sur le 1er ou/et 3e jeudi, vous avez en haut à gauche, les semaines disponibles.)"

Lundi soir : Dans l'herbe tendre (chanson française). Thème du mois : la violence.