mardi 29 janvier 2019

Le Taxi du Sacre



 Une fois n'est pas coutume je suis sorti jeudi soir dernier, écouter Fred Pallem et Le Sacre du Tympan, à la Gaité-Lyrique à Paris.

 Génial ! Un peu galère car billet pour 19h30 et concert commençant à 21h (avec une première partie à 20h30), et comme on était debout, que j'avais laissé mon fric au vestiaire donc pas moyen de consommer (de toute façon j'avais bien bouffé chinois / japonais avant sur le rebord d'un muret en m'en foutant plein les doigts et la moustache), au bout d'un moment j'ai fait comme certains djeun's, je me suis assis par terre. Et puis quand ça a commencé le temps est passé très vite, tellement ça a groové méchamment. Ils étaient douze musicos : un quatuor à cordes (2 violons, 1 alto, 1 violoncelle : 4 nanas), une trompette, un trombone, un sax baryton / alto / sopranino / flûte, une sax ténor / clarinette basse (toute la section cuivre saisissant à l'occasion de menus instruments rythmiques comme maracas, tambourins...), un batteur, un guitariste, un claviériste, et évidemment le bassiste Pallem. Pas de chanteur(ses). Mais deux invités supplémentaires : un sax alto pépère casquette mais super free, Christophe Monniot, qui faisait un truc marrant avec ses poils de barbes naissants donc durs : il frottait le bec de son sax sur sa joue, et ça faisait un bruit de crissement rigolo, en rythme avec le morceau, sur un titre ; et un violoniste dont j'ai oublié le nom, à la ridicule application pogonologique de hipster, mais complètement survolté en avançant dans son solo, sur un autre.

 Ils ont joué leur dernier album intégralement : L'Odyssée, que j'aimerais bien me procurer (j'ai l'impression qu'ils ne vendaient que des vinyles sur place...). Et Fred nous a bien recommandé de ne pas nous comporter comme des cochons, c'est à dire de ne pas télécharger le disque, mais de l'acheter comme on achète son pain. Et pour nous calmer lors du deuxième retour, ils ont terminé avec un sublimissime Taxi driver, BO du film (la dernière de Bernard Hermann comme Fred me l'a appris), qui m'a trotté dans la tête tout le retour. Retour agrémenté d'ailleurs par ma rencontre en gare du Nord d'une collègue de 28 ans très sympa rentrant de son cours de salsa, on a pris le train ensemble en devisant.


 C'est la première fois que j'allais à la Gaité-Lyrique. C'est assez branché mais pas désagréable, un vieux bâtiment vu de dehors, ultra moderne à l'intérieur, avec un côté underground très léché (les escaliers sont pleins de tags et de graffitis style passages souterrains, sans odeur d'urine cependant, mais partout ailleurs ça brille et y a rien qui dépareille). Des vigiles en veux-tu en voilà.

 Je connaissais peu ce groupe, juste de nom (déjà savoureux) et par l'album de génériques de dessins animés (voir ci-dessous), je crois que je vais les suivre de près désormais.

Spiderman, extrait de l'album Cartoons.

Spiderman
Aime les collants, se faire une toile
Secourir, protéger, sauver
La veuve, l'orphelin ou le banquier
C'est son métier.

Claude Moine, alias Schmoll.


L'Araignée, l'Araignée
Est un être bien singulier
Dans sa toile, il attend
D'attraper les brigands
En garde !
Car l'Araignée est là!

Auteur inconnu de moi, merci aux aimables lecteurs érudits qui pourront combler cette insupportable lacune.

 Quand je pense que grâce à Fred Pallem, après plus de quarante ans, j'ai pris la peine d'aller chercher les vrais paroles de ce générique. Pendant tout ce temps le premier couplet n'avait aucun sens pour moi, car j'avais beau tendre et ouvrir toutes grandes mes étiquettes, je n'entendais et persistais à n'entendre que ceci, caractérisant l'Araignée : "il peut mettre des singuliers", ce qui ne veut strictement rien dire... ou alors si ç'avait été "il peut mettre des saints culiers", qui pourrait signifier que Peter Parker aurait été un adepte des anges de l'ineffable chemin boueux, mais nous sommes là dans le cadre d'un dessin animé pour enfant, ne l'oublions pas. Il s'agit donc en fait, extase de l'illumination, de "c'est un être bien singulier" !!! Il faut dire que dans les 60's ils avaient une chiée de prononciation, notamment des nasales...

vendredi 25 janvier 2019

Interlude



   Du pur plaisir, un satori esthétique lors d'une écoute subreptice, par hasard sur une radio. J'aime bien Paolo Conte même si je le connais très peu. Je viens de lire qu'il est octogénaire aujourd'hui, comme le temps passe ! Mon père avait un disque. Assez inclassable comme chanteur italien francophone, tanguero j'imagine épisodique. Mais la moustache fait du bien dans cette époque de ridicules hipsters barbus.

Flash info

Ces images vous sont offertes par le mouvement des Gilets Jaunes canal Etuis Clitorido-Péniens Multicolores, garanti sans bleu-blanc-rouge. Merci à Yves Jazzlib' à qui nous les avons piquées.

mardi 22 janvier 2019

C'est un peu court. Oh ! Ça va !

   - La Légende du grand judo, 1943.


   Quand je pense que j'ai commencé le judo tout minot, et qu'il a fallu que j'attende 49 ans pour avoir envie de retenir le nom de Jigoro Kano, le fondateur, qui correspond à peu près au maître du film. Un film sur la transition d'un Japon à l'esprit féodal à un Japon plus humaniste à l'ère Meiji, surtout selon la vision progressiste de Kurosawa. Ici, les victoires peuvent être des défaites.
    Le duel final, anthologique, dans le vent et les herbes folles, n'est pas sans avoir inspiré Sergio Leone, il me semble, même si les siens, de duels, comme ceux des westerns plus classiques, se situent habituellement dans des lieux désertiques et écrasés de chaleur et de lumière. Mais Kurosawa aime détourner les clichés (la bataille sous la pluie torrentielle dans les Sept samouraïs, que je n'ai pas encore vu, par exemple).


    - La Nouvelle Légende du grand judo, 1945.

   Beaucoup moins bon que le premier, mais intéressant quand même.


   - Chien enragé, 1949.



   Celui-ci je l'avais déjà vu, mais je ne m'en souvenais plus avant ce nouveau visionnage, ni où ni quand. Certainement dans un ciné-club quelconque. Un polar bien noir, et toujours humaniste, ou deux soldats rescapés de la guerre se retrouvent finalement après enquête et chasse à l'homme, face à face, l'un étant devenu flic, l'autre voleur et assassin. Le flic cherche des circonstances atténuantes au "chien enragé", en qui il se reconnait en miroir inversé. De grands acteurs, habitués de Kurosawa, notamment Toshiro Mifune, mais aussi Takashi Shimura.


   - La Forteresse cachée, 1958.


   Un western à la mode John Ford mais à la patte géniale Kurosawa, dans le Japon féodal des seigneurs de guerre du XVIème siècle (l'époque Sengoku). Toshiro Mifune tient encore le haut de l'affiche, magnifique, et on voit Takashi Shimura dans un petit rôle. D'autres excellents acteurs et un film d'aventure simple et trépidant. Qui inspira Lucas pour le premier Star Wars.


   - Mâdadayo, 1993.



   Son dernier film anthume, un film mélancolique sur la vieillesse, mais aussi drôle et tendre sur l'amitié intergénérationnelle, entre prof vieux monsieur légèrement indigne qui s'envoie son litre de bière cul-sec tranquillou, et élèves farceurs.


   - Lost in translation de Sofia Coppola, 2003.

   Pour changer de Kurosawa, un film sur le Japon. De la fille, Sofia, d'un grand admirateur du Maître, à l'image de George Lucas et Steven Spielberg : Francis Ford Coppola. Amitié encore, dans le Japon des 2000's cette fois, intergénérationnelle toujours, intersexuelle en l’occurrence, de deux amerloques perdus dans leur vie et dans ce Tokyo géant. Là aussi, tendresse et humour. Bémol : je trouve que c'est un peu méprisant pour les japonais, surtout de la part du personnage masculin principal joué par Bill Murray, mais peut-être est-ce aussi une légère critique du bourrin d'américain qui se croit en pays conquis partout, et déblatère son idiome impérialiste en s'imaginant que chaque animalcule, surtout mangeur de riz s'étant pris la pâtée soixante dix ans plus tôt, est censé le comprendre et lui répondre sans accent...
En tout cas si Kurosawa nous montre le Japon traditionnel, ici on voit Tokyo comme la mégapole folle qu'elle est, n'ayant rien à envier à New York en terme de démesure et de foisonnement. 



Ma dernière actu ciné.

vendredi 18 janvier 2019

La dose de Wrobly : nivôse 2018-2019 EC


   - Michel Bakounine.- Théorie générale de la Révolution.
   Dans la confusion ambiante, quelle assise retrouvée dans la fréquentation du Maître ! Elle me replace au centre de ma spiritualité matérialiste en quelques paragraphes simples où tout est dit.
   De même, la période révolutionnaire actuelle, sous l'égide des chasubles fluorescentes que l'on connaît, souligne l'importance de se retremper dans un peu de théorie. En effet, quid de l'avenir de ce mouvement ?
   La question semble vitale pour la suite, car même s'il est évident que le pouvoir, politiciens et médias en tête, prennent soin de surexposer et d'amplifier la présence des certainement marginaux aspects et guignols fascistes de la fronde afin de la discréditer, nous n'en sommes pas moins, à la Plèbe, incommodés par la malgré tout prégnante présence dans les occupations, défilés et émeutes de l'étendard versaillais ou contre-manifestant des Champs-Elysées du 30 mai 1968, ou bien de l'hymne du populicide de 14-18 et des guerres coloniales, entre autres. C'est pourquoi notre Directoire secret, guidé en cela par la pensée et l'action du grand Russe, s'apprête à scissionner d'avec les Gilets, en créant le canal authentiquement révolutionnaire de l'épisode insurrectionnel du moment : le mouvement des Gilets jaunes / étuis clitorido-péniens multicolores. Il est vrai que toute motivation esthétique n'a pas été absente du bouillonnement réflexif ayant abouti à cette nouvelle formation, dont vous entendrez parler très prochainement, croyez-nous !
   Vive le radieux mouvement des Gilets jaunes / étuis clitorido-péniens multicolores !

L'Internationale sera le genre humain !


   - Yasunari Kawabata.- Le Maître ou le tournoi de Go.
   Une partie de Go qui dure six mois, entre un vieux Maître mourant et un jeune septième dan (eh oui, les "grades" de go sont les mêmes que dans les arts martiaux) à la vessie impatiente. La rencontre de deux générations, et de deux Japon. L'ancien, dont la hiérarchie s'attachait aux pouvoirs symboliques, le nouveau, dont celle-ci prend comme cache sexe et justificatif la réglementation comptable. Mais dans le cadre de cette partie à rallonge (en trois sets, à Tokyo, Hakoné et Ito, il est vrai que l'hospitalisation du Maître pendant quelques mois fait une bonne coupure), dans laquelle les adversaires sont reclus pour ne pas laisser les influences extérieures impacter la partie, le monde extérieur (a fortiori la politique) est absent, si ce n'est l'environnement proche qui donne l'occasion d'irruptions brèves et furtives, et par là sensiblement évocatrices à la manière d'un haiku, de la nature. On est dans un huis clos obsessionnel de 361 intersections et d'autant de pierres noires et blanches, belle image de l'addiction, mais aussi des degrés de raffinement, d’incongruité et d'intensité auxquelles les activités humaines de divertissement peuvent atteindre.
   Il y a beaucoup de nostalgie dans ces évocations d'un Japon et de ses modes et arts de vivres dont les traditions se perdent. D'ailleurs l'auteur est un peu un anti-Bakounine, puisque ne supportant pas l'égalité et la démocratie (évidemment Bakounine n'aimait pas non plus la pseudo égalité des démocraties parlementaires capitalistes, mais là on est davantage dans une opposition réactionnaire). Comme son disciple et ami Mishima, il s'est suicidé, mais pas par seppuku, au gaz. On constate par moment ce regret du passé hiérarchique et despotique dans les conflits entre les règles du jeu tatillonnes exigées par les modernes, et l'habitude de respect des prérogatives et du prestige du maître pour les autres.

Nostalgie, quand tu nous tiens ! Chant : Mitsuko Horie.

   Enfin, les amateurs de suspense seront déçus : on connaît le vainqueur dès les premières pages.

mardi 15 janvier 2019

Monde merveilleux de l'enfance

- Je ne suis pas une sorcière de Rungano Nyoni.


   Ici, droit coutumier / gouvernement, même combat : kill the kids ! enfin, certains. Et certaines femmes aussi. Sous les regards et les objectifs avides des touristes, qu'ont payé cher pour s'en prendre plein la vue et ramener des chiés de souvenirs, bordel !




- The Florida Project de Sean S. Baker.


   "Que maman reçoive des messieurs dans la chambre pendant que je prends mon bain, qu'est-ce que ça peut bien me faire, je vis libre avec mes ami(e)s dans un extra terrain de jeu : le motel et les zones commerciales autour, périphérique de Disneyworld (c'est quoi c'truc ?) !"


- Cro Man de Nick Park.

Une zad phylogénétique du mésolithique sauvée de l'expulsion et de l'asservissement par un État extractiviste grâce au foot.

   « L’État est à l’origine un racket de protection mis en œuvre par une bande de voleurs qui l’a emporté sur les autres. »
   « Une fois qu’Homo sapiens a franchi le Rubicon de l’agriculture, notre espèce s’est retrouvée prisonnière d’une austère discipline monacale rythmée essentiellement par le tic-tac contraignant de l’horloge génétique d’une poignée d’espèces cultivées. »
   « L’État archaïque était comme les aléas climatiques : une menace supplémentaire plus qu’un bienfaiteur. »
   « sans esclavage, pas d’État. »
   Citations extraites de : James C. Scott.- Homo domesticus.

   Mon actu ciné de Noël.



   Après ces belles séances, La Plèbe vous propose un flash info.

vendredi 11 janvier 2019

On crut qu'c'était la lutte des classes

   1

    Écoutez,… Faites silence…
    La triste énumération
    De tous les forfaits sans nom,
    Des tortures, des violences
    Toujours impunis, hélas !
    Du criminel Fantômas.

    2

    Lady Beltham, sa maîtresse,
    Le vit tuer son mari
    Car il les avait surpris
    Au milieu de leurs caresses.
    Il coula le paquebot
    Lancaster au fond des flots.

   3

    Cent personnes il assassine.
    Mais Juve aidé de Fandor
    Va lui faire subir son sort
    Enfin sur la guillotine…
    Mais un acteur, très bien grimé,
    À sa place est exécuté.

    4

    Un phare dans la tempête
    Croule, et les pauvres bateaux
    font naufrage au fond de l’eau.
    Mais surgissent quatre têtes :
    Lady Beltham aux yeux d’or,
    Fantômas, Juve et Fandor.

- Fantômas à l'ombre de la guillotine de Louis Feuillade, avril 2013.


   5

   Le monstre avait une fille
   Aussi Jolie qu’une fleur.
   La douce Hélène au grand cœur
   Ne tenait pas de sa famille,
   Car elle sauva Fandor
   Qu’était condamné à mort.

   6

   En consigne d’une gare
   Un colis ensanglanté !
   Un escroc est arrêté !
   Qu’est devenu le cadavre ?
   Le cadavre est bien vivant
   C’est Fantômas, mes enfants !

   7

   Prisonnier dans une cloche
   Sonnant un enterrement
   Ainsi mourut son lieutenant.
   Le sang de sa pauv’ caboche
   Avec saphirs et diamants
   Pleuvait sur les assistants.

   8

   Un beau jour des fontaines
   Soudain chantèr’nt à Paris.
   Le monde était surpris,
   Ignorant que ces sirènes
   De la Concorde enfermaient
   Un roi captif qui pleurait.

- Juve contre Fantômas de Louis Feuillade, septembre 1913.

Incroyable, on ne reconnaît vraiment pas Jean Marais ! Immense comédien !*

   9

   Certain secret d’importance
   Allait être dit au tzar.
   Fantômas, lui, le reçut car
   Ayant pris sa ressemblance
   Il remplaçait l’empereur
   Quand Juv’ l’arrêta sans peur.

    10

   Il fit tuer par la Toulouche,
   Vieillarde aux yeux dégoûtants,
   Un Anglais à grands coups de dents
   Et le sang remplit sa bouche.
   Puis il cacha un trésor
   Dans les entrailles du mort.

    11

    Cette grande catastrophe
    De l’autobus qui rentra
    Dans la banque qu’on pilla
   Dont on éventra les coffres…
   Vous vous souvenez de ça?…
   Ce fut lui qui l’agença.

   12

   La peste en épidémie
   Ravage un grand paquebot
    Tout seul au milieu des flots.
   Quel spectacle de folie !
   Agonies et morts hélas !
   Qui a fait ca ? Fantômas.


- Holy Motors de Leos Carax, 2012.

Une oeuvre très étrange, sans rapport avec Fantômas, si ce n'est le thème de la métamorphose, surprenant, qui tient en haleine d'un bout à l'autre par un suspense certain malgré le côté "film à sketchs". Un film sur le cinéma, qui disparaît, ma bonne dame ! remplacé par le panopticum sécuritaire, le narcissisme du selfie et la crétinisation des youtubeurs. Au delà du sens caché mystérieux, on se fait plaisir avec cette suite de scènes de films de genre, souvent glauques, et le fantastique de l'ensemble. Je n'ai rien vu d'autre de ce réalisateur, qui à l'époque de la sortie des Amants du Pont-Neuf m'apparaissait comme un branchouille, pur préjugé que je ne puis aujourd'hui ni confirmer ni infirmer.

   13

   Il tua un cocher de fiacre
   Au siège il le ficela
   Et roulant cahin-caha,
   Malgré les clients qui sacrent,
   Il ne s’arrêtait jamais
   L’fiacre qu’un mort conduisait.

   14

   Méfiez-vous des roses noires,
   Il en sort une langueur
   Épuisante et l’on en meurt.
   C’est une bien sombre histoire
   Encore un triste forfait
   De Fantômas en effet !

   15

   Il assassina la mère
   De l’héroïque Fandor.
   Quelle injustice du sort,
   Douleur poignante et amère…
   Il n’avait donc pas de cœur,
   Cet infâme malfaiteur !

   16

   Du Dôme des Invalides
   On volait l’or chaque nuit.
   Qui c’était ? mais c’était lui,
   L’auteur de ce plan cupide.
   User aussi mal son temps
   Quand on est intelligent !

L'intégral.

   17

    À la Reine de Hollande
   Même, il osa s’attaquer.
   Juve le fit prisonnier
   Ainsi que toute sa bande.
    Mais il échappa pourtant
    À un juste châtiment.

    18

    Pour effacer sa trace
    Il se fit tailler des gants
    Dans la peau d’un trophée sanglant,
    Dans d’la peau de mains d’cadavre
    Et c’était ce mort qu’accusaient
    Les empreintes qu’on trouvait.

    19

    À Valmondois un fantôme
    Sur la rivière marchait.
    En vain Juve le cherchait
    Effrayant vieillards et mômes,
    C’était Fantômas qui fuyait
    Après l’coup qu’il avait fait.

    20

    La police d’Angleterre
    Par lui fut mystifiée.
    Mais, à la fin, arrêté,
    Fut pendu et mis en terre.
    Devinez qui arriva :
    Le bandit en réchappa.

    21

    Dans la nuit sinistre et sombre,
    À travers la Tour Eiffel,
    Juv’ poursuit le criminel.
    En vain guette-t-il son ombre.
    Faisant un suprême effort
    Fantômas échappe encor.

    22

    D’vant le casino d’Monte-Carlo
    Un cuirassé évoluait.
    Son commandant qui perdait
    Voulait bombarder la rade.
    Fantômas, c’est évident,
    Était donc ce commandant.

    23

    Dans la mer un bateau sombre
    Avec Fantômas à bord,
    Hélène Juve et Fandor
    Et des passagers sans nombre.
    On ne sait s’ils sont tous morts,
    Nul n’a retrouvé leurs corps.

    24

    Ceux de sa bande, Beaumôme,
    Bec de Gaz et le Bedeau,
    Le rempart du Montparno,
    Ont fait trembler Paris, Rome
    Et Londres par leurs exploits.
    Se sont-ils soumis aux lois ?

    25

    Pour ceux du peuple et du monde,
    J’ai écrit cette chanson
    Sur Fantômas, dont le nom
    Fait tout trembler à la ronde.
    Maintenant, vivez longtemps,
    Je le souhaite en partant.

    FINAL

    Allongeant son ombre immense
    Sur le monde et sur Paris,
    Quel est ce spectre aux yeux gris
    Qui surgit dans le silence ?
    Fantômas, serait-ce toi
    Qui te dresses sur les toits ?

   Robert Desnos, 1933.

Mes dernières actu ciné.

* Après d'épuisantes recherches il appert que Jean Marais n'est pour rien dans cette histoire, il s'agit en fait de René Navarre, qui se faisait arrêter dans la rue par les gens criant d'enthousiasme "c'est Fantômas ! c'est Fantômas", le star système n'existant pas à l'époque (1913-1914).

mardi 8 janvier 2019

Un chœur de satyres mutuellement métamorphosés ?

   "Vu plein de jaunes futés."
Sur l'album de la Comtesse (lecteurs).


L’INTERPRÉTATION NIETZSCHÉENNE
   Pour Nietzsche, l'histoire de la culture grecque est celle de la rivalité constante entre l'apollinien et le dionysiaque. Formalisme de l'image apollinienne versus déferlement dionysiaque. La beauté formelle versus le réel tragique. "La tragédie naîtra, plus tard, de la réconciliation provisoire de ces deux pulsions antagoniques. C'est cela le sommet de la culture grecque, et la justification de la vie la plus puissante qu'aura produite l'art grec" analyse ici Patrick Wolting dans son introduction à La Naissance de la tragédie.

APOLLON VS DIONYSOS
- La pulsion apollinienne est un pouvoir de vision
"qui fait de la vie une contemplation immergée dans la beauté, produit des images parfaites, idéalisées, individualisées, telles les figures des dieux olympiens, des apparences dont le spectacle suscite plaisir et ravissement. Apollon étant le dieu protecteur qui fixe les délimitations et établit la mesure. Ce n'est pas qu'une fuite passagère et compensatoire dans un univers imaginaire établi par la terreur que suscite l'existence. La culture apollinienne est la manière de vivre qui consiste à accorder ce monde du rêve sur celui de la réalité diurne." Nietzsche dit : "les dieux justifient de la sorte la vie humaine, en vivant eux-mêmes, la théodicité qui suffit à elle seule." Il appelle cela une neutralisation (deportenziren).
- La pulsion dionysiaque est un envoûtement musical, un plaisir d'ivresse et d'oubli de soi. "Dionysos est le seul "héros" de la tragédie. C'est un processus musical qui gouverne le choeur satyrique. Ce chœur de satyres qui se voient mutuellement métamorphosés est le noyau de la tragédie. L'épreuve dionysiaque est une épreuve de puissance, démontrant la vitalité par la capacité à se rendre maître même des plus terribles adversaires." Nietzsche conclut : "la beauté ne lui a pas été donnée, pas plus que la logique, l'évidence naturelle de la morale. Elle a été conquise, voulue, arrachée de haute lutte, elle est sa victoire. Que le peuple a dû souffrir pour pouvoir devenir si beau !".

Suwariwaza katatedori iriminage

Pour Nietzche, "le drame [la tragédie] est par conséquent la matérialisation apollinienne de connaissances et d'effets dionysiaques. (...) En cela les deux collaborent désormais sur la base d'une priorité au dionysiaque : l'envoûtement, la forme extrême de l'ivresse, une expérience de dépossession de soi et d'identification au noyau de la réalité. (...) L'invention de la tragédie a sauvé les grecs du naufrage dans le pessimisme qui les menaçait." conclut Patrick Wotling.

UNE SOCIÉTÉ D’ÉPUISÉS
   Et laissons conclure Céline Denat, une spécialiste du corps nietzschéen : "L'homme qui cherche à échapper à sa propre corporéité et tout ce qu'elle implique relève de valeur platonicienne et chrétienne, qui nous pousse à vouloir renoncer à certains aspects de notre être, à ne vouloir être que de purs esprits et secondairement comme des corps. Donc, au mieux, des corps dévalorisés. Nous nous affaiblissons selon Nietzsche, car nous ne voulons pas considérer ces aspects de notre existence qui sont peut-être plus difficiles à maîtriser que nous ne semble l'être notre vision de nous-même comme raison pure !"
De là à rajouter que la proposition de Nietzsche du "chœur de satyres mutuellement métamorphosés" sied bien à une certaine vision de l'aïki, vous me le retirez de la bouche !
Stéphane Blanchet.- Les Cahiers d'études et de recherche(s) : réflexions appliquées à l'Aïkido, n°. 2.


L'intégrale

   Ce chœur de satyres mutuellement métamorphosés, ce pourrait être aussi, dans un cadre moins séparé, unité différenciée d'un monde moins inoffensif pour l'Etat, organicité d'un tissu éthique rival reconstitué dans et par la contestation du monopole du politique, donc évidemment intensément polarisées contrairement aux pratiques de loisirs, beaucoup moins dangereuses que les leurs qui plus est : l'unicité et l'organicité des incroyables émeutiers plébéiens qui donnent la diarrhée à Junior actuellement.
W.

mercredi 2 janvier 2019

2019 de ouf' !






   Merci à l'Aïkikaï Péreire et au Muséum d'histoire naturelle pour ce très joli calendrier.