jeudi 25 février 2016

Sacrés bosquets !

"Imaginons qu'un accident majeur commence un soir à minuit sur le site de la Hague, dans la Manche. Ce jour là, un vent modéré de 50 km/h souffle de l'ouest.Que se passe-t-il ? Dès 0h30, la ville de Cherbourg (agglomération de 116 000 habitants) est contaminée. A 2h30, le nuage arrive au Havre (294 000 habitants). [...] A 5h, il entre en région parisienne (12 millions d'habitants)."
Ce matin j'ai repris un ancien itinéraire pour aller à la gare. Au lieu de longer la forêt, je l'ai traversée, comme je le faisais il y a quelques années. Le matin, à 8h15, le jour pur de l'aube est de retour, et aussi le concert enchanteur des oiseaux, et ce sacré pic-vert et son bruit de rafale si proche, pourtant invisible, c'est pas faute de m'étirer les cervicales à 360° dans toutes les directions. J'aime le dernier mois de l'hiver, Ventôse, on sent le printemps arriver, mais on n'est pas encore déçu par sa pourriture... Et puis c'est un mois avant ma naissance, et c'est surtout le mois de ma renaissance, il y a 18 ans. En entendant ces oiseaux, j'aspire à une spiritualité libre, j'éprouve avec ivresse le sentiment océanique du monde, la ferveur de participer de cette grande société naturelle et vivante, et de son grand Esprit, toutes aspirations bien refoulées et compressées comme par une machine à bosseler quand j'emprunte le ruban bitumineux aux fragrances de particules fines.

Mais où qu'c'est qu'tu t'caches, donc ?

C'est pourquoi j'ai eu envie de haïku, ça me fait toujours ça. En voici quelques-uns.

Petit coucou du japon !
Sur la carte, un territoire
Cerné de rouge.
Ken'ichi Kaneko


Les enfants s'habituent
A porter des masques en papier
Les oiseaux, eux,
Commencent à migrer...
Kayo Takahashi


Nettoyage de printemps -
Quarante secondes sur le toit
Deux pelletées par hommes.
Iocasta Huppen


Nationale 6 réouverte !
Pourtant, pas même les criquets
N'y sont retournés.
Maki Nakano

Dans mille ans
Des sarcophages
Sans pharaons.
Monique Junchat

Des rires et des cris
Tout l'été dans la maison
Et si la centrale...
Christine Ourliac

 
"Décontamination" -
En fait, déplacement des boues...
L'été est si court !
Mitsuru Ikeda


Le premier avril aussi
Entendre ceci : "Fukushima
Is under control."
Tami Kobayashi

Des radiations
Il ignorait ce que cachait ce mot
- Cancer des os.
Jean Antonini

"Si vous souriez, les radiations n'auront aucun effet sur vous. Si vous ne souriez pas, vous ressentirez les effets. Cette théorie a été prouvée par une expérimentation sur les animaux." Shunichi Yamashita, "Monsieur Radioprotection Officielle" du Japon.

vendredi 19 février 2016

Nuages


L’étranger

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !

Charles Baudelaire - Le Spleen de Paris


Allez, et pour les veinards, puisque vous aimez ça, quel(le) écrivain(e) à déposé en exergue d'un de ses romans ce poème de Baudelaire en 1961 ?


Et n'oubliez pas, le 26 avril, on fête les 30 ans d'un des plus facétieux nuages de l'histoire, celui de Tchernobyl ! Ca s'arrose (y aura aussi les 5 ans de Fukushima en mars les amis !). De biens bons moments en perspective.

Je mets la superbe version studio, avec un montage. J'ai bien réessayé une version live, mais Léo se plante encore dans son texte, ça rate jamais.

lundi 15 février 2016

J'ai moins peur IV

  Ben oui, parce que le monde de science fiction que reflétait l'histoire de ce film à ma première vision, est quasiment devenu réalité aujourd'hui. Sauf pour les jubilatoires matraques vomitives, armes à létalité réduite que nos Bauer n'ont pas encore prescrites à nos Valls / Cazeneuve / Urvoas. Qu'attendons nous bon sang ! Ca ferait d'un chic sur nos migrants calaisiens !


  Plus sérieusement, ce film, que j'avais déjà loué à un distributeur du temps où ça existait, et malgré que ce soit un blockbuster, commercial et mainstream, m'a de nouveau captivé et tenu en haleine d'un bout à l'autre. Spielberg connait son métier... Et Dick aussi, bien sûr. Je n'en ai lu aucun, faut que je m'y mette, en commençant par cette documentation d'un fan dont ce blog est l'ami, ici et là. J'ai cru comprendre qu'il y a eu un remake du film, je ne vois pas l'intérêt. On est bien dans la Kulturindustrie, on reprend les vieux trucs, et on les répète, en adaptant vaguement la forme au goût du jour, et on recommence, encore et encore...

vendredi 12 février 2016

Peut-on nanar de tout ?

N'étant pas compétent pour parler de Jacques Rivette - encore moins que de Pierre Boulez -, je vous livre quelques réflexions trouvées par hasard, pile au moment de sa disparition.

  J’avais encore en tête les polémiques provoquées par La Liste de Schindler de Steven Spielberg et La Vie est belle de Roberto Benigni. Sur quelle planète avait-on pu faire Ilsa, la louve des SS ? A la fac on m’avait fait lire l’article célèbre de Jacques Rivette, paru dans Les Cahiers du cinéma, en 1959, et qui s’appelait « De l’abjection ». Il reprochait à Gillo Pontecorvo de faire un effet de mise en scène trop « joli », un travelling incompatible avec ce que doivent être la mise en scène et la morale, lorsque l’on prétend traiter certains sujets. Dans ces années-là, pour Godard et Rivette même Hiroshima, mon amour d’Alain Resnais avait quelque chose de pornographique, avec le surgissement d’images d’irradiés au milieu d’images de corps d’amoureux.

"Pour Gérard, Ilsa était un nanar avec un peu de cul. Passer Trois Danoises en Grèce ou ça, il s’en fichait."
  - Si tu savais ce que j’ai projeté, Rivette et son histoire de travelling, c’est presque comique.
  L’ami à qui j’avais dit ça en saute au plafond. Il m’explique que cet article était fondateur de la critique moderne et que Rivette détestait globalement Kapo de Gillo Pontecorvo. Le travelling n’était qu’un exemple pour dire qu’il y avait une éthique de la forme. Et Kapo avait une approche bien trop gentillette pour oser représenter un camp de la mort.
  Prof de français depuis peu, cet ami, porté sur Daney, Godard, Deleuze et compagnie, exécrait tout ce que je pouvais lui dire sur Ilsa. Ca contrastait avec la réaction d’autres amis, adeptes de mauvais goût et de cinéma d’horreur, qui s’emballaient pour les transgressions et ne supportaient aucune leçon de morale. Entre les deux, je ne savais pas trop où me situer. Les principes de Rivette me semblaient justes, mais appliqués à n’importe quelles œuvres, ils pourraient justifier la condamnation subjective, voire rendre coupable tout film d’horreur ou de guerre.
Jacques Thorens.- Le Brady : cinéma des damnés.

"Je me rappelle que quelqu’un avait reproché à La Grande vadrouille de ne pas montrer un seul collabo, ni un seul juif persécuté, et que cela avait quelque chose d’indécent."

lundi 8 février 2016

Le Lemmy du jour II

  Deuxième album, le titre qui donna le nom au groupe, mais qui fut d'abord écrit pour la précédente formation de Lemmy, Hawkwind. C'est les trois premiers Pieds nickelés aux manettes, le trio légendaire : « Fast » Eddie Clarke, Philthy « Phil » Animal Taylor, le chouette et marrant batteur au look et à la gueule n'ayant presque rien à envier à ceux de Lemmy, et bien sûr le Kilmister himself. Philthy et Lemmy sont restés très proches jusqu'au bout, à telle enseigne que l'Animal est mort un mois avant le bassiste chanteur.

  Ici, ce devait être dans une émission de télé (non partisan du pléonasme, je ne rajoute pas "débile") au décor de bonbon acidulé, avec des rangées de minets dans le public. Du play back j'en ai bien peur, malgré les micros, qui doivent faire de la figuration. Les trois mousquetaires du rock graisseux sont un peu là comme des chiens fous dans un jeu de billes...


Y a d'ça...

  Et pour nos amis toulousains, soirée spéciale !

vendredi 5 février 2016

Abomination innommable

  « Dans les années 60, ils avaient principalement programmé le catalogue de la Universal – les classiques en noir et blanc comme Dracula, Frankenstein, La Momie – et les Hammer en Technicolor – La Revanche de Frankenstein, Les Maîtresses de Dracula. Il leur arrivait de passer des films comme Le Voyeur de Michael Powell ou Freaks de Tod Browning, considérés aujourd’hui comme des œuvres d’auteur, mais qui, à leur sortie, passaient plutôt pour des abominations innommables juste bonnes à être censurées, qui ne dépareillaient pas au milieu de L’Etrangleur de Vienne, L’Etrangleur de Boston ou Le Bossu de la morgue. »

Jacques Thorens.- Le Brady : cinéma des damnés.


  Sorti la même année que Psychose, mais n'ayant pas eu le même succès, et censuré. C'est Scorsese, dix ans après, qui l'a ressorti pour un festival. Par certaines ambiances, et certains thèmes, ça m'évoque un peu Blow up... L'Angleterre, les sixties...

Ma dernière actu ciné.

lundi 1 février 2016

Jouons un peu avec les personnalités paradoxales

 "Quelquefois il se faisait projeter les oeuvres d'autres cinéastes. Un de ses préférés était L'Ile nue de Kaneto Shindo. Gérard, ça le faisait doucement rigoler :
 - Un film contemplatif sur des pêcheurs japonais.
 Rien à voir avec son cinéma, c'est sûr."

Qui est ce "il", évoqué dans cet extrait d'un livre sur le cinéma ?

 Quant à L'Ile nue, qui fut mon actu ciné d'il y a quelques mois, mais que je n'avais pas évoqué ici, c'est effectivement un film magnifique, tant par les images de ces paysages majestueux d'un îlot japonais, que par la musique, mélodie entêtante qui berce comme la barque menant lentement les protagonistes du caillou solitaire où ils vivent au "continent", ou plutôt à la grande île (le Japon) où ils se procurent l'eau potable indispensable pour leur culture et leur survie. A ce sujet, je m'inscris en faux contre les propos de la citation / support de jeu ci-dessus : les personnages ne sont pas des pêcheurs, mais des cultivateurs. Une famille atomique de quatre, isolés sur leur tertre émergé, et dont la vie participe du cycle des saisons et des jours, rythmée par ces allers-retours pénibles mais vitaux vers l'eau douce. Cet îlot pourrait être un petit paradis pour ces Robinsons soustraits au brouhaha de la société, mais l'isolement dans cette institution patriarcale (la leitkultur reste ici la famille à enfants, dont le socle est le triptyque papa-maman-enfant, ce dernier étant, ici, multiplié par deux, recommandé par exemple, mais nous avons les mêmes à la maison, par Frauke Petry, de l'Alternative für Deutschland (AfD), parti réactionnaire, homophobe et antiféministe commençant à gagner du terrain en Allemagne), l'isolement patriarcal donc est oppressant, et l'isolement géographique et social rend les travaux des champs pénibles faute de bras, d'autant que les produits finis ne sont pas, ou sont peu vivriers, mais destinés au marché du "continent", leur vente conditionnant la capacité à subvenir aux besoins impératifs du foyer, dont les ressources naturelles et l'activité sont insuffisantes à la satisfaction. Autre percée sur le monde social d'outre bras de mer : les enfants vont à l'école sur la grande île, et c'est un peu, paradoxalement, une bouffée d'oxygène. Dans cette fatalité des saisons, du travail, et de la pauvreté, malgré tout une douceur de vivre s'installe, liée à l'habitude, à la nécessité, et à l'amour, comme si, comme qui dirait, on pouvait s'imaginer Sisyphe Heureux... Jusqu'à ce que...


 Ah ! Particularité du film (non muet, tous les bruits jusqu'aux piaillements des enfants de l'école sont reproduits) : pas une seule parole n'est prononcée.

 Et puisqu'on est au Japon et dans le calme infini d'une mer paisible, quelques images du petit père tranquille Yamashima, qui est repassé nous voir dans nos contrées nordiques de la banlieue parisienne il y a quinze jours, un vrai plaisir de pratique (ici à Singapour apparemment - je trouve les uke un peu mollassons...). Onegai shimasu !


Bof ! Vous êtes pas joueurs les amis, c'est plus ce que c'était. Je sais, je sais, on a tous beaucoup de travail, et on se défonce comme on peut pour la croissance de notre pays... Bon, heureusement de nombreux lecteurs m'ont demandé la solution par mail. Ca console. Je calme donc leurs tourments de curiosité, voici la solution, un des films les plus symptomatiques de l'esthète amoureux de l'L'Ile nue