N'étant pas compétent pour parler de Jacques Rivette - encore moins que de Pierre Boulez -, je vous livre quelques réflexions trouvées par hasard, pile au moment de sa disparition.
J’avais encore en tête les polémiques provoquées par La Liste de Schindler de Steven Spielberg et La Vie est belle de Roberto Benigni. Sur quelle planète avait-on pu faire Ilsa, la louve des SS ? A la fac on m’avait fait lire l’article célèbre de Jacques Rivette, paru dans Les Cahiers du cinéma, en 1959, et qui s’appelait « De l’abjection ». Il reprochait à Gillo Pontecorvo de faire un effet de mise en scène trop « joli », un travelling incompatible avec ce que doivent être la mise en scène et la morale, lorsque l’on prétend traiter certains sujets. Dans ces années-là, pour Godard et Rivette même Hiroshima, mon amour d’Alain Resnais avait quelque chose de pornographique, avec le surgissement d’images d’irradiés au milieu d’images de corps d’amoureux.
"Pour Gérard, Ilsa était un nanar avec un peu de cul. Passer Trois Danoises en Grèce ou ça, il s’en fichait."
- Si tu savais ce que j’ai projeté, Rivette et son histoire de travelling, c’est presque comique.
L’ami à qui j’avais dit ça en saute au plafond. Il m’explique que cet article était fondateur de la critique moderne et que Rivette détestait globalement Kapo de Gillo Pontecorvo. Le travelling n’était qu’un exemple pour dire qu’il y avait une éthique de la forme. Et Kapo avait une approche bien trop gentillette pour oser représenter un camp de la mort.
Prof de français depuis peu, cet ami, porté sur Daney, Godard, Deleuze et compagnie, exécrait tout ce que je pouvais lui dire sur Ilsa. Ca contrastait avec la réaction d’autres amis, adeptes de mauvais goût et de cinéma d’horreur, qui s’emballaient pour les transgressions et ne supportaient aucune leçon de morale. Entre les deux, je ne savais pas trop où me situer. Les principes de Rivette me semblaient justes, mais appliqués à n’importe quelles œuvres, ils pourraient justifier la condamnation subjective, voire rendre coupable tout film d’horreur ou de guerre.
Jacques Thorens.- Le Brady : cinéma des damnés.
Prof de français depuis peu, cet ami, porté sur Daney, Godard, Deleuze et compagnie, exécrait tout ce que je pouvais lui dire sur Ilsa. Ca contrastait avec la réaction d’autres amis, adeptes de mauvais goût et de cinéma d’horreur, qui s’emballaient pour les transgressions et ne supportaient aucune leçon de morale. Entre les deux, je ne savais pas trop où me situer. Les principes de Rivette me semblaient justes, mais appliqués à n’importe quelles œuvres, ils pourraient justifier la condamnation subjective, voire rendre coupable tout film d’horreur ou de guerre.
"Je me rappelle que quelqu’un avait reproché à La Grande vadrouille de ne pas montrer un seul collabo, ni un seul juif persécuté, et que cela avait quelque chose d’indécent."
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