lundi 1 février 2016

Jouons un peu avec les personnalités paradoxales

 "Quelquefois il se faisait projeter les oeuvres d'autres cinéastes. Un de ses préférés était L'Ile nue de Kaneto Shindo. Gérard, ça le faisait doucement rigoler :
 - Un film contemplatif sur des pêcheurs japonais.
 Rien à voir avec son cinéma, c'est sûr."

Qui est ce "il", évoqué dans cet extrait d'un livre sur le cinéma ?

 Quant à L'Ile nue, qui fut mon actu ciné d'il y a quelques mois, mais que je n'avais pas évoqué ici, c'est effectivement un film magnifique, tant par les images de ces paysages majestueux d'un îlot japonais, que par la musique, mélodie entêtante qui berce comme la barque menant lentement les protagonistes du caillou solitaire où ils vivent au "continent", ou plutôt à la grande île (le Japon) où ils se procurent l'eau potable indispensable pour leur culture et leur survie. A ce sujet, je m'inscris en faux contre les propos de la citation / support de jeu ci-dessus : les personnages ne sont pas des pêcheurs, mais des cultivateurs. Une famille atomique de quatre, isolés sur leur tertre émergé, et dont la vie participe du cycle des saisons et des jours, rythmée par ces allers-retours pénibles mais vitaux vers l'eau douce. Cet îlot pourrait être un petit paradis pour ces Robinsons soustraits au brouhaha de la société, mais l'isolement dans cette institution patriarcale (la leitkultur reste ici la famille à enfants, dont le socle est le triptyque papa-maman-enfant, ce dernier étant, ici, multiplié par deux, recommandé par exemple, mais nous avons les mêmes à la maison, par Frauke Petry, de l'Alternative für Deutschland (AfD), parti réactionnaire, homophobe et antiféministe commençant à gagner du terrain en Allemagne), l'isolement patriarcal donc est oppressant, et l'isolement géographique et social rend les travaux des champs pénibles faute de bras, d'autant que les produits finis ne sont pas, ou sont peu vivriers, mais destinés au marché du "continent", leur vente conditionnant la capacité à subvenir aux besoins impératifs du foyer, dont les ressources naturelles et l'activité sont insuffisantes à la satisfaction. Autre percée sur le monde social d'outre bras de mer : les enfants vont à l'école sur la grande île, et c'est un peu, paradoxalement, une bouffée d'oxygène. Dans cette fatalité des saisons, du travail, et de la pauvreté, malgré tout une douceur de vivre s'installe, liée à l'habitude, à la nécessité, et à l'amour, comme si, comme qui dirait, on pouvait s'imaginer Sisyphe Heureux... Jusqu'à ce que...


 Ah ! Particularité du film (non muet, tous les bruits jusqu'aux piaillements des enfants de l'école sont reproduits) : pas une seule parole n'est prononcée.

 Et puisqu'on est au Japon et dans le calme infini d'une mer paisible, quelques images du petit père tranquille Yamashima, qui est repassé nous voir dans nos contrées nordiques de la banlieue parisienne il y a quinze jours, un vrai plaisir de pratique (ici à Singapour apparemment - je trouve les uke un peu mollassons...). Onegai shimasu !


Bof ! Vous êtes pas joueurs les amis, c'est plus ce que c'était. Je sais, je sais, on a tous beaucoup de travail, et on se défonce comme on peut pour la croissance de notre pays... Bon, heureusement de nombreux lecteurs m'ont demandé la solution par mail. Ca console. Je calme donc leurs tourments de curiosité, voici la solution, un des films les plus symptomatiques de l'esthète amoureux de l'L'Ile nue

4 commentaires:

  1. Vu comment ça a l'air tordu, je dirais… Gérard Oury !

    Mais si tu as autant kiffé L'île nue que moi, tu devrais apprécier La femme des sables de Hiroshi Teshigahara, ainsi que l'avant-dernier film de Sternberg, Fièvre sur Anatahan, L'aurore de Murnau et Le vent, de Sjöström, entre autres…

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  2. Dis-donc, on a souvent les mêmes enthousiasmes en cinoche (Blow up...) ! La femme des sables, j'ai lu le roman de Kobo Abe, et j'ai bien kiffé. C'est mon amie japonaise de l'époque (90's), Yaeko, qu'ont bien connue Hamid et André Danet entre autres potes de cette époque, qui me l'avait offert. J'avais trouvé ça très kafkaïen, dans le bon sens du terme, j'adore Kafka. Je me souviens que le film était passé à la télé au cinéma de minuit ou ce genre d'émission tardive, mais je ne pense pas l'avoir vu. Je retiens le Sternberg, le Sjöström et le Murnau (dont j'ai vu récemment Tabou, l'as-tu vu ?).
    Et alors le cinéaste amateur de L'Ile nue, auquel on n'aurait instinctivement vraiment pas associé ce film, pas une petite idée ?

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  3. Ca pourrait Jules, pour la violence contrastant avec la monotonie pacifique de L'Ile. L'auteur évoqué est français, certains de ses films sont violents, aucuns ne sont monotones dans leurs péripéties, même si on peut parfois (souvent ?) s'y ennuyer, mais pour d'autres raisons.

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Y a un tour de parole !