Ma collègue W. m'a interpelé doucement l'autre jour. Elle revenait de vacances à la campagne dans un pays du sud de la Méditerrannée, et elle me demandait, encore un peu sous le choc, si je savais que, quand on tranche la gorge à une vache, elle vit encore pendant une bonne demie-heure. Je répondis que, ben euh... oui... Elle me raconta comment on lui avait demandé, à l'occasion d'une certaine fête, de tenir les pattes d'une bovine pendant qu'on l'égorgeait, que la bête s'était longtemps débattue, lui blessant les poignets, respirant profondément, et exhalant des gémissements d'agonie et de terreur à chaque expiration accompagnés de spasmes. Cela l'avait profondément perturbée, elle a eu envie d'arrêter la viande, et s'est faite la réflexion que, si on devait chacun tuer nos propres steaks avant de les avaler, il y aurait plus de végétariens (le fameux principe de la sensibilité kilométrique, qui veut qu'il est moins émouvant de larguer une roquette du haut d'un bombardier à 10 000 mètres, que de pénétrer un bide à la baïonnette, on a beau dire, on reste humain).
Vous me connaissez, bon, prince, je lui ai appris, que dans une société avancée, urbaine et laïque, gauloise par exemple, le respect de la cause animale oblige les abattoirs à étourdir nos amis les bêtes. Et je lui ai conseillé de visionner le film du vieil anar Georges Franju Le Sang des bêtes (oui, bon, ok, ça date un peu, mais vous me connaissez), qui, loin d'être de la propagande végane, était une commande publicitaire des abattoirs de La Villette, pour comprendre la bienveillance fondamentale envers tout être vivant qui sous-tend tous les principes fondateurs de notre civilisation. Parfois on voit un veau bouger encore après avoir été écorché, mais bon, hein ! oh ! ça va ! les ayatollahs vegan, oui ?
Ensuite, je lui ai proposé ma recette de sandwich au concombre, qu'on peut très bien adopter entre deux apéros saucisson- pinard ou foie gras Champagne, ça se fait dans les meilleures maisons, comme le prouvent les dialogues ci-dessous.
Repentante et reconnaissante, elle est retournée à son ouvrage, transformée.
PETITE TRANCHE DE VIE AU CONCOMBRE (et non pas petite branche de vit au con contre)
ALGERNON
Et, à propos de science de la vie, est-ce que vous avez préparé les sandwichs au concombre pour Lady Bracknell ?
LANE
Oui, Monsieur.
ALGERNON
Hum ! Où sont-ils ?
LANE
Ici, Monsieur. (Il lui montre l’assiette.)
ALGERNON
(Il les examine, en prend deux, et s’assied sur le canapé.)
[…] Vous pouvez disposer, Lane, je vous remercie.
LANE
Merci, Monsieur. (LANE se dirige vers la porte).
ALGERNON
Ah !... Donnez-moi juste encore un sandwich au concombre.
LANE
Bien, Monsieur. (Il revient sur ses pas et lui présente l’assiette.)
LANE sort.
[…]
LANE réapparaît.
M. Constant Worthing.
Entre JACK. LANE sort.
ALGERNON
Comment allez-vous, mon cher Constant ? Qu’est-ce qui vous amène dans la capitale ?
JACK
Oh, le plaisir, le plaisir ! Qu’y a-t-il d’autre pour amener quelqu’un quelque part ? Tiens, en train de manger, comme d’habitude, Algy ?
ALGERNON
(avec une certaine froideur)
Je crois qu’il est d’usage dans la bonne société, de prendre une petite collation à cinq heures. […] (il va prendre encore un sandwich). […]
JACK
Oh, mais dites donc : Pourquoi toutes ces tasses ? Pourquoi ces sandwichs au concombre ? Pourquoi une prodigalité aussi insensée de la part d’un homme aussi jeune ? Qui donc va venir prendre le thé ?
ALGERNON
Oh ! Seulement tante Augusta et Gwendolen.
[…]
ALGERNON
[…] (Jack tend la main pour prendre un sandwich. Algernon l’en empêche aussitôt). S’il vous plaît, ne touchez pas aux sandwichs au concombre ! Ils ont été préparés exprès pour tante Augusta. (Il en prend un et le mange).
JACK
Mais enfin, vous n’avez pas arrêté d’en manger !
ALGERNON
Il s’agit là d’un problème entièrement différent. C’est ma tante.
LADY BRACKNELL
Je suis désolée d’arriver en retard, Algernon, mais j’ai été obligée de passer dire bonjour à cette chère Lady Harbury. Je n’étais pas allée la voir depuis la mort de son pauvre mari. Jamais je n’ai vu une femme changée à ce point là : elle a l’air d’avoir rajeuni d’une bonne vingtaine d’années. Et maintenant je vais prendre une tasse de thé, et un de ces délicieux sandwichs au concombre que vous m’avez promis.
ALGERNON
Mais certainement, tante Augusta. (Il s’approche de la table basse.)
[…]
(prenant d’un air horrifié l’assiette vide) Grands dieux ! Lane ! Pourquoi n’y a-t-il pas de sandwich au concombre ? Je les avais commandés tout spécialement !
LANE
(gravement)
Monsieur, il n’y avait pas de concombres au marché ce matin. J’y suis allé deux fois.
ALGERNON
Pas de concombres !
LANE
Non, Monsieur. Pas même en payant comptant.
ALGERNON
Vous pouvez disposer Lane, je vous remercie.
LANE
Merci Monsieur.
Il sort.
ALGERNON
Tante Augusta, je suis horriblement navré qu’il n’y ait pas de concombres, même pour de l’argent comptant.
LADY BRACKNELL
En réalité cela n’a pas d’importance, Algernon. Je viens de manger quelques crêpes en compagnie de Lady Harbury, qui semble à présent mener une existence vouée exclusivement au plaisir.
PLAISIR SUPREME EN-CAS CONCOMBRE (là aussi il y en a une)
Pour 4 personnes :
• 1 concombre
• 4 muffins anglais (on peut prendre du pain, de mie ou pas, comme on veut)
• 4 feuilles de salade
• quelques olives noires
• 1 yaourt au soja
• 3 c. à soupe de crème de soja
• 1 c. à soupe de basilic séché
• 1 c. à café de moutarde
• 1 c. à café d’huile d’olive
• 1 pincée de sel
• poivre
Éplucher le concombre, le couper en fines rondelles (environ 0,5 cm d’épaisseur). Réserver.
Verser la yaourt de soja et la crème dans un bol et bien mélanger.
Ajouter le basilic séché, la moutarde, l’huile d’olive, le sel et le poivre au goût.
Couvrir d’un film et placer 1 heure au frigo.
Couper un muffin en 2.
Sur une moitié de pain, tartiner avec la crème obtenue précédemment préalablement sortie du frigo, déposer une feuille de salade, des tranches de concombre, quelques olives. Placer l’autre moitié de pain sur le dessus, façon burger.
Procéder de la même manière pour les autres sandwichs.
La Plèbe écoute tout le temps :
Lundi soir 3 octobre : Dans l'herbe tendre (chanson française). Thème du mois : la folie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Y a un tour de parole !