jeudi 16 avril 2015

Jouons un peu avec un papa et une maman

Je constate que beaucoup de textes littéraires sont en ligne. L'avantage est de permettre de les copier / coller et fait gagner le temps du recopiage sur clavier. Mais pour les jeux c'est embêtant, trop facile ! Alors même consigne, essayez sans utiliser le moteur.

Voici donc trois extraits de textes sur l'éducation des enfants, la paternité, la maternité, qui pourront être utiles à tout bon père de famille. Sauras-tu trouver leur auteur ? Les accompagnent trois illustrations, tu dois certainement déjà avoir trouvé de quelles oeuvres elles sont tirées, gentil érudit qui fréquente ce blog ! Allez, on se lance ! Un sac de bille piqué à mon fils à cet effet hier matin pour l'heureux vainqueur (à partager en cas d'ex aequo).

Texte 1 :

Les Vallin étaient à table, en train de manger avec lenteur des tranches de pain qu'ils frottaient parcimonieusement avec un peu de beurre piqué au couteau, dans une assiette entre eux deux. M. d'Hubières recommença ses propositions, mais avec plus d'insinuations, de précautions oratoires, d'astuce. Les deux ruraux hochaient la tête en signe de refus ; mais quand ils apprirent qu'ils auraient cent francs par mois, ils se considérèrent, se consultant de l'oeil, très ébranlés. Ils gardèrent longtemps le silence, torturés, hésitants. La femme enfin demanda :
- Qué qu't'en dis, l'homme ?
Il prononça d'un ton sentencieux :
- J'dis qu'c'est point méprisable.
Alors Mme d'Hubières, qui tremblait d'angoisse, leur parla de l'avenir du petit, de son bonheur, et de tout l'argent qu'il pourrait leur donner plus tard.
Le paysan demanda :
- C'te rente de douze cents francs, ce s'ra promis d'vant l'notaire ?
M. d'Hubières répondit :
- Mais certainement, dès demain.
La fermière, qui méditait, reprit :
- Cent francs par mois, c'est point suffisant pour nous priver du p'tit ; ça travaillera dans quéqu'z'ans ct'éfant ; i nous faut cent vingt francs.
Mme d'Hubières trépignant d'impatience, les accorda tout de suite ; et, comme elle voulait enlever l'enfant, elle donna cent francs en cadeau pendant que son mari faisait un écrit. Le maire et un voisin, appelés aussitôt, servirent de témoins complaisants.
Et le jeune femme, radieuse, emporta le marmot hurlant, comme on emporte un bibelot désiré d'un magasin.

Sans papier originaire du Caucase ayant effectué deux GPA en échange d'une carte de résident de 6 mois se demandant s'il n'y a pas une arnaque quelque part


Texte 2 :

Il consulta sa montre.
– Plus que dix minutes ! Mon Dieu comme le temps passe rapidement ! J’ai mis aussi du pain d’épices dans ta malle, entre tes chaussettes de laine. Ménage-le… ne le donne pas à tout le monde ; tu seras bien heureux, peut-être, à un moment donné, de l’avoir sous la main. Enfin… Et ce Père Jésuite ?… qui sait ?
Il soupira longuement et ne prononça plus un mot, sinon pour demander de temps à autre :
– Et ton billet ?… As-tu ton billet ?… C’est un billet de première classe. Ne le perds pas.
Ou bien :
– Surtout, ne te penche pas aux portières… Un accident est tôt arrivé… Dans mon journal, il y en a tous les jours !…
Sébastien pleurait. Il sentait ce qu’il y avait de tendresse maladroite et vive cachée sous ces phrases banales, décousues, dont le ridicule lui était cher. Jamais il n’avait vu son père ainsi. S’il eût osé, il se fût jeté dans ses bras, il l’eût supplié de laisser là le train, le Jésuite, la Bretagne, les fils de princes, et de s’en retourner, tous les deux, dans la boutique, où ils seraient très heureux à s’aimer. Lui aussi, il se mettrait en manches de chemise, il aurait un tablier de cotonnade, et il irait chez les clients, compterait les cadenas, pèserait les clous. Quelle joie de revoir la rivière, les images renversées des peupliers, les mouvantes chevelures des roseaux !… Et ses camarades retrouvés !… Et ses promenades avec Marguerite, le jeudi ! Et les champs et les fleurs, et les parties de marelle, sur la grand-place !… Les minutes s’envolèrent douloureuses.

[...]

– Mon Révérend Père… C’est un père… je suis un père… un père qui… Certainement, je ne m’attendais pas, comme ça !… le grand honneur !… Et puis le soir, dans une gare, on ne voit pas bien…
Il s’empêtrait. Les mots s’étranglaient dans sa gorge. Le train allait repartir. Il embrassa gauchement son fils qui pleurait toujours, chercha une phrase décisive et, n’en trouvant pas, il bredouilla, la raison égarée, la bouche tordue de grimaces :
– Je suis content… bien content de vous avoir vu… Et sa pauvre mère eût été bien… contente… de… de… faire votre connaissance.
À peine s’il s’aperçut que Sébastien était monté dans le wagon avec le Jésuite, que le train s’était remis en marche, avait disparu, laissant la voie vide. La tête découverte, le chapeau à la main, M. Roch demeura longtemps, à la même place, sur le quai, redevenu désert. Il saluait toujours, et toujours répétait :
– Bien contente… bien contente…
Il fallut l’intervention du chef de gare pour qu’il se décidât à partir. De son trouble, de son chagrin, de cette émotion sincère qui en avait fait, tout à l’heure, une créature humaine et sensible, il ne lui restait plus que l’irritant dépit d’avoir manqué son discours, dans une occasion unique. Mécontent de cette aventure, un peu honteux de lui-même, il rentra. Il ne pensait déjà plus à son fils dont l’image disparaissait sous celle du Jésuite ; et il se disait :
– Ces Jésuites !… Quelle puissance !… Il m’a reconnu, celui-là… C’est incroyable !… Ils reconnaissent les gens qu’ils n’ont jamais vus… Quelle organisation !

Parents de gauche ayant fait jouer leur réseau pour mettre leur fils dans un bon collège, parce que celui de la carte scolaire était envahi par des "anti-laïques", pas le top pour viser Sciences Po ou HEC.


Texte 3 :

« Je t'ai déjà dit que tu faisais trop de bruit en mangeant ta soupe… Regarde ton père… »
Elle quêta une approbation du père qui finit par se décider :
« C’est vrai, dit-il, tu auras bientôt treize ans, et tu ne sais pas encore te servir rationnellement d’une cuiller. Est-ce que tu m’entends faire du bruit, moi ?
D’un signe de tête, Antoine convint que son père mangeait sa soupe sans bruit. L’idée de sa distinction inclina Rigault à la bonté et le retint sur la pente des objurgations et des homélies. Il avait d’ailleurs d’autres soucis.
« Ce que ton père te dit là est pour ton bien, dit Juliette avec une douceur perfide.
- Naturellement, approuva Rigault, pour ton bien.
- Pour ton bien et pour ton avenir !"
Malgré l’inquiétude qui lui rongeait le cœur, Rigault paru s’éveiller, et son regard s’anima. L’avenir de son fils était un sujet presque douloureux, mais qu’on ne lui proposait jamais en vain. Il en parlait avec une sollicitude rageuse, tourmenté par ses ambitions paternelles, humilié aussi à la pensée qu’un jour son fils lui serait peut-être supérieur par le prix de ses complets, se demandant s’il oserait bien faire des placements d’argent, sans le consulter, et s’en irritant par avance.

"Non, Janine, n'insiste pas, j'ai la bénédiction du secrétaire général du Grand Orient, plutôt en méchoui que de te laisser le mettre chez les jésuites !"

11 commentaires:

  1. "Aux Champs" de Guy de Maupassant. "Sébastien Roch" d'Octave Mirbeau.
    "Le Moulin de la Sourdine" de Marcel Aymé. Merci pour ce choix édifiant.Emile Henri.

    RépondreSupprimer
  2. Pfff... moi, j'avais reconnu que le Mirbeau.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est déjà bien cher Tenancier ! Mais il est vrai que j'avais hésité à camoufler le prénom éponyme, pour corser un peu.

      Supprimer
  3. Waah ! Alors là bravo ! En plus, venant de vous, Emile, le héros de la rue des Bons-Enfants pour un jeu sur le thème du monde merveilleux de l'enfance, ça n'en a que plus de charme. Et je ne peux mettre en doute votre érudition, car si les deux premiers pouvaient être trouvés sur le Moteur, pas le troisième (sauf si je suis un piètre chercheur documentaire).
    Et puis merci d'avoir bien voulu jouer avec moi, ça fait plaisir.
    Des idées pour les images (les autres aussi peuvent jouer, s'il n'y a plus de bille je peux toujours chourer une ou deux figurines Star Wars à mon futur ingénieur des Mines) ?

    RépondreSupprimer
  4. Z'êtes trop forts pour moi, les gars, je jette l'éponge et m'en vais potasser le Lagarde & Michard…

    RépondreSupprimer

  5. George, dites tout de suite que je publie de la littérature "pour classe terminale" ;-) Mais tant que vous y êtes, vous pouvez potasser une encyclopédie du cinéma (pour deux images, je vous aide), et une de la peinture (pour celle apparaissant ici, je ne vous en voudrai pas d'utiliser une recherche croisée sur le Moteur. Je n'aurais moi-même pas trouvé, j'ai des lacunes en arts plastiques. Si je devais qualifier ma culture en un mot dans ce cas : ravages). Pour les 2 films à trouver j'avoue, il y a encore quelques semaines j'ignorais complètement leur existence. Mais leurs auteurs, et au moins une actrice, sont célèbres. Si on est pas sot ni limité, et qu'on ne s'y prend pas comme je dors au ski, en roupillant profondément, bref si on est un peu éveillé, on peut y arriver, et je me demande encore pourquoi il fallut que des amis à qui je soumis le jeu et qui s'en sortirent honorablement, là, calassent...

    RépondreSupprimer
  6. Côté illustrations, à part le "Sacrifice d'Isaac" du Caravage, je sèche complètement.
    La deuxième c'est tout de même pas un storyboard de don Siegel ??
    Non, j'déconne.
    Julio

    RépondreSupprimer
  7. Bravo Jules, le chien aboie, donc "le Caravage" passe. Je vais faire un tour à Rome ce week-end, peut-être aurai-je l'occasion d'en voir un ou deux. Et puis y a une expo à Paris en ce moment en cas de rattrapage.
    Et tu n'es pas loin avec le storyboard de Don Siegel. C'est l'inverse d'un storyboard je pense, le dessin a été fait après le film, pour une suite en BD (ça ça peut être un indice). Et on est bien dans l'univers du western spaghetti (encore un truc romain !) à la Sierra torride, même si Siegel a été surtout un précurseur de ce genre, mais un western spaghetti mâtiné d'Age d'or de Bunuel...
    La première image doit être facile à trouver si je précise que l'actrice principale (sur la photo) est une chanteuse célèbre dont c'est le seul rôle au cinéma, et que le personnage qu'elle incarne est d'une grande sévérité avec ses deux petits garçons.
    Par ailleurs dans ma réponse à George j'ai enfilé quelques calembours pourris qui peuvent peut-être aider ceux qui ne se sont pas encore lassés de jouer avec moi...

    RépondreSupprimer
  8. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  9. Ok, Wrob, pigé, merci pour la piste calembouresque.

    Pour la première image, j'avais d'abord pensé à une autre chanteuse, Elli Meideiros, qu'est une reine et qu'a le roi — mais c'est le mari (ah ?) qu'a l'as…
    Mais déballe pas le titre des images, faut les renommer, sinon ça passe aux limites de la triche — ça pousse à l'inique !

    Quant à la deuxième, elle est top, oh !

    Mais moi aussi je dors en ski, et c'est même comme ça que je me suis pété la guibolle (non, je galège en trop…)

    RépondreSupprimer
  10. Bravo George ! Il s'agissait bien de Médée, qui égorge les deux enfants qu'elle a eu avec Jason, un bellâtre impérialiste qui l'enlève à sa tribu pour la jeter après comme une vieille chaussette, lui préférant une plus jeune et moins exotique, de Pasolini, avec Maria Calas, et de El Topo de Jodorowsky, un western spaghettiquo-surréaliste ultra-violent dans lequel le père abandonne le fils au mains de prêtres. On y voit aussi une scène de roulette russe qui tourne plutôt au désavantage d'un petit nenfant. 69 et 70 respectivement, je naissais et découvrais le monde.
    Encore bravo !

    RépondreSupprimer

Y a un tour de parole !