LORD GORING
[…]
Mais dites-moi au juste : comment le baron vous a-t-il finalement persuadé de… enfin de faire ce que vous avez fait ?
SIR ROBERT CHILTERN
Au moment où je prenais congé, il m’a dit que si jamais je pouvais lui procurer une information secrète d’une réelle valeur, il ferait de moi un homme très riche. J’ai été ébloui à la perspective qu’il me présentait, et mon ambition et mon désir de pouvoir étaient alors sans limites. Six semaines plus tard, certains documents secrets sont passés par mes mains.
LORD GORING
(gardant les yeux obstinément fixés sur le tapis)Des secrets d’Etat ?
SIR ROBERT CHILTERN
Oui.[…]
L’après-midi même, je me suis assis pour écrire au baron Arnheim la lettre que détient à présent cette femme. Il a gagné grâce à cette transaction sept cent cinquante mille livres.
LORD GORING
Et vous ?
SIR ROBERT CHILTERN
J’ai reçu du baron cent dix mille livres.
LORD GORING
Vous valiez davantage, Robert.
SIR ROBERT CHILTERN
Non ; cet argent m’a procuré exactement ce que je voulais : le pouvoir sur les autres. Je suis entré à la Chambre aussitôt après. Le baron me donnait de temps à autre des conseils financiers. En moins de cinq ans, j’ai presque triplé ma fortune. Depuis lors, tout ce que j’ai touché s’est révélé un succès. Dans tout ce qui a trait à l’argent, j’ai eu une chance si extraordinaire que parfois j’en ai presque eu peur. Je me rappelle avoir lu quelque part, dans je ne sais quel livre étrange, que lorsque les dieux veulent nous punir ils exaucent nos prières.
LORD GORING
Mais dites-moi, Robert, n’avez-vous jamais éprouvé de remords de ce que vous aviez fait ?
SIR ROBERT CHILTERN
Non. J’avais le sentiment d’avoir combattu mon époque avec ses propres armes, et d’avoir gagné.
SIR ROBERT CHILTERN
(tristement)Vous pensiez avoir gagné.
LORD GORING
Je le pensais, oui. (Après un long silence.) Arthur, est-ce que vous me méprisez, maintenant que je vous aid dit tout cela ?
LORD GORING
(d’une voix profondément émue)J’ai beaucoup de peine pour vous, Robert, beaucoup de peine.
SIR ROBERT CHILTERN
Je mentirai si je disais que j’ai ressenti le moindre remords. Non, je n’ai eu aucun remords, dans le sens ordinaire et plutôt bête de ce terme. Mais à de nombreuses reprises j’ai fait à ce que l’on appelle la conscience des dons en argent. Je nourrissais ainsi le fol espoir de désarmer la destinée. La somme que le baron Arnheim m’a donnée, j’en ai distribué le double depuis lors à des bonnes œuvres.
LORD GORING
(relevant les yeux)A des bonnes oeuvres ? Mon Dieu ! Quelle quantité de dégâts vous avez dû provoque, Robert !
Investisseur victime de la chute des cours du textile dus à une trop grande économie d'échelle.
COMMENT LA CONSERVER ? OU DU DECELEMENT PRECOCE.
Ils firent donc en ce cas ce que les Princes sages doivent faire, qui ne doivent pas seulement avoir regard aux désordres présents mais à ceux qui adviendront, et mettre toute leur habileté à les éviter ; d'autant qu’en les prévoyant de loin on y peut facilement remédier. Mais si on attend qu'ils s'approchent, la médecine vient trop tard, car la maladie est devenue incurable. Et il advient en ce cas comme de ceux qui ont les fièvres étiques, desquels, au dire des médecins, au commencement le mal est aisé à guérir mais est difficile à connaître, mais n’ayant été ni reconnu ni guéri, devient, avec le progrès du temps, facile à connaître et difficile à curer.
Machiavel à la mie de pain accusant les premiers symptômes des fièvres étiques.
COMMENT S'EN PASSER ? OU DES CABANES
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