mercredi 25 octobre 2017

L'homme au centre lourd

Une belle maxime pour le palais, utile au public, remplie de raison, de sagesse et d’équité, ce serait précisément la contradictoire de celle qui dit que la forme emporte le fond.
Jean de La Bruyère.- "De quelques usages", in Les Caractères.

Au pays du tango

5. LA ZONE DE CONFORT
L'aïkido est au premier abord une discipline de suprématie. Un sport de combat. En modèle ultime, un mâle dominant au centre du tatami, avec une posture de magicien. Une attaque, un gagnant, un perdant, l'un toujours debout, l'autre au sol. Ensuite, il est un sport spectaculaire. Des techniques incroyables, réalisées avec un faible investissement énergétique mais surtout réalisable par tout un chacun, sans réellement d'investissement physique personnel sur un long terme.
Une garantie d'efficacité immédiate, un rendement capitaliste extraordinaire au vu de l'investissement capital énergie/temps de pratique faible au départ (comparé à la boxe, au kung fu, au judo, etc.). Une promesse magique qui colle bien à l'époque. Voilà une discipline qui coche assez facilement les cases d'une drôle de période : égotique et narcissique.
Il nous faut donc prendre en compte les défis cognitifs que constitue notre pratique. Cela veut dire une méthodologie complète, sortie de l'approximation, du superficiel psychologique, du juste technique et de la perception égomaniaque étriquée. D'autant plus que l'intoxication mise en œuvre n'est avant tout qu'un enfumage de soi-même. Le maintien dans une zone de confort égoïste. Celle qui ne nous a jamais permis de découvrir quoi que ce soit. Le fond et la forme sont donc intimement liés, qu'on le veuille ou nom.

Au pays des soviets

En son fief

5. L'ENERGIE OU LE STANDARD
Discipline de l'énergie qui questionne la place du corps. Du corps individuel mais aussi du corps social. L'enjeu est la libération des énergies, mais coordonnées, construites et collaboratives malgré le conflit contractuel originel. Rappelons juste que l'aïkido est l'union des énergies, et non la confrontation des égo mal dimensionnés : aï-ki. Combat, collaboration ou dialectique ? Nous y reviendrons plus tard.
Pourquoi alors nous imposer une vision uniforme et un comportement normatif ? Robotisé. Sclérosant. Prenons l'exemple de la droiture du tori comme alpha et oméga de la lecture du combiné que forment les partenaires. La droiture en permanence afin de garder... blabla. Mais voilà, cela sert surtour à se garder. Se garder de tout et de trop plein d'engagement. Ne pas se plonger pleinement dans la bataille de l'équilibre revient souvent à tracter et bringueballer l'autre. Au risque de le blesser par contrition articulaire totalement extérieure à ses fondements physiques. Préserver son intégrité, dites-vous !
Voici un exemple parmi tant d'autres : la droiture, rigide de fait. Droiture du corps face à toutes les situations, quitte à passer son chemin sans rencontrer l'autre. Se construire un phénotype, hors de tout contexte, hors de toute remise en cause de l'équilibre dû à la rencontre, souvent percutante, avec l'autre. Clairement nous ne recherchons pas la même chose. 

Au menu : croquettes et tendon

Texte de Stéphane Blanchet in Les cahiers d'étude et de recherche(s) n° 1 : réflexions appliquées à l'aïki-do (pour toute commande - 10 € - contactez le blog).

10 commentaires:

  1. La forme emporte le fond.
    Je repense à ceci : "Le message, c'est le médium".
    Une phrase emblématique de la pensée de Marshall McLuhan, philosophe des medias. Comme quoi il n'avait rien inventé ! Si je comprends bien, la nature d'un média compte plus que le sens ou le contenu du message.
    C'est une des raisons qui m'ont fait refuser systématiquement de parler à la télé quand on me le proposait ! A part un gros plan sur ma bite un jour de biture, qu'ils se sont bien gardés de diffuser et qui doit traîner dans les archives !

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    1. Serge (ou Charles ?), sortez de ce corps !

      Il faudra que vous me racontiez les raisons qui vous ont fait inviter à la télévision, j'ignorais que j'avais une célébrité parmi mes aimables commentateurs ! Enfin, comme vous avez refusé, vous êtres pardonné. Mais, quand même, on vous l'a proposé... quelque part vous l'avez mérité... (tentative d'humour).

      Oui, j'avais déjà entendu la phrase de Mc Luhan. En gros, je vois ça comme ça : on aura beau voir ou lire des trucs ultra-critiques ou révolutionnaires ou utopiques à la télé ou sur son smartphone (ou sur un blog), on ne restera jamais que des moules ventousées à nos écrans et donc passivement consentantes au monde tel qui tourne à l'envers. La révolution ne sera pas télévisée. Pour qu'une parole ait un sens de liberté, le medium doit être le corps à corps et le coeur à coeur, dans la rue ou ailleurs, mais présents et en prenant son pied d'égalité.

      Bon, voilà qu'en partant de cassages de gueule sur le tatami, on en arrive aux pensum !

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  2. Art martial : qu'y cherche-t-on ? La question vaut la peine d'être posée.

    Une simple activité physique, compensant notre sédentarité grandissante ? Le désir de se défendre (contre qui ? contre quoi ?). Une dialectique particulière dans sa rencontre avec l'autre ? Une façon de retrouver le corps, si négligé par notre société de réseaux virtuels ? J'en oublie, sans doute.

    Je pencherais pour l'ensemble de ces aspects. Avec une préférence pour le rencontre avec l'autre, fut-elle rugueuse.

    Peut-être serait-il bon aussi de séparer arts martiaux et self-défense, bien que la frontière, ici, est de plus en plus mouvante (est-ce un mal ? un bien ?).

    Demeure aussi le fait que l'adjectif martial signifie confrontation et maîtrise de l'autre. Que cela passe par la maîtrise de soi-même est une évidence.

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    1. Je suis assez d'accord avec toutes vos propositions, bienvenu Promeneur. C'est un peu les questions auxquelles mon ami Stéphane Blanchet tente de répondre dans sa brochure, avec le côté provocateur et démystificateur qui est le sien.

      Je pense qu'il y a les arts martiaux tels qu'ils sont (comme les humains), tels qu'ils devraient être ou tels que les pratiquants en recherche honnête tendent à les faire, et puis il y a le story telling, l'idéologie ou l'angélisme (c'est que de l'amour, c'est que de la paix, c'est la démocratie).

      Je suis particulièrement d'accord sur la différence pour moi essentielle entre self défense et aïkido (dans mon cas). L'aïkido est une voie d'étude et de bonification de soi et de ses liens aux autres, à vie, rien à voir avec des trucs de flics. Après ça peut servir... à plein de choses, dont, peut-être, une fois sur mille, bien réagir en cas de tentative de vol de carte bleu à la tirette (cas réel raconté par un pote, ikkyo a suffi contre trois lascars... et une bonne foulée ensuite).

      Une fonction que vous n'avez pas évoquée et qui pour moi fut la principale (au delà des justifications affichées) : j'ai clairement fait et je fais toujours de l'aïkido pour me soigner (comme me disait une pratiquante sympa, décédée aujourd'hui)...

      A bientôt sur votre biau grand ch'min !

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    2. Oui, mon cher Wrob, vous avez raison, j'avais oublié le plus important : que l'art martial peut être aussi une voie d'étude et de soin, une façon d'appréhender le monde, l'autre... et soi-même. Right.

      Et c'est bien ça qui me fait pratiquer, pour ma part, le Vo Vietnam, bien loin de l'idée de devoir m'en servir un jour contre je ne sais quel reître qui en voudrait à mon intégrité (mais suis-je d'ailleurs si intègre ? c'est un autre débat et, sans aucun doute aussi, une astuce vaseuse).

      Le bonjour chez vous.

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    3. J'avais fait une initiation de vo vietnam, il y a beau temps, mais en y repensant il s'agissait plutôt de viet vo dao... Il y avait beaucoup de techniques à base de ciseaux des jambes qui ne manquaient jamais de me surprendre et de m'envoyer les quatre fers en l'air.

      Bonne flânerie donc sur votre voie, ami Promeneur, pour ma part je vais retourner bûcher sur votre astuce, au saut du lit, comme ça, j'ai les connexions cérébrales un peu encroûtées.

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    4. C'est donc pas la même chose le Viet vo dao et le Vo vietnam ? Me semblait que la seule différence résidait dans le fait que le premier était un horrible art martial du Sud, laquais de l'impérialisme et l'autre un épanouissement démocratique du Nord.
      Et qu'à part ça...

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    5. Oh ben peut-être Jules, je n'y connais rien. J'ignore si lesdits ciseaux avaient été produits grâce à un parti unique ou la libre entreprise, toujours est-il qu'ils me l'ont coupée, et que j'en suis resté sur le cul. Moi plutôt sympathisant des soviets libres vaincu par un coup bas une fois de plus. C'était rigolo.

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  3. En ce moment, on a un exemple incroyable avec la porte parole de la France Insoumise, grassement payée par une télé pour faire de l'animation, l'opposante de service, afin d'annihiler le discours politique de Merluchon !
    Les capitalistes ont bien pigé tout ça.

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  4. Ah oui, il me semble avoir lu une brève satirique là-dessus, dans CQFD ou dans Siné mensuel, les deux seuls canards que j'ai le temps de lire, avec le Monde libertaire, qui n'est pas génial, mais auquel je m'étais abonné quand j'ai constaté qu'il passait d'un hebdo à un mensuel par manque de moyens, et que même ce mensuel n'avais pas un grand pronostic de survie (le message est dans la mort du medium) ! A ce propos, si l'ami Blaireau 58 nous lit : n'est-ce point vous qui commîtes un article intitulé : "Le monde a muté" dans le ML sur les technologies plus si nouvelles que ça, de janvier/février 2017 (oui, j'ai pris un peu de retard) ? Le sujet est le même : l'envahissement total des medium (au pluriel média ?) numériques qui nous transforment en homo-capitalismus difficilement dépassables. Et le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est connecté, on est connecté.
    Au fait Chroum, avez vous réussi à éroder vos montagnes de journaux ?

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