vendredi 11 janvier 2019

On crut qu'c'était la lutte des classes

   1

    Écoutez,… Faites silence…
    La triste énumération
    De tous les forfaits sans nom,
    Des tortures, des violences
    Toujours impunis, hélas !
    Du criminel Fantômas.

    2

    Lady Beltham, sa maîtresse,
    Le vit tuer son mari
    Car il les avait surpris
    Au milieu de leurs caresses.
    Il coula le paquebot
    Lancaster au fond des flots.

   3

    Cent personnes il assassine.
    Mais Juve aidé de Fandor
    Va lui faire subir son sort
    Enfin sur la guillotine…
    Mais un acteur, très bien grimé,
    À sa place est exécuté.

    4

    Un phare dans la tempête
    Croule, et les pauvres bateaux
    font naufrage au fond de l’eau.
    Mais surgissent quatre têtes :
    Lady Beltham aux yeux d’or,
    Fantômas, Juve et Fandor.

- Fantômas à l'ombre de la guillotine de Louis Feuillade, avril 2013.


   5

   Le monstre avait une fille
   Aussi Jolie qu’une fleur.
   La douce Hélène au grand cœur
   Ne tenait pas de sa famille,
   Car elle sauva Fandor
   Qu’était condamné à mort.

   6

   En consigne d’une gare
   Un colis ensanglanté !
   Un escroc est arrêté !
   Qu’est devenu le cadavre ?
   Le cadavre est bien vivant
   C’est Fantômas, mes enfants !

   7

   Prisonnier dans une cloche
   Sonnant un enterrement
   Ainsi mourut son lieutenant.
   Le sang de sa pauv’ caboche
   Avec saphirs et diamants
   Pleuvait sur les assistants.

   8

   Un beau jour des fontaines
   Soudain chantèr’nt à Paris.
   Le monde était surpris,
   Ignorant que ces sirènes
   De la Concorde enfermaient
   Un roi captif qui pleurait.

- Juve contre Fantômas de Louis Feuillade, septembre 1913.

Incroyable, on ne reconnaît vraiment pas Jean Marais ! Immense comédien !*

   9

   Certain secret d’importance
   Allait être dit au tzar.
   Fantômas, lui, le reçut car
   Ayant pris sa ressemblance
   Il remplaçait l’empereur
   Quand Juv’ l’arrêta sans peur.

    10

   Il fit tuer par la Toulouche,
   Vieillarde aux yeux dégoûtants,
   Un Anglais à grands coups de dents
   Et le sang remplit sa bouche.
   Puis il cacha un trésor
   Dans les entrailles du mort.

    11

    Cette grande catastrophe
    De l’autobus qui rentra
    Dans la banque qu’on pilla
   Dont on éventra les coffres…
   Vous vous souvenez de ça?…
   Ce fut lui qui l’agença.

   12

   La peste en épidémie
   Ravage un grand paquebot
    Tout seul au milieu des flots.
   Quel spectacle de folie !
   Agonies et morts hélas !
   Qui a fait ca ? Fantômas.


- Holy Motors de Leos Carax, 2012.

Une oeuvre très étrange, sans rapport avec Fantômas, si ce n'est le thème de la métamorphose, surprenant, qui tient en haleine d'un bout à l'autre par un suspense certain malgré le côté "film à sketchs". Un film sur le cinéma, qui disparaît, ma bonne dame ! remplacé par le panopticum sécuritaire, le narcissisme du selfie et la crétinisation des youtubeurs. Au delà du sens caché mystérieux, on se fait plaisir avec cette suite de scènes de films de genre, souvent glauques, et le fantastique de l'ensemble. Je n'ai rien vu d'autre de ce réalisateur, qui à l'époque de la sortie des Amants du Pont-Neuf m'apparaissait comme un branchouille, pur préjugé que je ne puis aujourd'hui ni confirmer ni infirmer.

   13

   Il tua un cocher de fiacre
   Au siège il le ficela
   Et roulant cahin-caha,
   Malgré les clients qui sacrent,
   Il ne s’arrêtait jamais
   L’fiacre qu’un mort conduisait.

   14

   Méfiez-vous des roses noires,
   Il en sort une langueur
   Épuisante et l’on en meurt.
   C’est une bien sombre histoire
   Encore un triste forfait
   De Fantômas en effet !

   15

   Il assassina la mère
   De l’héroïque Fandor.
   Quelle injustice du sort,
   Douleur poignante et amère…
   Il n’avait donc pas de cœur,
   Cet infâme malfaiteur !

   16

   Du Dôme des Invalides
   On volait l’or chaque nuit.
   Qui c’était ? mais c’était lui,
   L’auteur de ce plan cupide.
   User aussi mal son temps
   Quand on est intelligent !

L'intégral.

   17

    À la Reine de Hollande
   Même, il osa s’attaquer.
   Juve le fit prisonnier
   Ainsi que toute sa bande.
    Mais il échappa pourtant
    À un juste châtiment.

    18

    Pour effacer sa trace
    Il se fit tailler des gants
    Dans la peau d’un trophée sanglant,
    Dans d’la peau de mains d’cadavre
    Et c’était ce mort qu’accusaient
    Les empreintes qu’on trouvait.

    19

    À Valmondois un fantôme
    Sur la rivière marchait.
    En vain Juve le cherchait
    Effrayant vieillards et mômes,
    C’était Fantômas qui fuyait
    Après l’coup qu’il avait fait.

    20

    La police d’Angleterre
    Par lui fut mystifiée.
    Mais, à la fin, arrêté,
    Fut pendu et mis en terre.
    Devinez qui arriva :
    Le bandit en réchappa.

    21

    Dans la nuit sinistre et sombre,
    À travers la Tour Eiffel,
    Juv’ poursuit le criminel.
    En vain guette-t-il son ombre.
    Faisant un suprême effort
    Fantômas échappe encor.

    22

    D’vant le casino d’Monte-Carlo
    Un cuirassé évoluait.
    Son commandant qui perdait
    Voulait bombarder la rade.
    Fantômas, c’est évident,
    Était donc ce commandant.

    23

    Dans la mer un bateau sombre
    Avec Fantômas à bord,
    Hélène Juve et Fandor
    Et des passagers sans nombre.
    On ne sait s’ils sont tous morts,
    Nul n’a retrouvé leurs corps.

    24

    Ceux de sa bande, Beaumôme,
    Bec de Gaz et le Bedeau,
    Le rempart du Montparno,
    Ont fait trembler Paris, Rome
    Et Londres par leurs exploits.
    Se sont-ils soumis aux lois ?

    25

    Pour ceux du peuple et du monde,
    J’ai écrit cette chanson
    Sur Fantômas, dont le nom
    Fait tout trembler à la ronde.
    Maintenant, vivez longtemps,
    Je le souhaite en partant.

    FINAL

    Allongeant son ombre immense
    Sur le monde et sur Paris,
    Quel est ce spectre aux yeux gris
    Qui surgit dans le silence ?
    Fantômas, serait-ce toi
    Qui te dresses sur les toits ?

   Robert Desnos, 1933.

Mes dernières actu ciné.

* Après d'épuisantes recherches il appert que Jean Marais n'est pour rien dans cette histoire, il s'agit en fait de René Navarre, qui se faisait arrêter dans la rue par les gens criant d'enthousiasme "c'est Fantômas ! c'est Fantômas", le star système n'existant pas à l'époque (1913-1914).

7 commentaires:

  1. Merveilleux Desnos!
    En ce qui concerne Carax, pour être allé voir "Mauvais sang" à sa sortie, on l'avait également remisé dans la catégorie des branchouilles inutiles. De toute façon, il y avait à l'époque une malédiction sur les réalisateurs dont les noms s'achevaient en X : Beinex, Carax, Bessonx...

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  2. Tu devrais revoir "Mauvais sang", Jules : son esthétique brute n'a rien à voir avec les enluminures sirupeuses des Beineix ou Besson de l'époque (je précise, parce que "Le dernier combat", c'était tout de même prometteur), contrairement à qui Carax s'est toujours montré sans concession. Le propos du film est aussi franc que ses couleurs (auxquelles on ne peut s'empêcher de penser en voyant la récente adaptation de "Laissez bronzer les cadavres"), tout en déployant la thématique surréaliste échevelée de l'amour fou (et égaré, naturellement, comme en témoigne la fugitive vision finale de la fille qui pleure sur le trottoir, que croise le gang filant en voiture vers l'aéroport en chantant à tue-tête "Parce que" d'Aznavour et où il s'avère que c'était elle, et non Binoche, dont Denis Lavand s'était épris en coup de foudre au début du film).

    A mon sens, Carax est toujours époustouflant - sauf peut-être dans le trop emberlificoté "Pola X" - et se démarque entièrement des effets de pacotille dont tant usent si souvent : ce n'est pas un tricheur mais un joueur, très proche de Rimbaud (à qui on doit le titre de ce deuxième long-métrage).

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    1. Ok George, dont acte. J'avoue que ma petite pique sur Carax était aussi un appel du pied pour en savoir plus sur lui. C'est désormais chose faite grâce aux avis des éclairés aficionados que vous êtes, Jules et toi. Je surveille donc mon ciné-club et scrute les rayons de la médiathèque avec une parcimonie toujours plus ciblée. D'ailleurs il est prévu que j'emprunte aussi tôt que possible les "cadavres bronzant" qui s'y trouvent...

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  3. Bon. Dont acte. Vu que ça date de 1986, on ira revoir ça à l'occase.
    Mais c'est bien parce que c'est vous, cher arbitre des élégances.
    Et on se demande encore ce qu'Hugo Pratt venait faire là-dedans.

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  4. Hugo Pratt... Tu peux en dire plus Jules ? J'ai beau faire un Ctrl F sur la fiche Wiki de l'artiste, je ne trouve rien. Tiens, je vais essayer de chercher Carax sur la fiche de Pratt, ça m'occupera en ce lundi matin !

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  5. Si je me souviens bien, le gros tient un petit rôle dans Mauvais sang.
    Il me souviens qu'il était meilleur scénariste et dessinateur qu'acteur.

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Y a un tour de parole !