mardi 12 novembre 2019

Tueurs : petits bras et champions du monde

- Les Temps modernes de Charles Chaplin.


   Saviez-vous que cette chanson, reprise par pas loin de cent interprètes, vient à l'origine (et sans paroles) essayer de redonner le sourire à une adolescente prolétaire à la rue et en cavale des services sociaux-carcéraux, dans le film Les Temps modernes de Chaplin. Saviez-vous de surcroit que ce tube intersidéral était une composition de Chaplin lui-même. Chaplin qui non content d'être acteur et réalisateur, composait une bonne partie de la musique de ses films. Avec l'aide d'un secrétaire musical cependant. Savez-vous pourquoi ? Ce violoniste virtuose et compositeur fructueux ne savait pas lire la musique. Il chantait, donc, ou jouait, et le secrétaire prenait note.

   Le film est une critique féroce mais désopilante du capitalisme. De la parcellisation déshumanisante du travail fordiste en usine, au chômage, à la misère, à la prison pour les pauvres, aux luttes, à la répression.


versus


Finalement, Paulette Goddard retrouvera le sourire.

- Le Dictateur de Charles Chaplin.
   Qui ne connaît pas la scène du Dictateur ou Adenoïd Hynkel (caricature d'Adolf Hitler) improvise un ballet halluciné avec une mappemonde-ballon géante ? J'ai rencontré un tel malheureux ignorant. Il y a quinse jours j'en ai parlé à la sortie du vestiaire à un dentiste à la retraite qui m'avoua benoitement, n'avoir jamais vu Le Dictateur. Heureusement sa femme lui a réservé deux sorties théâtrales pour les semaines à venir : Lorant Deutsch et Michel Sardou. Finalement on se rapproche un peu d'Adenoïd Hynkel... Mais cessons de franchir rossement le point Godwin pour revenir à cette scène d'anthologie. Vous souvient-il de la musique choisie par Chaplin pour accompagner les rêves de conquête d'Hynkel / Hitler ?



   Eh oui ! ça vous est revenu, c'est Löhengrin de Richard Wagner. Magnifique, évidemment. Mais le choix est particulièrement ironique quand on se rappelle que, si Wagner fut révolutionnaire et fréquenta Bakounine dans sa jeunesse, il est aussi connu pour son antisémitisme ultérieur, et sa musique est souvent associée au IIIème reich. Comme disait Woody Allen : "Quand j'écoute trop Wagner, j'ai envie d'envahir la Pologne". Cependant l'émotion pure que provoque cette musique peut être captée et récupérée par les pires assassins, comme elle peut aussi évoquer les sentiments les plus hauts. Ainsi, paradoxalement, Chaplin reprend Löhengrin pour la scène finale du film, qui voit renaître l'espoir et la détermination de lutter pour un monde meilleur.


- Monsieur Verdoux de Charles Chaplin.
   Charles Chaplin jugeait que Monsieur Verdoux était "le film le plus intelligent et le plus brillant de toute sa carrière". Je pense que c'est aussi la meilleure évocation de l'histoire de Landru.

Retranscription de la scène du procès, à la fin du film :

   Le président : "Monsieur Verdoux, avez-vous quelque chose à ajouter avant le prononcé de la sentence ?"

   Verdoux : "Oui, Monsieur le président. Quoique Monsieur le procureur ne m’ait pas accablé de compliments, il m’a accordé du moins une intelligence brillante, merci Monsieur le procureur, c’est exact. J’en ai fait durant trente-cinq ans un emploi honnête. Après quoi, on m’a remercié. Je me suis vu forcé de m’établir alors à mon compte. Et si je me suis baigné dans le sang, la société m’y a encouragé, car n’est-ce pas elle qui fabrique des armes destructrices dans le seul but d’exterminer des hommes ? Ne tue-t-elle pas elle aussi des femmes sans défiances ? Et des enfants, qui en ont moins encore ? Et en usant de moyens très scientifiques ? Ah ! En fait de bain de sang, je ne suis guère qu’un modeste amateur. Et entre nous, je ne voudrais pas perdre mon calme au moment où je vais perdre la tête."

   Plus tard, en attendant son exécution pour ses crimes, Verdoux dit à un journaliste : « Un meurtre fait un malfaiteur… des millions un héros. Le nombre sanctifie mon bon ami. »

   Rappelons que le Barbe-Bleue de Gambais commit ses méfaits juste après la première guerre mondiale, 10 millions de morts, et Monsieur Verdoux naquit juste après la seconde, 55 millions. Autour et entre ces deux guerres, des millions de personnes surnuméraires furent jetées dans la misère par le capitalisme, ses crises de croissance ou ses dépressions.


Ma dernière actu ciné.

2 commentaires:

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