lundi 21 mars 2022

La dose de Wrobly : ventôse 2022 EC


   Je ne sais pas ce qu'il leur a pris à ces potes-là, ils ont été deux à vouloir me prêter un livre ce mois-ci. Deux copains de l'aïkido. Et comme la politique de la Plèbe est de ne jamais refuser un livre prêté, et de le lire, que par ailleurs prendre connaissance des productions de l'ennemi peut aider à le combattre, ou à reconnaître le biais par lequel il tente d'endormir le populo par sa propagande lénifiante, ou au contraire de le galvaniser par son idéologie incitatrice à la haine du bouc émissaire, ou plus simplement et plaisamment peut permettre de rigoler un bon coup (ce n'est pas toujours le cas, parfois les grincements de dents sont majoritaires, d'où le côté héroïque de l'exercice), eh bien voilà, ce mois-ci deux livres qui n'auraient en temps normal rien eu à faire ici figurent dans notre : un roman d'un écrivain d'extrême droite (du moins l'ai-je entendu dire), et une plaidoirie de l'avocat (mais aussi l'"ami" et le "frère" dans le deuxième cas) d'une chambre de compensation, d'un patron de presse despotique, agressif et nul, de DSK..., ne dédaignant pas (l'avocat en question) de s'auto-proclamer chantre de la liberté d'expression, tout en tentant de faire taire par divers moyens (mise à la rue sans revenu, procès, calomnies infamantes...) ceux qui émettent des critiques à son encontre ou à celles de ses affidés, ou qui émettent des avis différant du sien.

- René Barjavel.- La Nuit des temps.
   Je n'avais jamais rien lu de cet auteur. Et dans ma tête il était d'extrême droite, je ne sais plus où j'ai entendu ça. Je n'en sais pas plus sur le sujet. Ça ne se voit pas en lisant le roman, qui critique les nationalismes et impérialismes, le militarisme, le capitalisme, quoique, mais est-ce que c'est le sentiment de l'auteur ou simplement un symptôme du monde décrit dans la fiction, les Blancs, les Noirs, les Gris, les Jaunes sont tous bien différenciés et dessinent les différents camps internationaux, très guerre des civilisations.
   Si le roman commence plutôt bien, avec un bon suspense et de l'étrange (un signal émis sous 900 mètres de glace en Antarctique détecté par une équipe scientifique...), je suis finalement resté avec un goût de roman de gare. C'est une histoire d'amour guimauve et convenue entre deux êtres parfaits, qui ne nous épargne même pas l'exercice de style des scènes érotiques plutôt lourdingues tant elles se veulent esthétisantes et littéraires, dans une dystopie très décrite mais super froide. Bof, bof... 


- Richard Malka.- Le Droit d'emmerder Dieu.
   On est d'accord, à la Plèbe on est contre les fanatiques assassins, et contre les pouvoirs religieux oppresseurs. Mais on n'a rien contre les musulmans, et de quel droit on aurait quelque chose contre ? Mes voisins, mes collègues, la nounou de mon fils, mon ex-femme, mes copains d'aïkido, d'immenses artistes sont musulmans, ce sont des hommes et des femmes, ils ont le droit d'être là, aussi bien que les catholiques, les bouddhistes, les athées, les radicaux, ou les avocats d'affaires. D'ailleurs Malka le dit lui-même, et on est content de le lire malgré tout : "Les croyances ne peuvent jamais exiger le respect. Seuls les hommes y ont droit." Et on est des blasphémateurs quand ça nous prend, mais sans ambiguïté. Je feuilletais dernièrement le Siné mensuel de septembre 2021, les caricatures d'islamistes, de talibans, y sont légion, mais à aucun moment je n'ai l'impression qu'on crache à la gueule de la femme portant mantille qui fait le ménage dans les bureaux de mon tapin républicain tôt le matin.
   Donc les ennemis de nos ennemis (les fanatiques et autoritaires religieux - ou pas -) ne sont pas forcément nos amis, loin de là. N'oublions pas que cet auto-proclamé héraut de la liberté d'expression a voulu la peau (au sens figuré) de Denis Robert, quand celui-ci enquêtait à charge sur la chambre de compensation (banque des banques, lieu de tous les blanchiments, y compris d'armes de guerre ?) qu'il servait et sert peut-être toujours, Clearstream. Rappelons-nous également qu'il a essayé de faire taire Siné, quand celui-ci a été viré sans indemnité par le sinistre Philippe Val, celui qui s'est servi de l'ascenseur du comique troupier gauchiste pour parvenir à la notabilité médiatico-medefo-sarkozyste, non sans s'être entre temps approprié le titre Charlie Hebdo, dénaturant totalement les excellents journaux francs-déconneurs des années 60 et 70, Hara-kiri et l'homonyme, pour produire dès 1992 une tribune centriste de préchi-précha pour ses sermons et anathèmes et qui ne cessa de se conformer à l'ordre républicain bourgeois, le tout arrosé des dessins les plus vendeurs possibles, donc censés le plus choquer, sans beauté, ni intelligence, ni cœur, ni sincérité. Le pire est que Malka essaye de nous faire avaler la continuité de projet et de ton, de génie entre le C.H. des 70's et celui des 90's et suite. Quelle blague ! Certes ils ont réembauché au rabais quelques anciens, pour la caution, abusant de la confiance de personnes âgées. Cavanna est mort dans la pauvreté, rien ne lui a été laissé de la part du gâteau devenu bien gras. Je me souviens d'une garde à vue aux stups dans les 90's quai des Orfèvres, je m'étais fait une fois de plus gauler achetant une barrette dans la rue, pas doué le jeune homme. Les condés m'avaient laissé garder le journal que j'avais ce jour-là, c'était Charlie, que j'essayais encore de lire à l'époque en hommage aux grands anciens. Quelle nullité ! Aucun de ces dessins ne me faisait rire, en rien cela n'a adoucit ces quelques heures nocturnes passés derrière le plexiglas. Il avait circulé parmi les autres toxicos mes confrères, franchement, la double peine.
   Enfin d'après Malka, les responsables de la tuerie dégueulasse en question, ce sont ceux qui luttent contre l'islamophobie. Des munichois (même la LDH !). Pour lui, le racisme anti-musulman n'existe pas. Une égalité totale règne dans la loi, pour tous. Il fait semblant de ne pas savoir que la loi est une chose, la réalité en est une autre, et que les lois contre le séparatisme et autres joyeusetés ne sont pas neutres, même si elles prennent hypocritement la forme de la neutralité. Pas d'islamophobie en France, alors que Zemmour, Le Pen, Pécresse et bien d'autres ne font quasiment leurs campagnes que sur et contre les musulmans.

   Une des seule chose intéressante de ce petit livre, est le résumé des étapes de l'affaire des caricatures depuis le début en Hollande puis au Danemark, avec cette manipulation faite par des imams des Frères musulmans pour créer un scandale autour de quelques caricatures anodines qui n'avaient suscité aucune réaction, avant que ces religieux n'y rajoutent des caricatures issues d'un site hystérique de suprématistes blancs américains, avec sodomie par chien, pédophile, etc. Intéressant aussi quand il évoque le danger des religions, selon ce que les hommes en font, comme la drogue peut-être dangereuse selon que le consommateur ait un terrain dépendant ou pas. Il évoque ainsi la Saint Barthélémy, 3 000 morts à Paris, 30 000 en France, et des guerres religieuses de diverses obédiences.
   Quelques évocations de Richard Malka ici et ici.

- Agatha Christie.- Les Enquêtes d'Hercule Poirot.
   Détente pure, plaisir de gosse, je continue l'intégrale. Ce sont des nouvelles, pas ce que je préfère, loin de là, l'ambiance si particulière de l'aristocratie british n'a pas le temps de s'installer, non plus que la tension liée au besoin de savoir et à ce sadique jeu avec nos nerfs auquel s'adonnent l'écrivaine anglaise et le petit détective belge. Mais il faut quand même un sacré talent pour construire, comme ça, une intrigue, un suspense, une mini enquête et une explication lumineuse en quelques pages.

- Walter Benjamin.- Rastelli raconte... et autres récits.
   Une très bonne surprise en cette période de rage de dents et mère qui commence à partir en sucette. Benjamin, plutôt quand même un peu philosophe ésotérique, je le lis, certaines phrases ou paragraphes plusieurs fois de suite, avec les sourcils froncés et cette anxiété qui ne me quitte pas quand j'ai la sensation de ne pas tout comprendre. Ici on a un réjouissant recueil de nouvelles, comme je les aime, qui surprennent (surtout quand on s'attend à des thèses, comme la préface nous y prépare), sont courtes et concises, et apportent un léger suspense, parfois non totalement résolu à la fin, mais sans frustration, tant le plaisir d'avoir été happé par de si courtes et magnifiquement écrites histoires compense ce que peut avoir d'inconfortable les quelques interrogations métaphysiques qu'elles suscitent. Par exemple, celle où un voyageur allemand à Marseille prend du haschisch dans sa chambre d'hôtel, et se tape un tel trip, raide de chez raide, qu'il rate une opération boursière qui l'aurait rendu millionnaire. La description des effets du shit est tellement vraie, elle m'a tellement renvoyé à mes jeunes années quand j'en étais adepte, un peu comme celle des Paradis artificiels de Baudelaire, mais en moins pontifiant, que les amateurs passés ou toujours pratiquants ne manqueront pas d'en rire comme je l'ai fait. Les autres nouvelles sont savoureuses aussi, entre Maupassant, en moins fou, Stefan Zweig, en moins triste, Dino Buzzati... On y parle d'Ibiza avant Blanquer. Saviez-vous que les habitants des Baléares étaient considérés comme des frondeurs par les chefs des légions romaines, et que balea en latin signifie fronde ?

2 commentaires:

  1. Hey Wrob, je tombe sur ce billet-ci, qui m'était passé sous le nez, grâce à ton dernier en date.
    Juste une précision sur Barjavel : rien d'un auteur d'extrême-droite mais c'est le miasme délétère qui perdure autour de tous ceux qui ont eu le malheur de se trouver sous la vindicte du très stalinien Comité National d'Épuration (ou "des Écrivains", selon les versions) après la Libération.
    Oui, Barjavel avait besoin de pépètes sous l'Occupation, il a publié des nouvelles et un roman en feuilleton dans Je suis partout qui tirait alors à 250 000 exemplaires, ça rapportait bonbon mais si on s'extirpe des anachronismes c'était pas blanc et noir mais plutôt tout noyé dans le gris à l'époque pour qui n'était pas (in)directement victime des nazis ou des flics de Vichy.
    Bref, Barjavel n'a rien d'un facho, plutôt un doux rêveur visionnaire à la Aldous Huxley (il n'est que de lire son essai mystico-philosophique La faim du tigre), ses romans ont un peu vieilli mais il a vraiment refondé la SF française avec Ravage et Le voyageur imprudent.
    Et dans le genre romantique mais mâtiné de politique-fiction, Le grand secret vaut aussi le jus !

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  2. Je pige pas pourquoi j'arrive pas à me connecter mais le commentaire ci-dessus est évidemment de ma pomme, GWFW ! Grmmbll !

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