mardi 8 mars 2016

Ni au doigt ni à l'oeil

Je pouvais dès lors la considérer comme guérie. Elle manifesta sa joie, me parlant longuement de sujets intimes, quand d'habitude elle ne parlait ni d'elle ni de moi. Elle m'avoua en souriant que, l'instant d'avant, elle avait eu l'envie de se soulager entièrement ; elle s'était retenue pour avoir un plus long plaisir. L'envie en effet lui tendait le ventre, elle sentait son cul gonfler comme une fleur près d'éclore. Ma main était alors dans sa fente ; elle me dit qu'elle était restée dans le même état, que c'était infiniment doux. Et, comme je lui demandais à quoi lui faisait penser le mot uriner, elle me répondit Buriner, les yeux, avec un rasoir, quelque chose de rouge, le soleil. Et l’œuf ? Un œil de veau, en raison de la couleur de la tête, et d'ailleurs le blanc d’œuf était du blanc d’œil, et le jaune la prunelle. La forme de l’œil, à l'entendre, était celle de l’œuf. Elle me demanda, quand nous sortirions, de casser des œufs en l'air, au soleil, à coups de revolver. La chose me paraissait impossible, elle en discuta, me donnant de plaisantes raisons. Elle jouait gaiement sur les mots, disant tantôt casser un œil, tantôt crever un œuf, tenant d'insoutenables raisonnements.
Georges Bataille.- Histoire de l'oeil .

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