« L’aïkido, par exemple, dans lequel seule l’énergie cinétique de l’attaquant est mise à contribution et retournée contre lui-même. Ceci m’avait conduit il y a quelques années à préconiser la mise au point d’une sorte d’aïkido mental : au lieu de s’évertuer à fabriquer un arsenal théorique ou une forteresse doctrinaire de plus, on se bornerait dans cette discipline, à maîtriser des prises minimalistes susceptibles de retourner la puissance idéologique du pouvoir contre celui-ci. Ou selon le joli mot de Marx : à « faire danser les rapports pétrifiés en leur chantant leur propre mélodie ».
Toutes ces techniques d’autodéfense sont des applications d’un concept clé de la philosophie chinoise, en particulier taoïste : wei wu wei, le non agir agissant. Bornons-nous ici à n’en donner qu’une information banale, voir simpliste : l’abstention, la suspension d’activité, le non-engagement sont aussi des moyens d’agir. »
Guillaume Paoli, Eloge de la démotivation, éd. Lignes 2008.
On trouve la définition et la transposition un peu courte. Certes il y a dans l'aïkido la notion de tenkan (changement de direction) qui permet de retourner l'attaque contre son auteur en la déviant. Mais il y a aussi le concept incontournable de irimi, "entrer" dans le centre du partenaire (il n'y a pas d'adversaire ou d'ennemi en aïkido - son application dans la guerre de classe n'est qu'une transposition des compétences qu'il a permis d'acquérir ; la pratique de cet art est considéré comme "collective", sur l'ensemble du tatami), "traverser la chair" au sens littéral. Après des décennies de pratique, une hyper-sensibilité et une réactivité concomitante permet de rentrer dans le partenaire avant même qu'il ait pu développer son attaque, à la naissance de celle-ci, cette entrée pouvant et devant, dans une perspective martiale ("on dirait qu'on jouerait à se mettre sur la gueule") être définitive. Heureusement, un deuxième principe, le tenkan, qui suit immédiatement le irimi, illustre la volonté de clémence que porte cette pratique tant physique que spirituelle : après être entré et avant la "destruction" du partenaire, on pivote et celui-ci chute quasiment tout seul, mais nous l'aidons et l'accompagnons, principe de sollicitude. Il y a donc engagement au début, et à la fin de la technique. Un entrainement d'une heure d'aïkido peut être épuisant, c'est mieux d'ailleurs, si on veut en extraire la substantifique moëlle, mais il laisse le choix. Le keikogi y est souvent à tordre en fin de séance.
Notion de irimi.
Notion de tenkan : toute l'oeuvre de l'Inconsolable tourne autour du travail (en allemand "arbeit", terme qui fit les beaux jours d'un slogan du patronat allemand, que des épiciers déclassés transformés en tueurs de masse reprirent finalement à leur compte), et n'aurait pas dépareillé dans cette play-list
Pour illustrer la thèse de Guillaume Paoli, on aurait plutôt utilisé la comparaison avec le bel art du Bowling.
S'cusez la comparaison, mon général Wrob, mais doit-on comprendre que nos chers communards ont tenté d'appliquer les principes de l'aïkido à la tactique militaire en laissant entrer les Versaillais afin de mieux les envelopper et les "traverser", réalisant ainsi un bel"irimi" ?
RépondreSupprimerAuquel cas, comme disait mon prof de karaté, depuis tué par balle, "la vie c'est pas comme sur le tatami" !
Salud !
J'y ai repensé pendant la nuit. Mais le fait d'attendre les versaillais à Paris n'est pas irimi, c'est s'exposer à se laisser écraser par l'attaque, ce qui s'est produit. Il aurait fallu sortir sur Versailles pour solliciter l'attaque, ce dont il avait été question d'ailleurs, mais je ne sais plus qui a merdé dans l'histoire, Rossel, Dombrowsky ou un autre... Une fois les troupes provoquées à l'attaque avant qu'elles soient prêtes, en les soumettant à notre propre temporalité à Versailles, battre en retraite, les harceler, prendre à revers, par l'arrière, et neutraliser ce qui reste de leur force exsangue par un fort engagement à Paris. Bon, c'est de la théorie, il y avait aussi une asymétrie des effectifs et des armements énorme. Mais avec le coup de la banque et des avoirs des bourgeois en amont, ç'aurait peut-être été un irimi efficace, avant le tenkan envoyant tout ce joli monde dans la Seine.
RépondreSupprimerOups ! Il y aurait du y avoir ce commentaire avant le précédent :
RépondreSupprimerOui... C'est compliqué, et j'ai encore besoin de beaucoup pratiquer pour trouver la voie, j'en suis conscient. Mais j'y arriverai !
Peut-être, mais c'est une supposition toute conjecturale, que nos amis eussent été plus aïki, plutôt que d'exécuter les otages et l'archevêque, en entrant irimi dans le centre vital de l'ennemi : piquer la thune de la Banque de France.
Je vais relire Ueshiba. Et peut-être Clausewitz et les autres et on en reparle...
Salut à toi ami !