vendredi 27 octobre 2017

Inversion des normes

   Ordonnances El Khomri, Loi Valls, 49-3 macronien... Que d'informations, que de confusion. Autant dire que pour un non spécialiste, il n'est pas facile de s'y retrouver. Ces réformes créeront-elles de l'emploi ? Et qu'en est-il du bien être de tous les collaborateurs.

    Aujourd'hui La Plèbe se penche sur le concept d'inversion de la hiérarchie des normes. Les droits des salariés (ceux qui ne pourraient pas survivre sans quotidiennement se vendre aux détenteurs du capital) était jusqu'à présent, suite au compromis issu de toutes les luttes ouvrières du XXème siècle, cristallisé dans des normes générales, protégeant tous les prolétaires. Assez sclérosant, vous ne trouvez pas.

    Grâce aux réformes, c'est au sein de chaque entreprise que les collaborateurs décideront, démocratiquement, de leurs droits et devoirs. Puis, ils se rattraperont aux branches.

    Edouard-Sigismond Betta, l'un de nos grands reporters, a infiltré une start-up en tant que tâcheron de base, pour nous rapporter, concrètement ce que cela signifie, au fond. Pédagogie, professionnalisme. Il nous narre ici le cas de Joseph Pamphile*, qui eu la mauvais idée d'être membre du CHSCT avant sa suppression et son remplacement par le nouveau machin. D'où la menace de licenciement qui a pesé sur sa tête au lendemain de la restauration macroniste, il faut dire qu'il l'avait un peu cherché. Le referendum d'entreprise posant la question : "souhaitez-vous maintenir notre collaboration et donc accepter une rémunération au mérite et sous la forme que jugera bon de lui donner votre manager ?" ayant remporté un oui massif, et Joseph Pamphile n'ayant pas d'économies pour payer son loyer plus d'un mois ou deux, il a bien fallu qu'il donne la preuve de sa nouvelle loyauté à l'entreprise. On le trouve ici, au moment de solliciter sa rémunération mensuelle, mis au défi par son nouveau manager, Emmanuel Lebreton*.

    La Plèbe, Hâte, déjà va..., reportage.

* Les noms et prénoms ont été changés.


Dans la boîte, on le détestait et on le craignait. Le père Pamphile n'ignorait aucun de ces détails. Mais il en avait vu d'autres, plus terrible que ce Lebreton, qui s'étaient adoucis à sa parole. Il avait même observé que les plus féroces, en apparence, se montraient souvent, soit par orgueil, soit par boutade, les plus généreux. Au risque d’un refus injurieux - ce qui ne comptait déjà plus pour lui - il franchit la porte et se présenta dans le bureau.
   - Qu’est-ce qui m’a foutu un sale fainéant comme ça ? s’écria Lebreton… Eh bien ! vous avez du toupet de venir traîner vos sales pieds dans mon bureau !… Qu’est-ce que vous voulez ?
    Le pauvre employé s’humiliait. Effaçant ses épaules, presque suppliant :
   - Bon monsieur Lebreton, balbutia-t-il… je… Il fut aussitôt interrompu par un juron.
   - Pas de simagrées, hein ?… Qu’est-ce que vous voulez ?… C’est de l’argent que vous voulez, de l’argent, hein ! sale mendiant !… Attends, je vais t’en foutre, moi, de l’argent !
   Le misérable allait le pousser à la porte, quand, se ravisant, à l’idée de se divertir aux dépens du gestionnaire, il reprit d’un ton goguenard :
   - Écoute, mon vieux bon à rien… Je veux bien t’en donner, de l’argent… mais à une condition : c’est que tu viendras le prendre là où je le mettrai… Et je parie que tu n’y viendras pas !
   - Je parie que si ! fit le père Pamphile d’une voix ferme et grave.
   - Eh bien, mâtin !… nous allons voir ça !… D’abord, fais-moi le plaisir d’aller au fond du bureau ; mets-toi, à quatre pattes, comme un chien, ton sale museau en face de cette fenêtre… et attends.


   Tandis que le collaborateur obéissait tristement, Lebreton se dirigea vers la fenêtre, mettant toute la longueur de la salle entre sa victime et lui. Il retira de sa poche quelques billets qu’il déposa sur le plancher, fit tomber sa culotte, s’agenouilla, et troussant sa chemise, d’un geste ignoble :
   - Je parie que tu n’y viendras pas, grand lâche ! cria-t-il.
   Le père Pamphile avait pâli. Le cou tendu, le dos arqué, les yeux stupides, en arrêt sur cette offensante chair étalée, il hésitait. Pourtant, d’une voix redevenue tremblante, d’une voix où passait le gémissement d’un sanglot, il répondit :
   - Je parie que si.
   Alors, Lebreton ricana, prit une billet de vingt euros, le plia en huit, le roula comme une cigarette et l’inséra dans la fente de ses fesses rapprochées.
   - Eh bien ! viens y donc ! dit-il. Et tu sais, pas avec les mains… avec les dents, nom de Dieu ! Le père Pamphile s’ébranla, mais tout son corps frissonnait ; une faiblesse ployait ses jarrets, amollissait ses bras. Il avançait lentement, avec des balancements d’ours.
   - Allons, viens-tu ! grommela Lebreton, qui s’impatientait… Je m’enrhume.
   Deux fois, il tomba, et deux fois il se releva. Enfin, il se raidit dans un dernier effort, colla sa face contre le derrière de l’homme, et, fouillant, de son nez, les fesses qui se contractaient, il happa le billet d’un coup de dent.
   - Bougre de saligaud ! hurla Lebreton qui se retourna et vit le billet sur les lèvres du moine… Eh bien ! mâtin… il faut que tous y passent ! il faut que j’en claque, ou que tu en claques !… Allons, à ta place !
   Dix fois, le Père Pamphile subit ce hideux supplice. Ce fut le manager, qui, le premier, y mit un terme. Il se releva, la figure très rouge, grognant :
   - En voilà assez !… Mais il m’avalerait tout mon argent, ce salaud de moins que rien-là !
   Malgré la colère où il était d’avoir perdu dix beaux billets, il ne put maîtriser son admiration ; et il tapa sur le ventre du partenaire.
   - Tu es un rude saligaud, conclut-il… C’est égal, tu es un bougre tout de même… Nous allons trinquer.
   Le père Pamphile refusa d’un geste doux, salua et sortit.



   Dans un prochain article, La Plèbe éclairera pour vous les passionnantes notions de CHSCT et de tribunal des prudhommes, afin de vous voir compléter votre petit recueil de fiches techniques juridique "La Plèbe".

   Il n'y a pas de quoi, non, vraiment, vous nous faites rougir.

2 commentaires:

  1. La hiérarchie des normes, c'était qu'un accord inter professionnel s'imposait à minima à toute les entreprises. Maintenant, grosso modo, c'est fini, chaque entreprise pourra négocier comme elle veut, sans règles, en dessous de ce qui est convenu par les accords de branches inter professionnelles.
    Ton histoire de corps dépendants, d'humiliation me fait penser alors que ça n'a rien à voir avec ce que tu écris, quoique, aux Femen d'Ukraine ou d'ailleurs, se mettre nues. C'est la violence ultime. Et ça marche selon les circonstances. Il me revient en mémoire, j'attendais la visite d'un huissier de justice, il fit toc toc toc, j'ouvris, je m'étais mis nu comme un ver, il fit un bond en arrière de dégoût et d'épouvante; il n'est plus jamais revenu !
    Une forme de résistance pas si conne !

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  2. "chaque entreprise pourra négocier comme elle veut, sans règles", oui, par des referendum d'entreprises, par exemple, qui ne seront que le masque d'ignobles chantages à la survie et à la soumission.

    L'histoire est détournée de L'Abbé Jules, d'Octave Mirbeau.


    J'aurais bien aimé voir la tête de l'huissier quand il vous a vu dans la tenue d'Adam. Faudra que j'y pense, lors du prochain recensement par exemple, quand l'employée, forte de porter la parole des maîtres, bêlera "c'est obligatoire !". Est-ce que ça arrêtera l'entreprise qui forcera l'installation de compteur Linky chez moi ? Bon, pour les perquisitions de nuit les bourres en ont vu d'autres, mais je ne suis pas assez courageux et dynamique pour mériter un tel honneur. Il y a eu des manifs à poil aussi, assez déstabilisantes pour les forces du désordre, mais gare au coup de matraque, c'est sans protection...

    A bientôt.

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