Raymond Chandler.- La Grande fenêtre.
« Nulle carotide ne palpite là. Nulle vie ne se manifeste. Rien, rien du tout. Sa peau est glacée. »
Chandler Raymond.- La Grande fenêtre.
Hier matin, Amilcar est mort. C’était mon compagnon des mauvais jours* de 16 ans, la présence constante et comblante de mon sentiment d’étrangeté en ce monde. Né le 1er mai 1999, jour de la lutte des prolétaires internationalistes contre le travail, et c’était ma fierté. Trente ans après moi, dix ans avant mon fils. Personnalité bloquée sur l’enfance, il est resté longtemps ce fou virevoltant adepte des cabrioles et acrobaties les plus simiesques. Sa petite taille accentuait ce sentiment de jeunesse éternelle. C’était aussi comme ses semblables un petit moteur vivant massant, et diffusant les ondes aptent à m’apaiser dans cet effet de désert qu’aucun doudou ethanolique, benzodiazépinesque, téachesséé ou du même syle ne devait désormais venir anesthésier.
Amilcar veillant sur son dîner.
Puis il a vieilli d’un seul coup. Hier matin je l’ai trouvé au plus mal. Un couple de septuagénaires emmenant leur bichon pour un vaccin m’a fait profité de sa voiture. Pendant que Mimi agonisait dans de grandes souffrances sous mes caresses à l’arrière (de la voiture, dans cette situation j'ai préféré plutôt lui caresser la tête), ces gens là tapaient sur les grévistes du jour avec rires rageurs et impétueuses descriptions de leurs méfaits vus à la télé. J’eusse aimé à ce moment être doté d’un automatique pour abréger les souffrances de ces deux là en leur logeant une balle dans la nuque - car je ne conçois pas qu’on puisse à ce point trahir sa classe et se faire les valets zélés de tous caïds, despotes et flics contre des rebelles toujours vaincus qui plus est, qu’on ait atteint ce degré d’intoxication au poison médiatique sans une grande blessure intérieure, une profonde détresse** – et du petit être qui se tordait sous mes doigts. Amilcar est mort sur le trajet, avant notre arrivée chez l'euthanasieur. Il repose dans un charmant vieux jardin, non loin d’autres amis disparus.
Encore un stalinien me direz-vous, devenu libéral certes, mais n'est-ce pas la suite logique ? Planification, despotisme économique, dispositifs préventifs, flics, prisons et généraux. L'apparatchik se grime en chef d'entreprise, et vice versa, selon les aléas de sa carrière, voilà tout. C'est bien sûr le poème de Prévert qui résonne avec mon état du moment, même si l'interprétation ne me laisse, malgré tout et entre autre par nostalgie, pas indifférent non plus.
Ciao l’arsouille !
*Et des bons aussi, soyons honnête.
**Le chagrin me fait exagérer, je les remercie pour la course,et leur fais amende honorable dans le cas très improbable où ils arriveraient jusqu'à ce blog.
Condoléances, cher Wrob.
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