lundi 27 février 2017

Pics, encore.

"Oh ! la bonne chose que de vivre, disait−il ; on ne se doute pas du plaisir qu'il y a dans cet acte si simple : respirer ! Jamais les arbres ne m'ont semblé si verts, le ciel si bleu, les fleurs si parfumées ! C'est comme si j'étais né d'hier et que je visse la création pour la première fois."
Théophile Gautier, par ailleurs écrivain besogneux et poussif, et bourgeois effrayé pour qui les Communards étaient des « animaux féroces », des « hyènes » et des « gorilles », qui « se répandent par la ville épouvantée avec des hurlements sauvages », donc ennemi de La Plèbe, mais tel n'est pas le propos aujourd'hui.- Le Capitaine Fracasse.

 
Prisonnier du côté obscur

      Il y a un peu plus de dix-neuf ans, quand ils ont arrêté les piqûres chauffantes et que j'ai commencé à y revoir un peu plus clair et à pouvoir sortir dans le jardin de cette merveilleuse clinique des Alpes Maritimes, j'aurais pu dire ça (les propos extraits du Capitaine Fracasse ci-dessus). Et le dire et le redire maintes fois par la suite, au fil des années, qui coulent si vite. J'en ressentais les effets décrits, mon sang nourri d'une vie nouvelle à chaque inspiration. Même si le monde était toujours à feu et à sang, qu'on punissait encore le tort de vivre en bidonville et ceci quel que soit la saison, moi je sortais de l'enfer, et ça, c'était un début. A nous deux le monde !

      Enfin libre d'être soi-même !

      Aujourd'hui, et ces alertes pollution permanentes nous le confirmeraient si la réticence à s'emplir les poumons, sinon de l'omniprésente pestilence, du moins de l'absence de toute brise parfumée par le luxuriant vivant végétal, même de manière très légère, ne nous le prouvait pas déjà suffisamment, il n'y a même plus de plaisir dans cet acte si simple : respirer !

      Il y a un an j'évoquais les pics-verts, aujourd'hui d'autres pics, noirs et gris.

Désormais, côté obscur, côté lumineux, même délét'air

      "Ca m'indiffère, disait le fasciste Drieu à l'ami consolateur qui lui rappelait qu'il y aurait d'autres printemps, d'autres jolies filles, je ne bande plus". J'ai envie de dire, en laissant du côté de mon jardin secret la fonction organique à laquelle fait référence Drieu : "ça m'indiffère, je ne hume plus". Le pire c'est que j'ai l'impression que je suis le seul que ça dérange. Toujours autant de bagnoles, dans les propos de mes collègues et voisins, nulle allusion à l'asphyxie régnante, et les gros pollueurs meurent en général encore dans leur lit. Ce doit être ma névrose. Après tout, si j'ai gardé ce souvenir de l'extrait du Capitaine Fracasse si longtemps en tête, c'est bien que quelque part j'ai un complexe d'étouffement. Est-ce lié aux descriptions que faisait maman des affres des asthmatiques, docteur ? Ou bien si c'est ce professeur de judo énorme, et CRS, qui se plaisait, quand certains stages excentrés lui permettaient de lâcher la bride à son sadisme, à prendre la crevette que j'étais en randori au sol à seule fin de l'écraser de tout son poids et de lui bloquer toute voie respiratoire jusqu'à la limite de la perte de conscience (il savait certainement que mes parents avaient un job de pédés de planqués intellos de gauche de merde ; et moi, j'avais déjà les cheveux longs). Et je suis particulièrement angoissé quand j'entends parler des techniques de pliage ou de clé d'étranglement qu'utilisent les policiers pour tuer de jeunes (ou vieux) noirs ou arabes. Bref, quelles que soient les raisons de cette supposée phobie, je crois bien que je vais devoir faire un deuil, accepter qu'aujourd'hui le poète olfactif par excellence qu'était Baudelaire ne pourrait exister, si ce n'est à décrire non plus une charogne animale se décomposant au bord de la route, mais la fumée noire d'un cul de camionnette si puante que sur le trottoir "vous crûtes vous évanouir".

     Plaisirs, ne tentez plus un cœur sombre et boudeur !

     Le Printemps adorable a perdu son odeur !

     Charles Baudelaire.- Le Goût du néant.- In Les Fleurs du mal.

      Mais haut les cœurs ! il s'agit d'un anniversaire, il faut y croire, le vieux monde finira, d'ici là on va essayer d'aller un peu plus dans les reliquats de forêt trouver ce qui reste de goulées vertes. On va décroître ! Et combattre, comme des titans ! Je suis remonté là, chaud bouillant ! Prêt à faire un malheur, une rage, une pêche ! Retenez-moi, j'suis trop déter ! Tiens, si à cet instant on m'apportait une pétition, je vous jure que je crois bien que si vous ne me reteniez pas, je la signerais sans hésiter, tout de suite, paf ! sans même me soucier des conséquences !

4 commentaires:

  1. Joliment écris ami..bon anniversaire et pourquoi pas une ballade en nature à refaire le monde?

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  2. Merci, c'est sympa. Ce matin je suis allé à la gare à pied, en traversant ma petite forêt, ça fait du bien, il reste encore un peu d'oxygène et quelques arbres (même si j'ai trouvé que c'était clairsemé... ils sont quand même pas en train de nous concocter une zone pavillonnaire, un centre commercial ou un parc d'attraction... Tu es au courant de quelque chose ? Bon, stoppons là nos "fantasmes" phobiques). Ca fait un bien fou, avec en plus le soleil et le ciel bleu. J'espère que pour mes 20 ans l'an prochain je serai un peu plus positif...

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  3. bientôt les panneaux annonçant l'exploitation de la parcelle 3, juste pour régénération, pas d'inqiuétude..par contre pour l'ile de france 15 sites doivent être vendu! à qui? si la région a plus de pognon je ne pense que les autres collectivités en ai davantage et l'ONF encore moins!Donc probablement le privé.. Ils'agit de mettre en place le "plan vert", un truc du grand Paris dans le style gentrification pour les "espaces naturels".Désolé tes "fantasmes phobiques"sont légitimes..mais les luttes environnementales fédèrent énormément..pas à mon taf pour le moment, à suivre

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  4. Ok ! Merci pour les infos ! Zad partout !

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Y a un tour de parole !