lundi 9 novembre 2015

Ca m'en a bouché un coing !

Je suis plutôt musique que peinture. Non que je me désintéresse des arts plastiques, mais si je suis passionné de musique, je suis juste curieux d'Histoire des coups de pinceaux. Cela dit je progresse et mon intérêt grandit. Mais quand même, quand j'ai choisi de regarder Le Songe de la lumière (El sol del membrillo) de Victor Erice, sur le peintre Antonio López García, je me suis dit : "une heure et demie à regarder un mec peindre un cognassier, je risque de m'ennuyer un peu..."

Et bien non, j'ai passé un bon moment, ai parfois été bluffé, ai été effleuré par la brise de la nostalgie, ai ri, souri, fait des liens, et reconnu mes frères et soeurs en l'espagnol, l'espagnole, le polonais, l'artiste, l'ouvrier.
Oeuvre inachevée en milieu de film à cause d'un temps pourri

Déjà, en voyant ce tableau avant le film, je m'attendais à ce que le peintre oeuvre dans un superbe jardin foisonnant de fruits, de feuilles et de branches, sous un soleil automnal certes, mais néanmoins doucement irradiant. Que nenni, le jardin est minuscule et tout pelé, derrière un petit pavillon de l'agglomération madrilène, assourdi par le bruit des trains de banlieue passant non loin. Le pavillon est en chantier, des ouvriers polonais y travaillent. Il sert d'atelier à trois peintres, un couple approchant la soixantaine (dont Antonio Lopez, qui peindra le cognassier), et un plus jeune, qui dort sur place. Il y a aussi un bon toutou. C'est dans cet environnement plutôt triste, déprimant même, que les artistes, les ouvriers créent de la beauté.


La nostalgie est très présente, et vous connaissez ma sensiblerie de vieille femme très réceptive à cette émotion douce amère. Par l'automne, qui nous éloigne des beaux jours. Par les deux camarades des beaux arts qui, 40 ans après, évoquent avec tendresse et humour de potache leurs années d'école. Pour moi aussi, car si le film n'est pas si ancien, 1992, il commence à ne pas dater de la dernière pluie non plus, et même si je suis allergique à "ça c'est de l'info !" au point de ne pouvoir supporter le flash-éclair de France Musique, les nouvelles que diffusent le poste à transistor d'Antonio me renvoient au temps de mes 20 et quelques années, la guerre d'Irak, la réunification de l'Allemagne... C'est aussi un film sur le temps, qui passe (la peinture et le dessin ultérieur dureront de fin octobre à décembre), son cyclisme, la vieillesse, la mort, dont les coings offrent une belle métaphore.


J'ai appris pas mal de chose sur la peinture dans ce film, par exemple :

- que le peintre utilise un fil à plomb, comme le maçon ;
- que le peintre utilise des cale-pieds, comme le sprinter ;
- et plein d'autres trucs techniques, comme comment fabriquer un cadre, une toile...


Et puis il y a cette scène, ma préférée peut-être, où les deux copains contemplent l'incroyable tableau dont je vous ai déjà parlé ici, après avoir pu le voir à Rome, grâce au service d'action sociale qui m'a donné l'occasion de découvrir cette ville mythique, merci à lui ; où les deux copains contemplent donc le Jugement dernier de Michel-Ange, en faisant leurs commentaires. Passionnant car en lien avec un tableau sur lequel je me suis déjà penché, et drôle, plein d'humour : Michel-Ange a peint ce tableau alors qu'il avait entre 64 et 68 ans... ; il se représente dans la dépouille de Saint Barthélemy ; il avait une idée terrible de la vie ; le Jésus (glabre) menace les damnés mais aussi les justes, terrifiés par ce dieu, moins lumineux que les dieux et déesses des Grecs, même si bien baraqué.

La peau qui pendouille est un auto-portrait de Michel-Ange, pas déprimé le type

Malheureusement je n'ai pas retrouvé la scène sur ioutioube, et je n'ai pas trouvé non plus de version sous-titrée des quelques extraits ci-dessus.

C'était mon actu ciné. La dernière.

Ah ! et sur un thème connexe, et comme j'ai été méchant avec les journalistes dans l'article précédent, je voulais vous dire qu'il y en a des bien, malheureusement pour les courses, heureusement pour la passion, souvent bénévoles, et vous encourager à vous procurer le dernier numéro (137) de CQFD, avec de vrais morceaux d'un dossier de 12 pages sur l'Espagne dedans ! Enjoy companeros !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Y a un tour de parole !