vendredi 18 décembre 2015

Il faut imaginer Sisyphe heureux

Ce serait une grave erreur de croire qu’un mouvement instinctif qui sert à la conservation d’une espèce doive nécessairement être causé par la raison matérielle à laquelle il correspond pourtant de toute évidence.
Konrad Lorenz.- L’Agression.


[…] si on les nourrit uniquement de graines jetées sur le rivage [les oies sauvages, qui trouvent normalement leur nourriture dans le fond des étangs, ce qui les arrange d’autant mieux qu’elles adorent filtrer la vase], on observera qu’ensuite elles filtreront la vase « à vide ». [Et, même rassasiées, il suffit de jeter des graines dans l’eau pour qu’aussitôt elles] recommencent à promptement filtrer, et même à manger ce qu’elles récoltent, prouvant ainsi qu’elles ne mangent alors que pour le seul plaisir de filtrer.

[…]

L’impulsion qui la pousse à vivre en troupe peut même dominer son instinct de fuite ; ainsi, à plusieurs reprises ai-je vu se poser des oies cendrées sauvages au milieu d’apprivoisées, dans le voisinage immédiat d’habitations humaines – et elles sont restées ! Lorsqu’on connaît l’humeur farouche des oies sauvages, on peut mesurer là la puissance de leur « instinct grégaire ».
Konrad Lorenz.- L’Agression.



D'autres bêtes, des plus grandes aux plus petites, lorsqu'on les prend, résistent si fort des ongles, des cornes, du bec et du pied qu'elles démontrent assez quel prix elles accordent à ce qu'elles perdent. Une fois prises, elles nous donnent tant de signes flagrants de la connaissance de leur malheur qu'il est beau de les voir alors languir plutôt que vivre, et gémir sur leur bonheur perdu plutôt que de se plaire en servitude.
Etienne de la Boétie.- Discours de la servitude volontaire.


C’est la vie des ours, avec sa sublime absurdité, survivre à l’hiver, se remettre de l’hiver, se préparer à l’hiver. Et chaque année recommencer. Mais qu’y a-t-il de plus beau que ces combats qu’ils livrent sans cesse, que leur acharnement obstiné, opiniâtre, cette urgence, cette force, cette ardeur qu’ils mettent à vivre ?
Guillaume Vincent.

Après ce partage de ma dernière actu ciné, je vous souhaite un bon hiver, que nivôse vous soit doux comme un tapis de neige (j'ai écrit ça avant les 17° actuels). Pour ma part j'ai prévu d'hiberner voluptueusement, avec bouquins et musiques, ras-le-bol des deux heures quotidiennes de vélo / train / tramway / marche / métro / bus... et de mes huit heures de chagrin (aussi bien je perruque un max). On va essayer de retaper la bête pour les combats à venir. Même si, contrairement à l'ours et au loup nous avons aujourd'hui pour notre confort, les bruits de bottes ET le silence des pantoufles.

Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
"Qu’est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? Rien ? - Peu de chose.
- Mais encore ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu’importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encore.

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