jeudi 29 décembre 2016

Bons dessins, décès de merde


     C'était mon préféré des dessinateurs de Siné mensuel. Sa pleine page de crobards était pour moi un pur délice chaque premier mercredi. J'étais très réceptif à son humour, peut-être mon côté Suisse (oui, j'ai la double nationalité, mon sang est un quart suisse, un quart morvandiau, et une bonne moitié bâtardo-parisienne). J'ai évidemment beaucoup de sympathie pour Carali, ou Berth. Mais c'était vraiment à la lecture de Mix et Remix qu'un sourire intérieur me lavait un peu de toute cette délétère atmosphère au sein de laquelle nous survivons.


     Après Siné, la légende, Puig Rosado, le poète et Chimulus, le discret mais attachant fils de , Mix et Remix, l'humoriste tout en rondeurs.



     Vous avez des nouvelles de Jiho et de Lindingre ?...

dimanche 25 décembre 2016

Sacqueboute IV

     Mon premier disque de jazz, quand j'étais minot, avec un autre de Stan Getz, était avec Bob Brookmeyer. C'étaient en fait deux cassettes, offertes par ma mère je crois. Ce quartet sans piano (nul besoin ici !) avec Gerry Mulligan au saxophone baryton et le tromboniste Bob Brookmeyer à l'instrument objet de cette chronique, jouait live dans une sorte de compil' de l'album, ou de pirate du concert à la salle Pleyel à Paris en 1954. L'un des titres de la cassette était le standard Bernie's tune, de Bernie Miller, que j'ai redécouvert il y a peu par d'autres musiciens, sans faire le lien, jusqu'au déclic qui m'a replongé dans le temps perdu. Ce jazz plus moderne que celui qu'écoutait mon père qui s'était arrêté au swing des 30's - 40's, m'avait paru à l'époque beaucoup plus agréable que l'autre, par le côté cool, "west coast" du son, plus feutré, mais néanmoins méchamment swingant. Un duo trombone / sax baryton est assez inhabituel, ce qui, en plus de l'excellence de la musique, fait de ce disque une pièce d'anthologie. Si j'avais dès l'enfance retenu le nom et les traits caractéristiques de Gerry Mulligan et de son gros engin, c'est depuis très peu de temps, depuis que je m'intéresse au trombone, que j'ai identifié celui de Bob Brookmeyer et les quelques informations s'y rapportant. 

Ici on est bien des années après, en 1981, mais on retrouve les deux engins et leurs souffleurs, sur Bernie's tune.
     Pour la petite histoire, Bob Brookmeyer était le professeur de la magnifique et génialissime Maria Schneider, compositrice et arrangeuse, une très, très très grande artiste, surdouée, qui, pour couronner ce panégyrique, a décidé de se retirer du circuit commercial et a créé ou rejoint le collectif ArtistShare, qui permet de participer à des souscriptions pour un album, et de recevoir celui-ci une fois réalisé.      

     RAJOUT DU 12/01/2017

     Je viens de réaliser qu'ici aussi (voir Sacqueboute V) le trombone est à pistons. C'est de la triche !


Joueurs de sacque-boute précédents :
- Daniel Zimmerman
- Frank Rosolino
- Rico Rodriguez
- Kid Ory

mercredi 21 décembre 2016

La dose de Wrobly, frimaire 2016 ère commune


     Wroblewski va mieux, il a moins lu en frimaire. Peut-être que finalement un jour il parviendra à lire normalement, avec modération.




     - Joël de Rosnay.- Je cherche à comprendre.

     Bon, ça c'est un livre qu'on m'a prêté. Un pote de la bourgeoisie libérale de droite, mais sympa, pas agressif, pas prosélyte, plutôt ouvert. Et puis, comme malgré ses 61 ans et sa corpulence je n'hésite pas à l'envoyer s'écraser aux quatre coins du tatami et qu'il revient toujours m'attaquer avec de bonnes dispositions et le sourire, à ma sympathie à son égard se mêle une certaine admiration.

     L'auteur du bouquin (de Rosnay), est un technophile ravi de la tablette, limite VRP de la colonisation totale de nos vies par le numérique, en plus des ses propres bouquins, même s'il s'oppose vaillamment aux abus des méchants transhumanistes qui sont un peu excessifs, ah ! et aussi aux GAFA et aux NATU, qui font rien qu'à tout monopoliser. Cela dit, c'est un scientifique et certains passages de son livre sont intéressants, qu'il décrive "l'unité de la nature" (même s'il en profite après pour naturaliser l'épatante interconnexion technologique généralisée), ou qu'il nous parle d'une certaine spiritualité athée, en citant des philosophes ou des forts en maths qui peuvent nous être sympathiques. Extrait :

     "Voici l'histoire d'une extraordinaire amibe sociale dont le nom est un poème à lui seul : Dictyostelium discoideum. Cette amibe vit dans les forêts, sur des tapis de feuilles mortes, et se nourrit de bactéries ou de levures. C'est un être vivant unicellulaire microscopique très particulier étudié dans de nombreux laboratoires à travers le monde en raison de sa faculté à passer du stade individuel à un stade social, et ce de manière réversible. En d'autres termes, il peut se transformer en élément constitutif d'un organisme vivant composé de plusieurs dizaines de milliers d'autres amibes sans perdre sa capacité à revenir à son état individuel.

      Si l'amibe est placée dans un milieu carencé en eau et en bactéries, elle émet un code de détresse sous la forme d'une molécule bien connue des biologistes, l'AMP cyclique. Attirées par cette molécule (car disposant de récepteurs capable de lire et de décoder ce code chimique), les autres amibes forment une sorte de procession, se dirigeant vers un point central qui grossit progressivement en se transformant en un organisme sociétal. A l’œil nu, une sorte de petite limace longue d'un à deux millimètres est visible. Le plus étonnant dans ce phénomène de morphogenèse est que les processions d'amibes forment des cercles ou des spirales ressemblant aux bras des galaxies de l'univers. [...]


      La vie de Dictyostelium discoideum ne s'arrête pas là. On voit pousser à la surface de cette petite limace une tige formant une boule au sommet et contenant des spores capables de survivre pendant des mois dans les conditions extrêmes qui ont conduit les amibes à se rassembler. Dès que les conditions redeviennent normales, la boule s'ouvre, libérant les spores, qui redeviennent des amibes individuelles et indépendantes."


     - Marcel Aymé.- Le Chemin des écoliers.

     Je poursuis mon intégrale Marcel Aymé. Comme vous avez pu le constater si vous suivez, j'en suis à sa période d'après seconde guerre mondiale, plus amère que les précédentes. Après 36 et le Front populaire, nous voici sous l'Occupation. On y retrouve le farcesque personnage fasciste de Malinier, déjà croisé dans Travelingue, et qui poursuit sa croisade anti-juifs, communistes, francs-maçons, poètes et peintres cubistes. On sent venir la Traversée de Paris, et on a tellement un bon souvenir du film d'Autant-Lara, qu'on a hâte. Je crois que c'est le recueil de nouvelles qui arrive, Le Vin de Paris. Ensuite, il y aura Uranus, etc.


vendredi 16 décembre 2016

Une oeuvre controversée


   Pier Paolo Pasolini est très fort. Avec des moyens somme toute réduits, des effets spéciaux pour le moins spécieux, et sans HD ni même 3D (!), je crois qu'il nous a livré ici le seul film qui a failli réellement me faire dégueuler dans la salle, ou alors je n'étais pas dans mon assiette ordinaire. Évidemment il n'est pas question ici de vertueuse indignation ou de vertu outragée, non, juste un phénomène physiologique qui s'est spontanément déclenché quand les protagonistes se sont mis à manger du caca.

   Pour la petite histoire le réalisateur se fit assassiner peu de temps après la sortie du film.

   Un document au charme désuet, mais à découvrir absolument.

    Promis, pendant ces quelques jours de trêve des confiseurs, W. mettra en ligne des choses plus positives, constructives, moins clivantes que la coprophagie. Nous tenterons d'être dans la réconciliation, de rassembler plutôt que diviser.

   Ma dernière actu ciné.


La Plèbe écoute tout le temps :
Jeudi 15 décembre (c'était hier, mais il vous reste le téléchargement !) : Jazzlib' (jazz). Thème de la bi-mensualité : nouveautés rééditions suite.
When, where, how ?
Jazzlib' sur radio libertaire 89,4 FM en RP. Tous les 1er et 3e jeudis de 20:30 à 22:00.
Podcast ou téléchargement MP3, pendant un mois, sur la grille des programmes.
Cliquer sur le lien correspondant à la bonne date (Jazzlib'/Entre chiens et loups). Attention de bien vérifier que vous êtes sur le 1er ou/et 3e jeudi, vous avez, en haut à gauche, les semaines disponibles.

mercredi 14 décembre 2016

Rayonnement de la langue française


     Bon, Wroblewski a beau jouer les fiers-à-bras, il ne s'en est pas moins soumis au salariat il y a beau temps, et ne s'en est jamais échappé depuis. Et à l'heure où la sainte période de réconciliation et d'agapes nationales, chrétiennes, commerciales et viandardes approche, où expulsions de roms, migrants et autres pauvres ou activistes en leurs bidonvilles ou squatts sont déjà là, comme les bons sentiments et les particules fines, à cette heure bénite, donc, au chagrin, c'est les cadences infernales. Il faut payer Engie et Bouygues, Carrefour, Veolia et Microsoft avant la fin de l'année (avec l'argent dit public, bien entendu), alors "on" met la pression. Certes, il pourrait se dire que, de temps en temps, il fait aussi des virements pour des étudiants fauchés, le Wrobly, c'est social. Mais n'est-ce pas de la bonne conscience à bon marché ? Est-ce suffisant pour ne pas se sentir limite atteint de pharisaïsme de juger méprisables ces ravis du vitrifiage du monde qui veulent des empois à Europacity, à l'aéroport de NDDL, au Center Parc de Roybon, voir dans la maison poulaga, la publicité, l'armement, le nucléaire, la totomobile, le journalisme, les banques, les quartiers d'affaire, l'économie numérique, l'économie tout court... (ad libitum ou nauseam, au choix), des empois, quoi, même si la plupart de ceux qui ouvrent leur gueule pour ces empois, en ont déjà un, et qu'on ne les retrouve que rarement à nettoyer la merde des touristes, à temps partiel discontinu. Et puis, avoir pour dieux Durrutti, Makhno, Jacob, les communards les plus risque-tout, Bakounine..., et se voir obligé de fanfaronner devant un petit chef en sachant pertinemment que chaque matin on continuera de courber l'échine au moment de la sonnerie du réveil, parce que, il fait quand même froid dehors, ils doivent sacrément cailler, les insoumis, les zadistes et les damnés... A la personne qui en d'autres temps et d'autres contrées eut frôlé la jambisation, qui lui demandait d'accélérer la cadence, Wrob a juste répondu que c'était impossible, qu'il était à bloc, et qu'elle n'avait plus comme solution que d'aller demander à la présidence de mettre en branle une procédure de licenciement à son égard. Il joue les bravaches, le petit employé, pourtant il boit le calice jusqu'à la lie. Il a trop dû prendre la révolution pour un roman populaire. Alors qu'elle n'est pas un dîner de gala, comme disait un célèbre contre-révolutionnaire (et comme me le confirmait hier encore un ami révolutionnaire syrien), adepte concurrencé de la conservation de l'ancien régime d'oppression : domination, exploitation, aliénation, et, petite touche post-moderne, destruction irréversible de la planète et de la vie qui y grouillait.


     Pourtant, il est des raisons de se réjouir malgré tout, et de communier un peu avec la joie de galerie marchande et de diesel qui va illuminer une fois de plus notre solstice d'hiver et nos coeurs d'enfants emerveillés, et voici pourquoi.


Le saviez-vous ? 

     Malgré qu'il fasse partie de la famille des travailleurs, et donc qu'il soit limite taxable d'intelligence avec l'ennemi de classe, Wroblewski a grêvé quelquefois, grevé aussi, perruqué et pratiqué plus souvent qu'à son tour le "go canny" (à son niveau, bien sûr, de catégorie C). Eh ! bien cette expression, le "go canny", le pote Pouget l'a détrônée de son usage anglo-saxon, pour la remplacer par son équivalent bien de chez nous, employé depuis outre-Manche et Atlantique, au grand dam des rebelles au travail amoureux de la langue de Shakespeare de là-bas. Cocorico !* Inversement, les partisans du Capital, de la bourgeoisie et du travail bien fait du pays de Jean-François Copé se désolent que ce vocable de souche gauloise désignant une action de terrorisme cosmopolite se soit répandu aux pays de Wall Street et de la City.    

     Si le père Peinard savait qu'il a contribué au rayonnement de la langue française et à sa résistance face au suprématisme globish !!! Ne parlons plus de la langue de Voltaire, cet acariâtre à la Philippe Val (la comparaison s'arrête à l'acâriatreté, évidemment, il n'est pas question de talent d'écriture ou de pensée, arrêtez de me faire rire vous allez rouvrir ma fissure) pour désigner notre belle langue de Rabelais, mais évoquons désormais la langue de Pouget !

     J'ai dit !

     

* Il s'agit bien sûr d'une plaisanterie. A la Plèbe, et l'ensemble du comité de rédaction ne me contredira pas sur ce point, nous avons toujours répandu consciencieusement notre lisier le plus acide sur toute forme de patriotisme, nationalisme, chauvinisme et autre xénophobie.

lundi 12 décembre 2016

Appel

                                                            Ô toi, père paterne
                                                            Qui muas l'eau en vin,
                                                            Fais de mon cul lanterne
                                                            Pour luire à mon voisin.

                                                                                Rabelais.

Ce médicament n'est pas remboursé (authentique) !!!



     Faut-il y voir le lobbying de la manif pour tous ? Ou bien si c'était désormais un luxe que d'en avoir plein le cul ?

     Camarades, contrairement à la fissure de ma muqueuse anale, qui semble moins inquiétante que j'avais pu l'escompter, la fissure sociale, elle, s'agrandit de jour en jour. Alors debout ! compagnons, debout ! car demain comme hier, nous allons nous en prendre plein le fi(ll)on, ou le val(l)s(eur) si vous préférez. C'est alors que non contents de ne plus pouvoir nous asseoir, nous serons condamnés à vivre couchés (remarquez, ça peut aussi avoir son charme).

vendredi 9 décembre 2016

Sacqueboute III


      Grand écart : après l'ancêtre (Kid Ory), le tromboniste qui monte en ce moment.

      Daniel Zimmerman est-il de la famille de Bob Dylan ? Ah ! non, il y a un(e) "n" en plus à son nom.

     Toujours est-il qu'il a déjà joué avec beaucoup de (beau) monde : Wynton Marsalis, Jacques Vidal, Archie Shepp, Michel Legrand, Nguyên Lê... Aussi, malgré sa jeunesse relative (à moi), c'est loin d'être un perdreau de l'année !


Joueurs de sacque-boute précédents :
- Frank Rosolino
- Rico Rodriguez
- Kid Ory

mercredi 7 décembre 2016

Inimitié espagnole

C’est le chien enragé que tout passant a le devoir d’abattre, de peur qu’il ne morde les hommes et n’infecte les troupeaux.
Laurent Tailhade, 1902

Juan Bimba, un ancien dynamitero de la guerre d'Espagne, expulsé du Mexique où il avait été jugé peu conformiste par ses compatriotes staliniens. 

      Bimba n'en revenait pas.
      - J'ai été dynamitero pendant la guerre d'Espagne et au siège de Madrid, dit-il. On montait à l'abordage des tanks fascistes et on balançait une grenade par la meurtrière pour bousiller l'équipage ; on se baladait sous le feu des autres avec des paquets de dynamite accrochés tout autour de la ceinture, et une cigarette au bec pour allumer la mèche au moment de les lancer. Les bouteilles d'essence, je n'en parle pas, ce n'est pas tellement dangereux. Vers la fin, on remplissait des flacons de cognac avec cette soupe de mort que nous traînons aux fesses cette nuit et, quand on les envoyait à la volée, il y avait des petits morceaux de tank qui retombaient tout autour de nous. [...]
     Le curé s'approcha [...] :
     - Vous n'avez pas le droit de faire ça. Il y a sept cents habitants dans ce hameau. [...]
     - Merde, mais il va nous porter la cerise ce con-là, s'écria Bimba. On n'est pas encore sautés, non ? Et même il n'y a rien de sûr à ce que ça arrive. Allez, faites pas chier les personnes, mon Révérend, on passe.
     - Mais vous n'avez pas le droit... On vous a aménagé une dérivation... Je me plaindrai à la Compagnie !
     - Ca, vous savez ! Si on saute, il n'y aura plus personne ni pour se plaindre ni pour recevoir l'engueulade, et si tout se passe bien, votre plainte, vous pourrez vous la mettre où vous voudrez, ils n'en feront pas grand cas.
   Luigi était Italien. Ce conflit avec un prêtre le mettait mal à son aise. Il intervint :
     - Et dans quel état est-elle, la dérivation ?
     Parfaite, monsieur, parfaite, assura le curé. Ils sont passés hier avec le bulldozer ; elle est meilleure que la rue principale, bien meilleure.
     - Allons-y toujours voir. [...]
     Le curé insistait. Le maire avait disparu depuis qu'il avait été question de la dérivation. Sans doute faisait-il confiance à l'éloquence de l'autre. Un prêtre est un professionnel, après tout.
     Il avait une bonne figure, ce vieux en soutane. Des yeux, surtout, tendres et tristes. Et ce qu'il disait...
     - Je suis un vieil homme, moi. Je n'ai pas peur. Mais ces pauvres gens, leurs maisons, leurs enfants... Je suis resté debout toute la nuit à prier pour qu'il ne leur arrive rien. Epargnez-les. Vous, vous êtes des hommes, vous saviez ce que vous faisiez en vous lançant là-dedans. Eux, ils n'y sont pour rien... Passez par ici. Moi, je vais me remettre à prier ; pour vous, cette fois.

Je recommanderai au Seigneur de garder auprès de Lui en Son Paradis le premier qui me dit à qui appartient ce dos.

     - Passe la main, dit Bimba. Moi, des curés, j'en ai trop brûlé pendant la guerre. J'ai plus confiance.
     - Porca Madonna, te tairas-tu, farabutto ! gronda Luigi le Pieux. D'accord, Padre, nous passerons par ici.
     - Merci, mon fils, merci pour mes brebis, reprit le vieil homme. Dieu te le revaudra. Je vais vous bénir pendant que vous partirez ; et prier pour vous tout le temps. Vous verrez : même si vous n'y croyez pas, ça vous portera chance. [...]


     Luigi est en tête. [...] Le pied à fond sur l'embreillage, il se penche, la tête hors de la cabine :
     Adios, Padre. Et bénissez-nous bien, que nous en avons besoin.
     Le prêtre recule d'un ou deux pas ; soudain il paraît très grand. Il lève les deux bras sous le ciel. La lumière des guirlandes lui fait une sorte de chasuble pourpre.
     - Benedicat vos omnipotens Deus...
     Il abaisse la main droite en un signe de croix démesuré.
     - Pater et Filius...
     Ils ont beau faire, ils écoutent. Ils sont même émus ; sauf Bimba qui, à mi-voix, jure tout ce qu'il sait de plus outrageant sur le compte de Dieu.
     - et Spiritus Sanctus.
     - Amen, répond Luigi en embrayant. [...]


     Mais, qu'est-ce qui se passe donc ? On dirait que le camion de Luigi revient. [...] Avant même l'arrêt, Bimba saute à terre. Il est blême de fureur.
     - Où est ce curé ? Où est cette saloperie de curé, bordel de Dieu de merde ?
     - Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qu'il t'a fait ?
     - Regarde !
     Sous le nez de Gérard il brandit l'écriteau qu'il a arraché aux mains de l'Italien :
     - Attention ! Vitesse extrêmement réduite ! Sol en mauvais état. Danger. Attention ! Attention !
     - Voilà ce qu'il m'a fait cette salope. Il s'est douté que si nous lisions ça, nous passerions par sa paroisse de merde, et il a eu peur pour sa précieuse petite vie, pour sa maison et pour tous ces scrofuleux qui sont son gagne-pain ! Où est-il, ce fumier, que j'en tue encore un avant de crever...


     Des hommes du village se sont approchés. [...]
     - Vous avez quand même enlevé l'écriteau, hein !
     - Non ! Pas nous.[...] C'est le Padre qui a tout fait. [...]
     - Oui, le Padre l'a enlevé. Il a dit que si vous le lisiez vous traverseriez le village...
     - Nous, on voulait s'en aller dormir tous ailleurs, cette nuit, dit un autre. Mais le Padre nous l'a défendu : son église et sa maison sont juste au bord de la grand-rue. Il ne voulait pas risquer de tout perdre.
      - Et si un de nous vous disait quelque chose, il a menacé de prier pour qu'il perde son bétail et que ses enfants meurent.
     "- Laissez-moi faire. Je me charge de tout, je les convaincrai, je les avertirai aussi des dangers de la nouvelle piste." [...]
     - Et où est-il maintenant ? [...]
     Ils se taisent tous, l'air buté. [...]
     Mais ils ne l'entendent pas de cette oreille ; surtout l'Espagnol.
     - Venez, vous autres ! lance-t-il à ses copains. On le trouvera bien...
     - Je reste au camion, répond Luigi. On ne peut pas les laisser seuls comme ça...
     Les autres emboîtent le pas à Bimba.


     Ils n'ont pas eu à chercher bien loin. Tout naturellement le prêtre s'était réfugié dans son église. C'est là qu'ils l'ont débusqué, blotti dans l'ombre d'un pilier.
     - Sors de là, lui a dit Gérard.
     Mais l'Espagnol s'est interposé :
     - Non. Ici. Dans sa tanière. Dans son coupe-gorge. Dans la maison de son maître. T'en fais pas, salope ! Peut-être qu'il descendra de sa croix pour prendre ta défense, l'autre fumier.
     Le prêtre était plus mort que vif. Mais il ne fit pas un geste pour se protéger, ne dit mot. D'un coup de pied dans la poitrine, Bimba l'écroula à la renverse. Puis il se jeta sur lui, le retourna face contre terre et, le saisissant aux oreilles, se mit à lui frotter le visage contre le sol de ciment. De toutes ses forces. Longtemps.
     - Arrête, dit le Roumain. Tu seras bien avancé quand tu l'auras tué. Tu ne profiteras même pas de ta prime.
     Mais Bimba ne lâcha prise que bien plus tard. Le vieux qui, au début, avait crié, ne respirait plus qu'à peine.
     Avant de quitter l'église, l'Espagnol arracha le crucifix du maître-autel et s'en servit comme d'une masse pour défoncer la porte du tabernacle. Il dispersa les hosties à la volée entre les travées de prie-Dieu et cracha dans le ciboire.
     Je voudrais avoir envie de chier, grogna-t-il.
     Quand Luigi, qu'ils retrouvèrent aux camions, apprit tout cela, il soupira.
     - Ca ne nous portera pas chance, murmura-t-il. 

lundi 5 décembre 2016

Etat d'urgence

« L’agitation est dans nos rues. Dans nos universités les étudiants s’ameutent. Les communistes veulent détruire notre pays. La Russie nous menace. La République est en danger, de l’intérieur et de l’extérieur. Il nous faut la Loi et l’Ordre pour survivre. »
Adolf Hitler




Ma dernière actu ciné.

vendredi 2 décembre 2016

Houles lumineuses

- Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, - seul et couché sur des pièces de toile
Écrue, et pressentant violemment la voile !

Arthur Rimbaud

Le père Fred saute les générations, et fait encore rêver les poètes de sept ans,


comme il a fait rêver leurs aînés, échoués sur le troisième "A" de la Quarantaine.

Rêve bien mon chéri, demain il y a de l'école, et après la poésie,


les sciences du vivant !

Ciao Marcel !


La Plèbe écoute tout le temps :
Lundi soir 5 décembre : Dans l'herbe tendre (chanson française). Thème du mois : les flics.