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vendredi 19 novembre 2021

La dose de Wrobly : brumaire 2021 EC


   Bon, Wroblewski a pu lire un peu plus ce mois-ci. La cause en est qu'il s'est fait voler son sac à dos à Ménilmuche pendant qu'il soufflait dans son trombone lors d'un petit concert à un mini salon de la presse alternative devant une librairie. Dedans il y avait la masse sur l'art japonais qu'il déchiffre péniblement depuis des mois. Il l'avait presque terminé, il en était aux annexes, plus précisément à la liste des musées des quatre grandes îles et peut-être des plus petites. Mais le renard, qui devait en avoir besoin, être à des sortes d'abois, ayant profité de l'attroupement joyeux autour des souffleurs et des frappeurs, a fait disparaître ce volume qui a pris pas mal de temps et d'efforts de concentration à Wrobly, certes, mais qui lui a aussi procuré curiosité et instruction. Le voleur a un peu accéléré les chose. Heureusement c'était l'automne et ses températures plus basses, toutes les laisses portatives du monde moderne, papiers, cartes et passes, fric, clés, étaient dans les poches du blouson du musico du dimanche, et pas dans son sac, comme en été qu'il se balade en tee shirt. Mais il y perdit un K-Way, le bouquin en question, un agenda, et, un peu plus chiant, ses lunettes. Depuis il fait avec des anciennes, et a pris rendes-vous chez l'ophtalmo pour début déccembre. Ca ne l'a pas empêché de bouffer du papier imprimé relié.

- Nanni Balestrini.- Black out.
"le pouvoir d'un côté et les jeunes de l'autre

ce trouble-fête de 1968 n'en finira jamais

tout le monde a essayé de récupérer les jeunes
[...]
tout ce qui en 1968 était encore latent ou indéterminé s'est maintenant radicalisé

sa cohérence révolutionnaire dont on voudrait se débarasser pour rêver en paix
[...]
Fiat craint leur haine pour l'usine
[...]
ce sont surtout les contremaîtres qui sentent sur leur peau leur mépris
[...]
ces jeunes arrivent d'une autre planète a-t-il commenté

pour travailler ils travaillent mais dès que la sirène sonne ils détalent comme des lièvres s'ils peuvent ils se mettent en maladie
ils garaient des camions de location devant le magasin et chargeaient calmement des divans-lits des armoires des frigos des téléviseurs
[...]
qui veut des téléviseurs a crié quelqu'un en découvrant un stock à la lumière faiblarde des bougies ici en haut il y a des guitares et des saxos annonce un autre
[...]
une femme m'a téléphoné pour me dire ils passent dans Bushwick avenue on dirait des buffles

une jeune femme qui s'était présentée sous le nom d'Afreeka Omfrees a dit vraiment c'est quelque chose de merveilleux tout le monde est rassemblé dans les rues il y a une atmosphère de party

une femme de cinquante ans son panier à provision au bras entre dans le magasin en disant aujourd'hui on fait son marché gratis
[...]
un jeune homme deux saxos sous le bras m'a arrêté et m'a dit il y a cinq ans à Brooklyn j'ai été obligé de mettre en gage mon sax et maintenant je vais me remettre à jouer encore"

- Choderlos de Laclos.- Critique littéraire.
   Ah ! les Lumières ! Dommage que ça se soit fini en eau de boudin, c'était quand même un très bon esprit !
   "Les amis de la liberté et de l'égalité apprendront ici avec plaisir que La Pérouse avait, dès 1786, les idées libérales qui n'ont été proclamées ouvertement en France qu'en 1789. Le passage suivant en fournit une preuve frappante : "Quoique les Français, dit-il, fussent les premiers qui, dans ces derniers temps, eussent abordé sur l'île de Mowée, je ne crus pas devoir en prendre possession au nom du roi. Les usages des Européens sont à cet égard complètement ridicules. Les philosophes doivent gémir sans doute, de voir que des hommes, par cela seul qu'ils ont des canons et des baïonnettes, comptent pour rien 60 000 de leurs semblables ; que, sans respect pour leurs droits les plus sacrés, ils regardent comme un objet de conquête une terre que ses habitants ont arrosée de leur sueur et qui, depuis des siècles, sert de tombeau à leurs ancêtres. Ces peuples ont heureusement été connus à une époque où la religion ne servait plus de prétexte à la violence et à la cupidité.""

   Si ils savaient !...

- Sébastien Navarro.- Péage sud.
   Une des plus insolites révolutions sémantiques du XXIème siècle débutant : le jaune, de mouchard patronal, de traître à sa classe, est passé émeutier déter', insurgé rentre-dedans, plèbe à bout bouillant spontanément !

   "- Je travaille de 6 heures du matin à minuit pour un salaire de 1000 balles. J'ai le dos cassé. J'en peux plus. Le matin, je dois être au poste à 5h55. Dès que ça sonne, je dois m'activer. Pas de temps mort. Des heures à transporter des palettes. S'il manque un ou deux mecs, le patron s'en bat les couilles. C'est à moi de boucher les trous. Pour le même salaire évidemment. Je cours partout. Pour le patron c'est tout bénéf. D'ailleurs il a rejoint les foulards rouges*. Mais moi c'est décidé, je le plaque. J'arrête. Je me fous au chômage.

   Au rond point, il n'y a que trois clampins. Dont JP, le gendarme retraité. Je lui parle du texto reçu. Paraît que ça se corse. JP nous affranchit : il y a une AG sur le parking du Lidl. On peut dire que les gilets ont le chic pour trouver les endroits les plus sexy où se réunir : après les ronds-points gazolés, les parkings de supermarché low-cost."

* Ephémère mouvement pro-Macaron.
- Marcel Aymé.- Confidences et propos littéraires.
   "Au fond de notre coeur, nous nous refusons instinctivement à admettre que l'un de nous puisse être jugé par ses semblables revêtus de toges et de peaux de lapin.
   Nous ne croyons ni à leur infaillibilité, ni au pouvoir dont ils sont investis par la société de faire jaillir une vérité même incertaine et tremblotante, et nous avons besoin de faire appel à notre raison pour reconnaître la nécessité des tribunaux dont les sentences, rendues avec majesté, ne sont à tout prendre que des opérations de police du deuxième degré. Du reste, l'expérience confirme souvent, trop souvent, le bien fondé des avertissements que nous prodigue notre instinct.
   [...] on n'a vu aucun procureur, aucun président de cour d'assises confesser publiquement qu'ils avaient sur des données entièrement fausses expédié des innocents au bagne et à la guillotine. A combien s'est-il élevé le nombre de leurs victimes ? Encore ces serviteurs de la justice étaient-ils de bonne foi.
   Mais que dire des juges de la Libération qui condamnèrent par timidité, par veulerie, pour ne pas entrer en conflit avec le nouveau pouvoir ? Il est rare que l'histoire ratifie les condamnations prononcées contre des prévenus politiques. Qui donc, de nos jours, peut songer sans écœurement à la férocité des conseils de guerre de 1871 ?
   Cela dit et considéré, il faut convenir que la peine de mort est une périlleuse aventure pour la justice dont elle compromet sérieusement la majesté sinon l'exercice. Faut-il ajouter qu'elle est encore plus périlleuse pour ceux qui en sont les victimes ?
   L'innocent expédié au bagne peut encore espérer une réparation, mais celui qui meurt sous le couperet ou sous les balles du peloton d'exécution n'a plus à compter que sur le tribunal du jugement dernier. On comprend d'ailleurs mal pourquoi, en France, le mépris public demeure attaché à la profession de bourreau alors que la carrière d'un magistrat ayant obtenu la mort de ses semblables se poursuit dans les honneurs.
   S'il est vrai que le second serve la société, le premier en peut dire autant. Pour ma part je trouve indécent et révoltant qu'un monsieur puisse, le cul sur un fauteuil et sans courir le moindre risque, réclamer avec des effets de manche la mort d'un homme, coupable ou non."
Arts, 25 mars 1959.

- Serge Truffaut.- Les Résistants du jazz.
   Un très beau livre, superbement illustré, et instructif, puisqu'il nous permet de mieux connaître, ou de découvrir, des "mi-moyens" du jazz américain, qui sont aussi de somptueux musicos, dont la biographie est retracée avec une verve parfois polémique, en lien avec le contexte social, géographique, culturel, historique... de leur apparition, du chemin qu'ils ont tracé, de l'héritage qu'ils on laissé : Red Garland, Charlie Rouse, Lee Morgan, Julius Hemphill, Horace Silver, Gerry Mulligan, Mal Waldron, Jackie McLean, Lester Bowie, Johnny Hodges, Hampton Hawes, Dinah Washington, Paul Desmond, Duke Jordan, Sun Ra, Johnny Griffin, Art Blakey, Eddie "Lockjaw" Davis, Gil Evans, Ray Bryant, Don Cherry, Booker Ervin, Donald Byrd, Mary Lou Williams, Rahsaan Roland Kirk, Stanley Turrentine, Shelly Manne, Ben Webster, Zoot Sims, Randy Weston, Buck Clayton, Horace Parlan, Hank Mobley, Roswell Rudd, Max Roach, Art Pepper, Dr John, Cannonball Adderley, Elvin Jones. Quatre pépinières de jazz sont également décrites dans leurs différents apports à la grande fructification de cette musique libertaire, free jazz ou pas : Detroit, Kansas City,...

Comme y a 37 mecs pour 2 nanas, on discrimine positivement.

   "De leur vivant, Billie Holiday, Ella Fitzgerald et Sarah Vaughan furent célèbres et le demeurent. Dinah Washington, elle, fut populaire et le reste. Dans les ghettos, dans les lieux où les intonations du blues doivent être claires, nettes, que ce soit dans le jazz, le rhythm and blues et autres genres ou sous-genres.
[...]
   Tout au long des années 50, elle va aligner des hits : I Won't Cry Anymore, Come Rain Or Come Shine, Am I Blue ?, My Heart Cries For You, Cry Me A River, All Of Me, Make The Man Love Me et une floppée d'autres titres. Certains ont été arrangés et orchestrés par Quincy Jones. D'autres ont été réalisés en compagnie des poids lourds du bebop comme Max Roach, Clifford Brown Richie Powell et consorts quand elle n'était pas invitée par Count Basie et Duke Ellington.
   Mais voilà, sa gourmandise vocale devait lui jouer un sale tour de la fin des années 1950 à son décès le 14 décembre 1963. Elle fit de la pop, du sirop, du très sirupeux. Elle a enregistré une quantité de pièces noyées par des dizaines de cordes. Non seulement ça, elle fera même du Hank Williams. Tout ça sans jamais, il faut le souligner, gommer les accents du blues.
   Reste que cette déviation vers des genres jugés trop populaires, donc trop vulgaires, par les critiques "branchés" de l'époque devait lui valoir un chapelet de réactions toues formulées à l'enseigne du mépris. on précisera même : le mépris de classe."

- Lawrence Block.- Drôles de coups de canifs.
   Entre deux réunions des AA, Scudder se fait pote avec un boucher (c'est une métaphore, et un surnom), et démasque le tueur gentrifieur, dans un New York ou la spéculation immobilière interdit désormais et de plus en plus aux pauvres la possibilité de se loger. On se croirait à Paris.

mardi 25 mai 2021

La Dose de Wrobly : Floréal 2021 EC

"[...] vous me demandez alors : "Maître Isogushi, comment dissiperons-nous ces troubles ?" Je vous réponds : "En faisant en sorte que l'on puisse dire de vous : regardez cet homme, à aucun moment il ne se repose ! Et si l'on va jusqu'à proclamer : "Voilà l'homme qui ne dort jamais", c'est mieux encore. Cela signifierait que vos troubles sont derrière vous. [...]""
Patrice Franceschi.- Ethique du samouraï moderne.

"Vous êtes surtout paresseux."
Jean Rostand.




- Blaise Lesire.- Opuscule navrant.

   Comme son illustre homonyme, Blaise Lesire a ressenti le vertige de l'absurdité de l'existence. Mais contrairement au mystique Auvergnat, il n'a pas fait le pari de la foi en un au-delà où il serait cajolé par 72 religieuses vierges de Port-Royal des Champs, mais de celle dans le salut en ce monde par la sieste, tempérée par de complices colloques, sentimentaux, sensibles, sensuels voir érotiques avec de charmantes quoique parfois vindicatives compagnes de différentes espèces.

   Je me suis beaucoup identifié à Blaise Lesire, tout au moins au personnage qu'il campe dans ce tout à fait réjouissant recueil d'aphorismes. A telle enseigne que j'ose me considérer comme un houbiste, modéré certes en regard de la radicalité de l'auteur, disons un houbiste de basse intensité léthargique : il m'arrive encore d'émettre quelques casuistes réserves sur le dogme du fatalisme héroïque, ainsi que sur celui du non-agir critique, tout en les pratiquant maladroitement, mais en restant ataviquement prisonnier de ma nature d'animal façonnier, comme disait Proudhon. Compulsivement je ressens le besoin d'agir pour la révolution anarcho-communiste, on pourrait dire qu'il s'agit là de mon "grain", comme dirait Stirner. Cependant je ne fais rien ou pas grand chose, ce qui maintient ma vie dans une légère culpabilité insatisfaite. Par ailleurs, je sais que si je ne m'agite pas un peu, je vais mal dormir, et cela je ne le tolère pas. Ainsi donc mon houbisme se dilue dans une sobre activité, parfois intense, comme sur les tatamis d'avant COVID, par exemple, mais toujours stoppée nette au moindre besoin de repos. Je suis un houbiste hobbyiste. Je ne sais si cela conviendrait à l'intransigeance du Maître, mais je crois savoir après étude de son enseignement qu'il n'accepte aucun disciple, entendant jalousement rester le seul adepte de sa secte. Libre donc à chacun de s'en inspirer à sa manière.

   Je m'identifie à l'auteur par de nombreux traits :

   - Je suis né sous le signe du Loir. Adepte de la sieste, que je qualifie systématiquement de l'adjectif "délicieuse", des micro-siestes également quand une activité quelconque m'éloigne de mon lit, de la grasse matinée, et sur mon âge mûrissant, des extinctions des feux avant minuit (pas toujours). Au bagne salarial les chiottes m'ont souvent servis de lieu de sommeil, bien calé assis sur le trône. Aujourd'hui, ayant finalement trouvé un lieu de chagrin plus souple, je vais à la bibliothèque fermer les yeux dans un fauteuil (quand il en reste, les adeptes de notre maçonnerie sont légions !). Parfois il m'est arrivé aussi de prendre, à mon poste de travail, la position du penseur concentré sur son clavier, ou adossé au fauteuil le regard sur l'ouvrage, pour pratiquer cet art. Le tout étant d'éviter le ronflement.

   - Je trouve une grande consolation, un moteur de désir et un plaisir sûr dans le jazz. A ce sujet, je voudrais remercies l'aphoriste pour m'avoir fait comprendre enfin, avec un moyen concret pour l'appréhender, après tant d'années de musique en amateur, ce qu'est un rythme ternaire. Le coup du "un et puis deux", relève du génie ! Reconnaissance éternelle !

   - Si je n'ai pas démissionné, c'est un peu tout comme, je me suis reconverti. D'un emploi nécessitant de ma part énergie, créativité, initiative, responsabilité, et flicage, entre autres, je suis passé à un simple job d’exécution. Je n'ai cependant pas été jusqu'au robinsonnesque séparatisme de Blaise Lesire, manque de créativité, d'initiative, d'imagination et de force vitale. Comme quoi, c'est paradoxal, pour vivre heureux feignant, il faut abattre un sacré taf !

   - J'ai haï l'école. Elle m'a traumatisé, terrorisé à 5 ans, à telle enseigne que mes laïcards de parents m'en ont changé pour me mettre chez des bonnes sœurs. J'y ai vécu une infinie tristesse et une insondable solitude, mais moins terrorisé qu'à la laïque (c'est un hasard, évidemment, j'avais dû tomber sur l'instit' sadique de service, je me souviens de son nom, 5 ans ! Madame Stéphanie). Puis, retour au public en CP j'ai eu mes premiers fantasmes de meurtre et désirs de mort, en la personne de l'instit' plutôt gentille a priori rétrospectivement, pauvre madame Pigaillem ! La peur ne m'a pas lâchée au collège, mais j'avais fait le deuil du pouvoir magique de faire mourir les gens par la pensée et admis que ce n'était finalement pas souhaitable. Jusqu'à ce qu'à 15 ans je découvre la potion magique anti trouille, la pillave. Qui répare sur le coup mais ne fait qu'amplifier l'angoisse qui eut tout loisir de me pétrir de nouveau ensuite dans la vie dite active...

   - Je m'intéresse à quelques philosophies et arts martiaux orientaux, en pratiquant certains avec une assiduité variable.


   Nous croisons de bien sympathique personnes dans cet opuscule, de Tchouang Tseu à Franquin, de Lichtenberg à Beckett, de Scutenaire à Brassens et bien d'autres. Je ne prétends pas avoir de l'humour, ce serait présomptueux, mais en lisant l'Opuscule j'avais l'impression que mon esprit en pétillait. L'humour, cette forme supportable de l'angoisse, et cette rupture dans un chaîne logique, n'est-il pas aussi la définition du paradoxe ? En tout cas, Blaise Lesire est un virtuose de l'exercice !

   Je ne m'identifie pas aux traits suivants de l'auteur :

   - Il aime la moto (cela dit je ne juge pas, moi j'aime bien le heavy metal...) ;

   - Les benzodiazépines me sont interdits, je dois négocier mes malaises par des voies naturelles, mais ce n'est pas par vertu, rassurez-vous, plutôt une forme d'allergie me poussant à ingurgiter Xanax, Lexomyl, Valium, Rohypnol et autres Lysanxia par pincées plutôt que par unité, moitié ou quart d'unité.

   L'Opuscule m'a évoqué :

   - Alexandre le bienheureux ;

   - L'écrivain peu connu Pierre Autin-Grenier, qui n'a pas écrit d'aphorismes, mais des poèmes en prose à caractère autobiographique et humoristique. De mémoire, il me semble être un précurseur du houbisme.

   - Le poème Les Hibous, de Baudelaire, un de mes préférés.

   - Ernest Armand.


   Ce qui m'a choqué dans l'ouvrage de Blaise Lesire :

   Ce n'est pas son cynisme, son matérialisme, son épicurisme, son hédonisme simple et naturel entre l'ascétisme du macrobiote et le consumérisme des lou ravis de l'économie, son pessimisme (qui se relativise au fil du temps et des pages puisque vers la fin du recueil nous avons même le plaisir de lire quelques utopies en trois lignes), son inactivisme forcené, sa misanthropie (jamais aigre), non, en tout cela je peux aussi me retrouver. Ce qui m'a réellement déstabilisé et agacé (comme le dit l'auteur, quand nous décidons de prendre un livre, c'est par lassitude de s'agacer soi-même et afin d'être agacé par quelqu'un d'autre, l'écrivain), c'est que nous sommes une fois de plus en présence d'un homme à femme, d'un libertin heureux. Mais comment font-ils ? Moi dont la seule ambition depuis ma tendre adolescence a toujours été de "baiser des gonzesses", comme disait Coluche, ce domaine de ma vie a été lui aussi un immense fiasco, fait de frustration, de chaos, de gâchis, d'eau de boudin (sans mauvais jeu de mot sexiste), de soupe meilleure, toujours, dans l'assiette du voisin. Toutes ces grâces roturières, foisonnant dans les rues, le métro..., toutes ces passantes je les ai convoitées, jamais possédées. Mes rares relations n'étaient pas celles que je fantasmais. "Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal encore. Jusqu’à être dégoûté pour de bon. Vomir pour de bon. Partir pour de bon. Là où ni l’un ni l’autre pour de bon. Une bonne fois pour toutes pour de bon." comme le cite notre artiste de l'édredon. Finalement, à 40 ans j'ai fait un enfant (alors que j'étais aussi néo-malthusien que l'aphoriste, mais j'ai finalement été curieux, et peut-être par dépit aussi de n'avoir pu être Casanova), ce qui me permet, vivant en couple depuis 13 ans, de ne pas avoir touché une femme depuis pas loin de 10 ans (je ne tiens pas le compte exact mais le temps passe si vite - ma compagne n'est pas comme moi, adepte de la sieste, et le soir, si on veut lire un peu... après on est quand même pris d'une douce mais insistante torpeur à laquelle il est difficile de résister...), et de ne plus m'emmerder avec toutes ces salades.

   Donc échec total de ma vie, même dans ce domaine-ci des affaires.

   Conclusion, un livre à lire et à relire, qui constitue dores et déjà un support pour mes méditations du matin.


- Georges Bataille / Eric Weil. A en-tête de Critique : correspondance 1946-1951.

   Nous retrouvons l'ami de ce blog Georges Bataille dans ce passionnant recueil épistolaire. Bon, avouons tout de suite que nous rigolons moins que dans Madame Edwarda ou Histoire de l'oeil, mais c'est infiniment plus compréhensible aussi que La Valeur d'usage de D.A.F. de Sade ou La Notion de dépense. C'est même plus compréhensible immédiatement que l'ouvrage ci-dessus commenté. Bataille et Weil, respectivement directeur et rédacteur de la revue Critique, revue générale des publications françaises et étrangères, qui parait depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Les deux hommes y discutent de la réalisation de la revue, les livres à évoquer dans de longs articles ou dans des notes bibliographiques, les rédacteurs qu'ils pensent les plus compétents pour tel ou tel article, etc. Un grand nombre des livres d'envergure édités à l'époque concernant la philosophie, l'histoire, la science, l'actualité, la politique... y passent (un exemple parmi cent : L'Etrange défaite de Marc Bloch), ainsi qu'une flopée d'intellectuels pressentis défilant dans ces lettres. Avec parfois de petits couacs et de légères polémiques, en essayant de passer entre les gouttes gaullistes et staliniennes. Les deux hommes n'ont pas grand chose en commun : "Les pensées de Weil et de Bataille s'opposent en effet comme le système à la dispersion, l'affirmation du caractère systématique de la philosophie au mélange constant et délibéré des plans, à l'hybridation des connaissances et des modes d'intelligibilité. On peut aussi opposer les thèmes qui structurent la philosophie de Weil : raison, violence, discours, opposition de la violence et du discours, action, éducation, dialogue, ..., et ceux qui traversent sensiblement l'oeuvre de Bataille (en tout cas celle de l'après-guerre) : dépense, utilité, sacrifice, violence, érotisme, destruction, mort, souveraineté, communication..." (préface). Weil est un marxiste plutôt non stalinien, très à cheval sur la dialectique historique et le matérialisme scientifique de ses mentors Marx et Hegel. Quant à Bataille, révolutionnaire d'extrême gauche, je ne saurais trop définir précisément ce qu'il est politiquement...

   Toutes ces discussions techniques autour de la constitution d'une revue m'intéressent. Je suis un journaliste raté, même si je n'ai rien fait pour le devenir professionnellement, ça me paraissait trop élevé pour moi. J'ai tâté un peu d'un journal anarchiste artisnal et ultra-confidentiel étant jeune, et puis plus rien jusqu'à cet ersatz individuel de journal appelé "blog". En revanche j'ai toujours lu des journaux, en papier. Surtout des hebdomadaires et des mensuels (les quotidiens, franchement, autant lire le Journal Officiel). Aujourd'hui je lis encore intégralement au moins trois mensuels par mois, et des bricoles.

   Le livre me fait penser évidemment à la correspondance de Baudelaire que je lis par petits bouts depuis un an ou deux. Quand celui-ci dialogue par lettres avec son éditeur Poulet-Malassis (j'adore ce nom !) ou les directeurs des périodique auxquels il participe, on retrouve le même ton, les mêmes préoccupations, ces mêmes histoires d'épreuves à corriger, recorriger, ces mêmes fureurs contre les imprimeurs laissant passer les coquilles !

   Sans y avoir jamais vraiment participé, je suis un peu dans mon univers...

- Michel Bakounine.- Michel Bakounine et l'Italie,1871-1872.

   L'anti-houbiste par excellence : il n'a cessé de s'agiter sur toutes les barricades d'Europe, a fait le tour du monde en passant pendant 8 ans par la case "prison" et 4 ans par celle "Sibérie", pour se replonger finalement dans le militantisme européen tous azimuts. Pourtant c'est un de mes meilleurs copains. Peut-être parce que le monde dont il était plein avec tous ses compagnons internationalistes anti-autoritaires est un monde ou le droit à la paresse aurait certainement été élevé au rang des beaux arts, à côté d'activités passionnelles énergisantes, et de quelques corvées de subsistance librement et égalitairement partagées. Il est vrai aussi que, quand la passion et la foi m'habitent, je peux oublier la sieste... enfin... c'est quand même rare.

   Citations en phase avec les commémorations actuelles :

   Hier, sous nos yeux, où se sont trouvés les matérialistes, les athées ? Dans la Commune de Paris. Et les idéalistes, les croyeurs en Dieu ? Dans l’Assemblée nationale de Versailles. Qu’ont voulu les hommes de Paris ? Par l’émancipation du travail, l’émancipation définitive de l’humanité. Et que veut maintenant l’Assemblée triomphante de Versailles ? Sa dégradation finale sous le double joug du pouvoir spirituel et temporel. Les matérialistes, pleins de foi et méprisant les souffrances, les dangers et la mort, veulent marcher en avant, parce qu’ils voient briller devant eux le triomphe de l’humanité ; et les idéalistes, hors d’haleine, ne voyant plus rien que des spectres rouges, veulent à toute force la repousser dans la fange d’où elle a tant de peine à sortir. Qu’on compare et qu’on juge !
[...]
   Au moment même où la population héroïque de Paris, plus sublime que jamais, se faisait massacrer par dizaines de milliers, avec femmes et enfants, en défendant la cause la plus humaine, la plus juste, la plus grandiose qui se soit jamais produite dans l’histoire, la cause de l’émancipation des travailleurs du monde entier ; au moment où l’affreuse coalition de toutes les réactions immondes qui célèbrent aujourd’hui leur orgie triomphante à Versailles, non contente de massacrer et d’emprisonner en masse nos frères et nos sœurs de la Commune de Paris, déverse sur eux toutes les calomnies qu’une turpitude sans bornes peut seule imaginer, Mazzini, le grand, le pur démocrate Mazzini, tournant le dos à la cause du prolétariat et ne se rappelant que sa mission de prophète et de prêtre, lance également contre eux ses injures ! Il ose renier non-seulement la justice de leur cause, mais encore leur dévouement héroïque et sublime, les représentant, eux qui se sont sacrifiés pour la délivrance de tout le monde, comme un tas d’êtres grossiers, ignorants de toute loi morale et n’obéissant qu’à des impulsions égoïstes et sauvages.
[...]
   Mais tout en rendant justice à sa sincérité incontestable, nous devons constater qu’en joignant ses invectives à celles de tous les réactionnaires de l’Europe contre nos malheureux frères, les héroïques défenseurs et martyrs de la Commune de Paris, et ses excommunications à celles de l’Assemblée nationale et du pape contre les revendications légitimes et contre l’organisation internationale des travailleurs du monde entier, Mazzini a définitivement rompu avec la révolution, et a pris place dans l’internationale réaction.

lundi 28 mai 2018

Nouvelle imposture d'un grand gourou dévoilée

Morihei Ueshiba démasqué : pour des milliers d'adeptes, c'est la chute !

   Comme vous le savez maintenant, fidèles lecteurs, je suis amené, pour me soigner, à suivre une cure à vie d'aïkido. Le fondateur de cet art, vénéré par tout pratiquant, était, du moins nous le croyions, le grand mystique (j'avais souvenir du qualificatif de "personne la plus religieuse du Japon", ou approchant, mais je n'ai pas retrouvé cela sur le net... Si vous avez des tuyaux sur cette citation fantôme...) Morihei Ueshiba.

   Il se trouve que je me rendai à la fin du mois d'avril dernier, pour une fête anti-fasciste, dans une certaine ville de Toscane.


   Or, après m'être époumoné avec les camarades sur de jubilatoires Bella ciao, et avoir troussé quelques passes de tango argentin avec ma compagne, flânant dans le centre ville historique de cette merveilleuse bourgade, voilà-t-y pas que je me retrouve nez à nez avec ceci, dont je ne sais par ailleurs si l'auteur est Cellini Giambologna, Pio Fedi, ou alors carrément le grand Bounarroti (merci à mes lecteurs pudiques mais érudits de combler mon ignorance le cas échéant) :


   Or, qu'est cela ? Sinon ceci :


   Eh ! oui, c'est évidemment un ikkyo omote ! Découverte incroyable et qui ne restera pas sans conséquences sur l'avenir de l'équilibre des forces des fédérations sportives jeunesse et sport de France comme internationales. Sans compter les dépressions et, qui sait même, les seppuku que cette information risque de provoquer chez cette humanité fragile dont la résistance au monde moderne n'était étayée que par la foi en Sensei et la sueur en keikogi : l'aïkido n'a pas été créé de 1925 à 1969 par le grand mage (un mage de théâtre No, oui !) Ueshiba au Japon, mais à la Renaissance, du XVème au XVIème siècle, en Italie !


   Egaré sur la voie, je me sens, d'un coup, tout en disharmonie.