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mardi 17 mai 2022

La dose de Wrobly : floréal 2022 EC

- Marcel Aymé.- De l'amour et des femmes.
   Germaine Mindeur, dans La Vouivre, à la manière de Rabelais : "taillée comme un cuirassier, un cent-garde, un grenadier prussien, avec une encolure néronienne et des bras de bûcheron, mais les seins lourds et durs, eclatants, qui bombaient l'étoffe de ceinture, et la croupe pareillement rebondie et toujours inspirée, elle était la dévorante, la ravageuse, la tempête, l'useuse d'hommes et la mangeuse de pucelages. A trente ans, mariée pour la quatrième fois au percepteur de Sénecières, elle l'avait réduit à l'ombre de lui-même, allant jusqu'à lui démettre l'épaule dans un orage d'effusions et déculottant les contribuables, buvant la substance et la santé d'un commis de quinze ans qu'il avait fallu envoyer au sanatorium."

- Jaroslav Hasek.- Aventures dans l'Armée rouge.
   Un hilarant et trop court récit autobiographique de l'anarchiste Hasek engagé dans l'Armée rouge en 1918. Comique de caractères, de situations, Hasek transforme des évènements violents et inquiétants par l'exposition du militarisme et de l'installation d'une idéologie inquisitoriale et totalitaire face auxquels les vies ne tiennent qu'à un fil en farce burlesque.
- Joseph Conrad.- La Folie Almayer.
   Mon troisième Conrad. J'avais adoré Typhon, moins La Flèche d'or, en 2015, même si je reconnais que c'est d'un grand romancier. Je n'ai pas non plus été transporté par celui-ci, mais indéniablement, après une exposition et une mise en place du décor et des évènements un peu touffue, Conrad sais nous plonger dans une atmosphère, surtout quand elle est glauque. Un film en a été tiré, de Chantal Akerman, que je ne connaissais pas, très élagué, les personnages les plus pittoresques en moins, ce qui le rend encore plus glauque. L'histoire est celle d'un Père Goriot raciste, commerçant colonial ruiné à Bornéo, ambitieux mais tout en fantasmes, inapte à l'action, un loser. Le roman le voit sombrer, et on a du mal à le plaindre.


   - Italo Calvino.- Le Vicomte pourfendu.
   J'ai commencé la trilogie, en 2015 également, avec le Baron perché. J'avais beaucoup aimé, et c'était les vacances, l'été, la Bretagne. Celui-ci est plus noir, plus horrifique et surnaturel, un mix entre Sleepy Hollow, docteur Jekyll et mister Hyde, mais ne laisse pas d'être savoureusement humoristique, par exemple la description de la communauté protestante, qui a plus ou moins oublié en quoi elle croit, mais qui y croit mordicus.

-
Ligue des droits de l'homme.- La Liberté de l'information.
   C'était en 1990. Internet allait apparaître et tout coloniser. Depuis, en plus des Bouygues, Lagardère, Maxwell, Bertelsmann, Hersant, Pasqua (ça ne nous rajeunit pas)..., on a les GAFAM et les NATU, Drahi, Niel, Pigasse et le facho de service Bolloré... Toujours plus de pubs. Et le n'importe naouak des réseaux sociaux, parallèles aux moyens exsangues d'informer des médias indépendants, qui ne prétendent pas être neutres (donc raccords à l'idéologie dominante), mais qui annoncent la couleur, d'où ils parlent, tout en mettant en oeuvre une déontologie élémentaire du journalisme.

Stieg Larsson.- Millenium 2 : La fille qui rêvait d'un bidon d'esence et d'une allumette.
   Lu le premier volume en 2017, c'était aussi l'été, encore les vacances, toujours la Bretagne. Que de bons souvenirs ! ça me paraît loin et perdu. Plus précisément j'ai comme l'impression que je ne retrouverai plus d'instants aussi brillants... Peut-être une illusion temporelle, l'attrait de la nostalgie, et qu'à ce moment là je n'étais finalement pas si jouasse que ça... Moi qui lis parfois des choses compliquées, un peu prise de tête, mais dans le bon sens, qui font réfléchir, ça parait simple et rapide de s'envoyer ce polar de 800 pages qui me tient tout autant en haleine que son grand frère le faisait. Et des héros qui foutent des râclées aux dominants (phallocrates, capitalisses...), en plus d'être confortable pour la conscience, ça fait du bien, ça soulage un peu du sentiment d'impuissance éprouvé dans la vraie vie, où les âmes sensibles et aspirant à une vie belle, libre et fraternelle sont d'éternels perdants. Et puis surtout, moi qui suis quand même un peu marginal dans mes goûts, et qui pour cela me sent un peu isolé dans le métro, cerné par les Marc Lévy ou autres succès de supermarchés, enfin je rejoins la communauté humaine : fils prodigue, je me reconnais en mon frère lisant Millénium sur le strapontin d'en face ! Hein ? C'était au début des années 2010 ? Aujourd'hui plus personne ne lit dans le train ou le métro ? Les téléphones intelligents ont inondé le marché depuis ? Rhô ! Zut alors, toujours un train de retard le Wrobly !

lundi 7 septembre 2015

Même plus les yeuses pour pleurer

"On lit dans les livres qu'au temps jadis, un singe parti de Rome pouvait arriver en Espagne sans toucher terre, rien qu'en sautant d'arbre en arbre. Si c'est vrai, je ne sais... De mon temps, seuls le golfe d'Ombreuse, dans toute sa largeur, et sa vallée qui s'élève jusqu'à la crête des montagnes, possédaient pareilles forêts foisonnantes. La renommée de notre région n'avait pas d'autres motifs.


Aujourd'hui, on ne reconnaît plus la contrée. A l'époque de la descente des Français, on a commencé à couper les bois comme des prés qu'on fauche chaque année. Mais ils n'ont pas repoussé. On croyait que le déboisement tenait aux guerres, à Napoléon, à l'époque ; mais il ne s'est pas arrêté. Le dos des collines est si nu que nous ne pouvons le regarder, nous qui l'avons connu jadis, sans un serrement de cœur.


Où que nous allions, autrefois, nous trouvions toujours des branchages et des frondaisons entre le ciel et nous. L'unique zone un peu basse, c'étaient les bois de citronniers ; encore des figuiers dressaient-ils leurs troncs tordus au milieu des plants d'agrumes. Plus haut, ils obstruaient le ciel de leurs coupoles aux lourds feuillages. Quand il n'y avait pas de figuiers, c'étaient des cerisiers aux feuilles brunes, ou des cognassiers délicats, des pêchers, des amandiers ; puis des sorbiers, des caroubiers, quelque mûrier ou noyer vétusté. Au-delà des jardins commençait l'oliveraie : un nuage gris argent qui floconnait jusqu'à mi-côte. En bas s'entassait le pays, entre le port et le château ; et là encore, au milieu des toits, surgissaient partout les chevelures des yeuses, des platanes, même des rouvres, végétation tout à la fois fière, fougueuse et ordonnée, caractéristique de la zone où les nobles avaient construit leurs villas et clos de grilles leurs parcs.


Au-dessus des oliviers commençait la forêt. Pins et mélèzes, jadis, avaient dû régner sur la région ; ils descendaient encore sur les deux versants du golfe jusqu'à la plage, en vagues et remous de verdure. Les rouvres étaient bien plus nombreux, plus serrés qu'on ne le croirait aujourd'hui ; ils ont été la première, la plus précieuse victime de la cognée. Tout en haut, les pins cédaient le pas aux châtaigniers : la forêt se hissant sur la montagne, on ne lui voyait pas de limites. Tel était l'univers de sève au milieu duquel nous vivions, nous autres habitants d'Ombreuse, presque sans nous en apercevoir."
Italo Calvino.- Le Baron perché.


Voilà, vous savez tout de mes vacances. Sauf que les arbres croisés sont bretons et non italiens. Mais c'est bon de n'avoir ni tout vu ni tout lu ni tout bu, parce que j'ai découvert Italo Calvino, et j'ai beaucoup aimé.