Quelques extraits :
Le 12 juillet 1870, les sections parisiennes de l'Internationale avaient lancé un appel aux travailleurs de tous les pays contre la guerre : "Une fois encore, sous prétexte d'équilibre européen, d'honneur national, des ambitions politiques menacent la paix du monde... Frères d'Allemagne... restez sourds à des provocaations insensées car la guerre car la guerre entre nous serait une guerre fratricide... Nos divisions n'amèneraient , des deux côtés du Rhin, que le triomphe complet du despotisme..."
En 1913, les cent dix députés socialistes au Reichstage et les soixante douze députés socialistes français signaient un manifeste en vue "d'un effort commun pour une union pacifique et amicale des deux nations civilisées". Ce manifeste se terminait par ces mots : "C'est sous le même drapeau de l'Internationale - de l'Internationale qui repose sur la liberté et l'indépendance assurée à chaque nation - que les socialistes français et les socialistes allemands poursuivent avec un vigueur croissante les luttes contre le militarisme insatiable, contre la guerre dévastatrice, pour l'entente réciproque, pour la paix durable entre les peuples".
Ces appels furent voués à l'échec : les armées allemandes déferlèrent sur notre sol en 1870 et en 1914. Puis les pacifistes reprirent leur lutte et, de pactes en pactes, virent s'organiser la sécurité collective. Mais avaient surgi Mussolini et Hitler et leurs guerres de conquêtes. A moins de fermer les yeux à la réalité ou d'accepter l'asservissement de la France, à qui nos pacifistes auraient-ils pu adresser leur appel en 1939 ? En Allemagne les opposants à la machine de guerre d'Hitler - ou avaient fui - ou avaient été massacrés - ou étaient écrasés par la terreur."
"Le pacte germano-soviétique venait d'être signé le 23 août. Souvarine, après avoir créé en 1920 le "Bulletin communiste - après avoir été l'année suivante un des délégués au troisième Congrès de l'Internationale communiste - était devenu le censeur le plus avisé et le plus acerbe de la politique du Kremlin.
Dans la "Critique sociale" qu'il dirigeait, Souvarine, après la déportation de Riazanov, écrivait : "Par cet exploit barbare, la dictature a peut-être porté un coup mortel à un grand serviteur désintéressé du prolétariat et du communisme... Mais du moins aura-t-il en même temps dissipé la dernière apparence susceptible de faire illusion à l'extérieur et avoué, révélant sa vraie nature, l'incompatibilité absolue entre le bolchévisme post-léninien (sic, NDLR) et le marxisme (re-sic, NDLR)". Pour lui, l'U.R.S.S. était devenue "une sorte d'Etat fasciste totalitaire". La rectitude de ce jugement n'était-elle pas établie par cette alliance militaire qui venait d'être conclue entre l'Allemagne nazie et la Russie soviétique - entre Hitler et Staline ?
[...] Le pacte germano-soviétique n'était-il pas, hélas ! la conséquence inéluctable de l'accord de Munich et des réticences ultérieures de la France et de l'Angleterre à accepter les avances de Staline ?
Modeste auditeur, je me suis borné à écouter les deux thèses. Les évènements historiques ne peuvent être appréciés à leur exacte valeur que longtemps après. La monstruosité de l'attaque conjointe de l'Allemagne et de la Russie contre la Pologne ne doit être aujourd'hui jugée qu'en fonction de l'attitude antérieure des Alliés - et des opérations militaires ultérieures dont le tournant fut l'héroïque victoire de Stalingrad."
"[...] Notre capitaine nous faisait une entière confiance sachant qu'il pouvait compter sur nous. Il vient un jour sur place examiner nos travaux et aperçoit, au saillant d'un des boyaux, un soldat du régiment de forteresse faisant le guet derrière une mitrailleuse. Notre capitaine accourt et lui demande : "S'il passe un avion, que faites-vous ?" - "Je tire" - "Comment ! s'exclame l'officier interloqué, "Vous tirez ? Vous allez nous faire avoir des histoires !"
Notre capitaine, directeur d'une école communale de la ville de Paris, avait été décoré de la Légion d'honneur pour son attitude courageuse durant la guerre de 14. N'avait-il pas été sensibilisé à l'extrême par les affres du précédent conflit ? [...] Il m'a été rapporté qu'en juin 40, quand un officier allemand avait bondi sur lui et lui avait arraché son révolver, mon bon capitaine s'était écrié : "Attention, il est chargé".
Le livret militaire et le livret de régiment de Burcard Lévy précisent tous deux, au chapitre "marques particulières" : culte israélite. J'ai retrouvé aussi la Ketouba (certificat de mariage religieux) indiquant que mon grand-père a épousé Gabrielle Bernheim le 30 janvier 1879 au Temple de la rue Notre-Dame de Nazareth à Paris.
Dans ma famille, avant la guerre, on n'avait jamais évoqué devant moi les questions religieuses. On n'attachait apparemment aucune importance au fait que mes quatre grands-parents aient été juifs. On parlait cependant, en riant, de l'oncle Isidore qui, à son arrivée d'Alsace avait trouvé excellent un rôti de porc préparé par ma grand-mère et avait dit : "Je n'ai jamais mangé un morceau de veau aussi bon".
J'ai été élevé dans le culte des églises romanes et de la musique de Bach. De dix à quinze ans, quand j'étais en vacances dans le Sidobre, j'ai suivi avec ponctualité les offices du culte protestant. J'avais pénétré une seule fois dans la synagogue toutes proche de mon domicile à Neully-sur-Seine, et en était ressorti presque aussitôt.
C'est donc avec une surprise indignée que j'ai assisté à la flambée de l'antisémitisme après 1933 et à son déferlement sur l'Allemagne nazie. Je n'avais pas vécu l'affaire Dreyfus et je n'étais pas à même de comprendre la haine insensée qui animait certains. Pour moi, le problème se limitait à quelques questions très simples qui se posaient tant à un juif qu'à un auvergnat : Dieu existe-t-il - et, dans ce cas, doit-on respecter les préceptes de la religion ? Si une spécificité existe, doit-on encourager les vertus de la tradition ?
Mais les droits et devoirs des citoyens français doivent être identiques au sein d'une république "une et indivisible".
Comme je m'étais montré habile dans mes fonctions de cantinier, je fus chargé de diriger le mess d'une autre Compagnie. Sa difficulté de gestion avait pour cause la présence d'un abbé atteint de boulimie. Je le plaçai à table près de moi pour mieux le surveiller car il prenait, à lui seul, quatre portions de viande. Un dimanche, à ma grande surprise, l'appétit semblait lui manquer. L'abbé m'expliqua : "J'en suis à mon troisième déjeuner ; j'ai déjà pris deux repas chez les paroissiens".
Pour le Blitzkrieg et la captivité, je vous laisse compulser l’œuvre intégrale (si elle est trouvable...).
Sur ce thème, voir aussi La dose de Wrobly de thermidor 2019 EC, avec la fiche du passionnant mais plus ardu livre La France et l'Allemagne (1932-1936), même si les périodes ne se recouvrent pas totalement.
Ce qu'il faut dire (avril 1916 - décembre1917) regroupa en 1918 des libertaires enthousiasmés par la Révolution russe, allant parfois jusqu'à penser naïvement que les bolcheviks allaient défendre (parfois justifiant même la dictature du prolétariat) les acquis de l'insurrection populaire spontanée du peuple, même s'ils étaient avant tout évidemment partisans des soviets libres. C'est ce courant qu'on nomma "ultra-gauche" à l'époque, ou "soviétiste" (conseilliste). Le saviez-vous ? Le premier Parti communiste français a été créé par des anarchistes en mai-juin 2019 (mort en mars 1921), issus de ce courant, PC qui scissionna avec la Fédération communiste des soviets (décembre 2019 - mai 1921). Le PC qu'on connaît, section française de l'Internationale communiste, celui des futurs staliniens, étant, pour sa part, né en décembre 1920, scission de la SFIO (socialistes marxistes parlementaristes, le PS d'alors).
Une ènième histoire de l'anarchisme me faisait un peu peur, j'appréhendais le rabâchage de ce que je connais, mais non, cette période est très peu étudiée. Ce bouquin est passionnant. Et c'est la famille, aussi foutraque, bordélique et querelleuse qu'elle puisse être.