"[...] il vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place".
Jean-Luc Mélenchon.
Autant vous le dire tout de suite, mais vous avez sans doute pu le constater si vous suivez un peu ce blog, le Vladimir Ilitch, cette girouette dictatoriale qui s'est servi des anars et des soviets pour mieux les faire liquider, et qui a contribué à transformer l'espoir révolutionnaire international en bruits de bottes et camps de travail, on peut pas trop le blairer ici. Mais comme son statut d'homme providentiel lui venait aussi de son aptitude à dire tout et son contraire, il a parfois pu exprimer des propos qui pourraient figurer en exergue de La Plèbe. Par exemple ceux-ci, découverts par hasard dans un journal de gauche (faut bien s'informer un petit peu de temps en temps).
A propos des frontières et des progressistes qui les préconisent :
"Nous pensons que l'on ne peut pas être internationaliste et en même temps favorable à de telles restrictions... De tels socialistes sont en réalité des chauvins."
1915.
Et :
"Il ne fait aucun doute que seule la pauvreté extrême peut contraindre les gens à abandonner leur terre natale, et que les capitalistes exploitent les travailleurs immigrés de la plus honteuse des manières. Mais seuls les réactionnaires peuvent refuser de voir la signification progressiste de cette migration moderne des nations. Le capitalisme attire les masses de travailleurs du monde entier. Il brise les barrières et les préjugés nationaux, et il unit les travailleurs de tous les pays."
1913.
Mélenchon, qui a peut-être au demeurant le mérite de la franchise, n'a qu'à aller se faire cuire un œuf, à condition que la poule vive en plein air libre de ses mouvements, avec sa xénophobie et son nationalisme de gauche.
Boris Vian est l'auteur d'au moins 400 chansons. De nombreuses n'ont pas été chantées, d'autres l'ont été par maints interprètes, plus ou moins bons. Ici c'est l'ami Mouloudji qui s'y colle. Que ce soit l'auteur ou l'interprète, j'ai mis du temps à les apprécier, c'est récent. Pour Vian peut-être que quand j'étais concierge dans les 90's j'ai trop entendu sur mon poste à transistor la Java des bombes atomiques, générique d'une émission pacifiste (qui existe toujours et dont la chanson introductive est restée la même ; heureusement, j'ai changé de job et ne suis plus à l'écoute depuis lurette à c't' heure). Cette chanson je ne l'ai jamais comprise. "Mon oncle" ("infâme bricoleur", etc.), c'est un gentil ou un méchant ? Méchant, il fabrique des bombes atomiques ; bon, il fait sauter ministres et officiels ; méchant, il finit premier ministre (excusez-moi pour le schématisme de mon analyse critique, mais j'ai fait mes études dans ma loge...). Et puis je ne sais pas, la musique et l'interprétation me sciaient les oneilles. Jusqu'au jour où j'ai entendu dans l'émission Dans l'herbe tendre, la Messe en Jean Mineur. Là je me suis dit que l'auteur d'une telle chanson ne pouvait être vraiment mauvais. En plus je viens de découvrir dans le vieux Série noire me venant de mon père que je viens de commencer (La Dame du lac de Chandler), qu'il est traduit par les Vian ! quel multi-talent !
Quant à Mouloud, mon parcours avec lui fut similaire à celui que je menai avec Boris, je n'avais entendu que des chansons un peu larmoyantes (comme celle ci-dessous, certes) et n'ai découvert le joyeux luron qu'ultérieurement.
Pour plus de choses sur Vian et Mouloud, on peut cliquer.
Ils ont sonné à ma porte
Je suis sorti de mon lit
Ils sont entrés dans ma chambre
Ils m'ont dit de m'habiller
Le soleil par la fenêtre
Ruisselait sur le plancher
Ils m'ont dit mets tes chaussures
On chantait sur le palier
J'ai descendu l'escalier
Entre leurs deux uniformes
Adossé à une borne
Un clochard se réveillait
Ils me donneront la fièvre
La lumière dans les yeux
Ils me casseront les jambes
A coups de souliers ferrés
Mais je ne dirai rien
Car je n'ai rien à dire
Je crois à ce que j'aime
Et vous le savez bien
Ils m'ont emmené là-bas
Dans la grande salle rouge
Ils m'ont parqué dans un coin
Comme un meuble... comme un chien
Ils m'ont demandé mon âge
J'ai répondu vingt-sept ans
Ils ont écrit des mensonges
Sur des registres pesants
Ils voulaient que je répète
Tout ce que j'avais chanté
Il y avait une mouche
Sur la manche du greffier
Qui vous a donné le droit
De juger votre prochain
Votre robe de drap noir
Ou vos figures de deuil
Je ne vous dirai rien
Car je n'ai rien à dire
Je crois à ce que j'aime
Et vous le savez bien
Ils m'ont remis dans la cage
Ils reviennent tous les jours
Ils veulent que je leur parle
Je me moque des discours
Je me moque des menaces
Je me moque de vos coups
Le soleil vient à sept heures
M'éveiller dans mon cachot
Un jour avant le soleil
Quelqu'un viendra me chercher
On coupera ma chemise
On me liera les poignets
Si vous voulez que je vive
Mettez-moi en liberté
Si vous voulez que je meure
A quoi bon me torturer
Car je ne dirai rien
Je n'ai rien à vous dire
Je crois à ce que j'aime
Et vous le savez bien.
Ensuite, dans le cadre du jumelage de toutes les antennes régionales de Radio Guépéou (special joke), celle-ci, extraite d'un album que personnellement j'emporterais sur l'île déserte. Parfois des personnes se trompent connement, ou sont de véritables ordures dont l'inspiration artistique les dépassant produit de purs chefs d'oeuvres, ce qui est le cas de l'apologiste sénile d'un des plus grands tueurs en série du XXème siècle doublé d'un profanateur des saints noms de révolution, communisme, prolétariat, auteur du magnifique poème ci-dessous référencé...
Quant à Ferré, il est inégal, et peut parfois me scier les oreilles aussi quand il se met à gueuler (surtout en public, et avancé en âge) pour compenser des textes et des musiques abscons et sans saveur, mais il a créé des merveilles, entre autres et peut-être particulièrement quand il chante les poètes.
"Il y avait à Paris, dans le quartier de la Chapelle, un pauvre Arabe du nom d’Abd el Martin et on l’appelait Abdel tout court, ou le Crouïa, ou l’Arbi, ou le Biquemuche, ou encore Bique à poux, parce qu’il avait, en effet, des poux. […]
Appuyé sur le manche de son balai, le patron regardait l’Arabe avaler un café tiède et se laissait aller à méditer tout haut :
« Pour celui qui veut bien réfléchir, disait-il, on est peu de chose. Je vois par exemple toi. Qu’est-ce que tu es ? de la pourriture. D’où tu deviens ? on n’en sait rien. A quoi tu sers ? J’en causais une fois au coiffeur et c’est bien ce qu’on disait ensemble, que jamais le gouvernement ne devrait tolérer une pareille vermine sur le territoire, à plus forte raison dans une ville comme Paris qui est le cœur de la France. Je ne suis pas contre l’étranger, au contraire, mais j’estime néanmoins qu’il y a des limites. Et d’abord, tu viendrais à disparaître, fusillé, ou n’importe quoi, qui est-ce qui le saurait ? personne. Je dirais peut-être à Mme Alceste : « Tiens, on ne voit plus le Crouïa qui buvait du vinaigre. » Et puis c’est tout. Et dans quinze jours, je t’aurais sûrement oublié. C’est bien la preuve que tu es moins que rien. […]
Sale temps pour les diabétiques.
Les deux inspecteurs entrèrent dans l’impasse à la première heure du matin. L’un était un jeune homme portant chapeau mou sur l’oreille et un imperméable dont il nouait la ceinture avec une coquette négligence. L’autre, M. Ernest, était d’une tournure plus classique. Trapu, moustachu, avec des épaules de tueur et d’énormes mollets qui imprimaient aux jambes du pantalon une forte courbure, il portait le chapeau melon et le pardessus noir d’une coupe ministérielle.
[…]
A l’entrée de la rue Pajol, Abdel, jetant un dernier regard en arrière, eut un mouvement des épaules et parut avoir encore une velléité de fuite. Avec une agilité qu’on n’eût pas attendue de son âge et de sa corpulence, M. Ernest le botta au revers de la capote, d’une double détente, sûre et puissante, qui lui tira un gémissement. Sur le trottoir, une vieille femme qui promenait son chien, eut un geste de pitié et de protestation.
« Avec ces animaux-là, lui dit l’inspecteur, il faut ça. Ils ne comprennent rien d’autres. »
« Entre le 2 juin et le 29 juillet, les réfugiés de la Chapelle ont subi pas moins de dix évacuations par les forces de l’ordre. La première est l’expulsion du camp sous le métro aérien à La Chapelle. C’est le début de leur errance dans le 18ème. Durant deux mois, les camps sont évacués les uns après les autres, sans solution pérenne, jusqu’au 29 juillet et l’évacuation définitive de la Halle Pajol. Le 30 juillet, les locaux de Ni Putes Ni Soumises sont occupés, et le lendemain, c’est au collège désaffecté Guillaume Budé (19ème) que les migrants se réfugient. Ils y sont toujours. »
Siné mensuel n° 45 – septembre 2015.
Enfin, je ne suis pas les nouvelles au jour le jour, je ne lis que des mensuels et des blogs, n'écoute que des radios libres et ne contemple pas la TV, mais je crois bien qu'ils n’y sont plus non plus, arrêtez-moi si je me trompe.