lundi 27 février 2017

Pics, encore.

"Oh ! la bonne chose que de vivre, disait−il ; on ne se doute pas du plaisir qu'il y a dans cet acte si simple : respirer ! Jamais les arbres ne m'ont semblé si verts, le ciel si bleu, les fleurs si parfumées ! C'est comme si j'étais né d'hier et que je visse la création pour la première fois."
Théophile Gautier, par ailleurs écrivain besogneux et poussif, et bourgeois effrayé pour qui les Communards étaient des « animaux féroces », des « hyènes » et des « gorilles », qui « se répandent par la ville épouvantée avec des hurlements sauvages », donc ennemi de La Plèbe, mais tel n'est pas le propos aujourd'hui.- Le Capitaine Fracasse.

 
Prisonnier du côté obscur

      Il y a un peu plus de dix-neuf ans, quand ils ont arrêté les piqûres chauffantes et que j'ai commencé à y revoir un peu plus clair et à pouvoir sortir dans le jardin de cette merveilleuse clinique des Alpes Maritimes, j'aurais pu dire ça (les propos extraits du Capitaine Fracasse ci-dessus). Et le dire et le redire maintes fois par la suite, au fil des années, qui coulent si vite. J'en ressentais les effets décrits, mon sang nourri d'une vie nouvelle à chaque inspiration. Même si le monde était toujours à feu et à sang, qu'on punissait encore le tort de vivre en bidonville et ceci quel que soit la saison, moi je sortais de l'enfer, et ça, c'était un début. A nous deux le monde !

      Enfin libre d'être soi-même !

      Aujourd'hui, et ces alertes pollution permanentes nous le confirmeraient si la réticence à s'emplir les poumons, sinon de l'omniprésente pestilence, du moins de l'absence de toute brise parfumée par le luxuriant vivant végétal, même de manière très légère, ne nous le prouvait pas déjà suffisamment, il n'y a même plus de plaisir dans cet acte si simple : respirer !

      Il y a un an j'évoquais les pics-verts, aujourd'hui d'autres pics, noirs et gris.

Désormais, côté obscur, côté lumineux, même délét'air

      "Ca m'indiffère, disait le fasciste Drieu à l'ami consolateur qui lui rappelait qu'il y aurait d'autres printemps, d'autres jolies filles, je ne bande plus". J'ai envie de dire, en laissant du côté de mon jardin secret la fonction organique à laquelle fait référence Drieu : "ça m'indiffère, je ne hume plus". Le pire c'est que j'ai l'impression que je suis le seul que ça dérange. Toujours autant de bagnoles, dans les propos de mes collègues et voisins, nulle allusion à l'asphyxie régnante, et les gros pollueurs meurent en général encore dans leur lit. Ce doit être ma névrose. Après tout, si j'ai gardé ce souvenir de l'extrait du Capitaine Fracasse si longtemps en tête, c'est bien que quelque part j'ai un complexe d'étouffement. Est-ce lié aux descriptions que faisait maman des affres des asthmatiques, docteur ? Ou bien si c'est ce professeur de judo énorme, et CRS, qui se plaisait, quand certains stages excentrés lui permettaient de lâcher la bride à son sadisme, à prendre la crevette que j'étais en randori au sol à seule fin de l'écraser de tout son poids et de lui bloquer toute voie respiratoire jusqu'à la limite de la perte de conscience (il savait certainement que mes parents avaient un job de pédés de planqués intellos de gauche de merde ; et moi, j'avais déjà les cheveux longs). Et je suis particulièrement angoissé quand j'entends parler des techniques de pliage ou de clé d'étranglement qu'utilisent les policiers pour tuer de jeunes (ou vieux) noirs ou arabes. Bref, quelles que soient les raisons de cette supposée phobie, je crois bien que je vais devoir faire un deuil, accepter qu'aujourd'hui le poète olfactif par excellence qu'était Baudelaire ne pourrait exister, si ce n'est à décrire non plus une charogne animale se décomposant au bord de la route, mais la fumée noire d'un cul de camionnette si puante que sur le trottoir "vous crûtes vous évanouir".

     Plaisirs, ne tentez plus un cœur sombre et boudeur !

     Le Printemps adorable a perdu son odeur !

     Charles Baudelaire.- Le Goût du néant.- In Les Fleurs du mal.

      Mais haut les cœurs ! il s'agit d'un anniversaire, il faut y croire, le vieux monde finira, d'ici là on va essayer d'aller un peu plus dans les reliquats de forêt trouver ce qui reste de goulées vertes. On va décroître ! Et combattre, comme des titans ! Je suis remonté là, chaud bouillant ! Prêt à faire un malheur, une rage, une pêche ! Retenez-moi, j'suis trop déter ! Tiens, si à cet instant on m'apportait une pétition, je vous jure que je crois bien que si vous ne me reteniez pas, je la signerais sans hésiter, tout de suite, paf ! sans même me soucier des conséquences !

vendredi 24 février 2017

Sacqueboute XI

   Pour cet épisode chers lecteurs, je vais vous mettre à contribution, car étant peu physionomiste et ne disposant pas de documentation assez pointue, n'ayant par ailleurs pas trouvé la vidéo du concert de Duke Ellington et de son orchestre en 1963 à l'Olympia à Paris, je ne suis pas certain que le tromboniste jouant dans le film ci-dessous est bien Lawrence Brown. A vous de me le confirmer, ou de me mettre le nez dans mon erreur.

   Le thème The Mooche (si vous trouvez le sens du titre, merci encore à vous - le glandeur ?) joué ici a été composé par Duke Ellington spécifiquement pour un de ses trombonistes, Joe Nanton (peut-être un jour ici..., peut-être que c'est lui sur la vidéo d'ailleurs...), comme il avait l'habitude de faire en tenant compte des points forts de ses musicos. Ce titre se prête effectivement parfaitement à la production d'un discours d'expression éléphantesque et de cocasserie plutôt burlesque.


   Pour vous aider, voici la photo du lascar (Brown). Si vous n'identifiez pas celui de la vidéo avec ça, franchement... :


   Vous remarquerez que dans son chorus (son solo), Brown (?) utilise une sourdine, comme une sorte de ventouse en caoutchouc. Grâce à cet accessoire, il produit tout un tas de sons rigolos, de distorsions de notes. Un effet wah-wah, mais aussi des sonorités rauques et grinçantes, comme si son instrument avait trop fumé. Ça a un nom : le growl, effectuée typiquement à la trompette, mais aussi, donc, au trombone, dans le style « jungle » joué par les orchestres du Duke à partir de 1925. Avec le trombone faut pas être manchot : une main qui tient l'instrument, une main qui tient la sourdine, et une main qui fait glisser la coulisse. Comptez vous même, et expliquez-moi comment il fait...

   Priviouzlyonne Sacqueboute :

- Treme

mercredi 22 février 2017

De bonnes idées

   Pourtant les idées n'étaient pas mauvaises...
   - construire les villes à la campagne ;
   - que les citadins participent aux travaux des champs ;
   - l'égalité ;
   - la fin du capitalisme ;
   - la fin de la médecine industrielle capitaliste et le retour à une médecine naturelle retrouvée dans les connaissances populaires ancestrales ;
   - récupération et détournement des technologies capitalistes pour les nouvelles activités des hommes libérés...

Vous commencez à deviner ? Hein ? La zone de non droit à défendre (et La Plèbe est un soutien inconditionnel de toutes les zones de non droit à défendre, et de leur prolifération ad libitum) de Notre Dame de Landes ? Bien tenté, mais non. Attendez ! Je n'ai pas dit le meilleur :

   - combustion de tous les billets de banque !

Alors ?... Dites-donc, vous êtes un peu bouchés, non ? Il s'agit du lumineux, rayonnant, merveilleux Kampuchéa démocratique !



   Qu'est-ce qui cloche ? Peut-être à chercher dans la notion d'idéologie, une vision du monde (Welt anschauung), qui se fige, se transforme en dogme (Weltanschauung), qui finit par être complètement le contraire de la réalité, un pur mensonge, soutien d'un pouvoir. Une forme de religion laïque, monde réellement renversé où le vrai est un moment du faux. Qu'on retrouve aussi bien chez les tueurs de masse à la Staline (assassiné par le complot des blouses blanches, je viens de l'apprendre, contrairement à la version officielle, quelques juifs voulant l'empêcher de battre Hitler dans les chiffres du génocide), Pot, Mao, Hitler..., que dans le marigot militant qui, lui, évidemment ne tue pas en ce moment, mais peut prétendre être une expression de la liberté quand tout prouve par ailleurs que des jeux de pouvoir et de propriété régissent l'orga. On pense évidemment à 1984, d'Orwell. D'ailleurs le fait que le parti des khmers rouges s'appelle Angkar m'a troublé : se sont-ils sciemment inspirés de l'Angsoc d'Orwell ?
   Dans les causes possibles de l'horreur déconcertante, il y aussi la brutalité des anciens maîtres, et le réalisateur l'évoque clairement, également. Ce qui est une des raisons de plus qui m'ont fait aimer ce film pénible et tendre. Et qui m'ont incité à le revoir.

lundi 20 février 2017

La dose de Wrobly : pluviôse 2017 ère commune


- Manuel Devaldès.- Contes d'un rebelle.
On peut en lire un ici.
 

- Les Monty Python.- Le grand livre des Monty Python.


- Christian Signol.- Une si belle école.
Un cadeau. Gentil.


- Régis Jauffret.- Claustria.
Pioché dans le carton de livres mis à ma disposition au siège social du journal Article 11 (en fin de vie à l'époque), par une sympathique jeune personne travaillant par ailleurs aux éditions du Seuil. Rappelons que plusieurs plumes de ce journal, et pas des moindres, oeuvrent désormais occasionnellement dans l'excellent et indispensable journal marseillais CQFD. De St-Denis à Marseille, on pourrait trouver exode plus pénible climatiquement parlant. Bref revenons au livre : glauquissime. J'ai pensé à du Houellebecq (pour la complaisance a but lucratif dans le sordide - cet écrivain, avec d'autres m'as-tu-vu réacs des zarzélettres, a d'ailleurs soutenu Jauffret quand il a eu des problèmes avec l'Autriche, ce qui n'est pas sans faire naître en moi quelques préjugés défavorables envers ce dernier), à du Jonquet (pour la complaisance dans le sinistre à but artistique, cathartique, peut-être éthique - Mygale par exemple -), à Salo aussi, le personnage principal étant un violeur passionné, petit sadique fascisant et familial de capitale de district. Et puis aussi à ce poème de Baudelaire :

Ainsi je voudrais une nuit,
Quand l'heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,

Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
[...]

Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma soeur !

Ou cette note du même de Fusées : "Une fois il fut demandé devant moi en quoi consistait le plus grand plaisir de l'amour. Quelqu'un répondit naturellement : à recevoir, - et un autre : à se donner. - Celui-ci dit : plaisir d'orgueil ! et celui-là : volupté d'humilité ! Tous ces orduriers parlaient de l'Imitation de J[ésus]-C[hrist]. - Enfin il se trouva un impudent utopiste qui affirma que le plus grand plaisir de l'amour était de former des citoyens pour la patrie./Moi, je dis : la volupté unique et suprême de l'amour gît dans la certitude de faire le mal."

Le problème de Fritzl, le bourreau de ce roman, donc, est d'avoir pris au pied de la lettre de tels fantasmes, et de les avoir appliqués avec méthode : après quelques viols lui ayant attiré de modestes années de prison, il séquestre sa fille pendant 24 ans dans une cave, la violant toutes ces années durant, en obtenant six enfants, dont trois remonteront à la surface pour être élevés par leur grand et belle mère, et trois autres resteront en bas jusqu'à leur découverte par la police. Ah ! j'oubliais, malgré les dénégations de l'auteur en début de livre, cette fiction est inspirée de faits réels, ayant défrayé la chronique en Autriche en 2008.


- Charles Baudelaire.- Les Fleurs du mal.
Relecture à un âge où je n'espère plus faire ce que font les personnages des livres que je lis. Remarquez j'ai bien donné, les paradis artificiels, le spleen, la parodie sordide de sexualité singeant la jouissance supposée d’amours romantiques ou libertines inexistantes et anesthésiant la frustration permanente de la quête pathétique et forcément toujours avortée d’adoption affective d’un égocentrique coincé et pétri par les peurs, aux capacités trop débiles pour la taille de ses fantasmes sommes toutes plutôt convenus. Je crois bien que je suis allé au bout de ce "spleen" là, enfin mon bout, mon fond, évidemment il y en a toujours de plus profonds, sachons rester humbles. Il n'y a, de toute façon, aucun titre de gloire à un tel type de parcours. Mais je ne pense pas avoir démérité du grand censuré de 57 pour délit d'outrage à la morale publique et aux bonnes moeurs. Je peux me permettre de relire ça en pantoufles. Pourtant, aujourd'hui encore, bien que délivré du cercle infernal de ces obsessions douloureuses et pulsions inassouvies, aujourd'hui que je me satisfais très bien de faire trois repas par jour (avec un bon bouquin pour digérer et une demie heure de musique avant dodo), j'en suis encore en quelques instants fugaces, à envier Baudelaire d'avoir eu une maîtresse comme Jeanne Duval. Déroutante, puissante, sournoise addiction !


- Les Treize morts d'Albert Ayler. Bon, heureusement, mon constat à un instant "t" d'une défaite totale, d'une abdication radicale (qui m'a néanmoins permis de ressusciter, grâce à la fraternité d'abord, puis à une nouvelle conception de la vie et un nouveau lien avec celle-ci différent de celui dans lequel Baudelaire s'enferre progressivement dans Les Fleurs du mal), ne m'a pas fait tomber dans un mysticisme morbide et macabre à la Albert Ayler, bien au contraire. Pourtant Ayler (prononcer "Aïe l'air !", comme la souffrance de simplement respirer) est un de ces musiciens qui m'ont le plus attiré (souvenirs fugaces de jeunesse, "free" écouté par mes potes anars dans les 90's, légende...), que, les connaissant peu en arrivant vers la quarantaine, j'ai eu le plus envie de découvrir (comme Roland Kirk, Frank Zappa, Charlie Haden, Eric Dolphy, Ornette Coleman, Claude Debussy, Igor Stravinsky, Olivier Messiaen... Eric Satie, qui m'était par contre déjà familier, j'avais même joué la première Gymnopédie au piano). Mais pour Ayler, je ne connais toujours quasi rien, et c'est bien le seul. Il faut dire que l'ami Yves, créateur et animateur de l'émission radiophonique Jazzlib' dont je vous fais la promotion deux fois par mois ici, ne l'a jamais passé... Et comme je me repose sur lui pour mon éducation en la matière... Ne l'aime-t-il pas ? Considère-t-il qu'à ce niveau de délire sonore ce n'est plus du jazz ? Bref, toujours est-il que j'ai simplement vaguement entendu parler de la fin tragique du musicien et des conjectures faites sur sa noyade inexpliquée : suicide, accident, meurtre, intervention surnaturelle... Ce livre m'en a appris bien plus. Comme les mousquetaires, ces 13 nouvelles donnant chacune une version de cette mort sont en fait 14. Je crois que ma préférée est celle de Thierry Jonquet, écrivain que j'affectionne particulièrement, tant il me surprend toujours. On y rencontre, au paradis, Adolphe Sax, eh oui ! l'inventeur du saxophone, et Beethoven, Charlie Parker, John Coltrane, Richard Wagner (un peu ostracisé par les autres sauvés de la division des musiciens, il faut le dire)..., et finalement le tant attendu Ayler, qui vient mettre le feu aux séjours délicieux avec son souffle convulsif et ses anches en plastique. Dans une autre nouvelle, très documentée, il apparait que le Prince des ténèbres, Miles Davis himself, jaloux du poulain de Coltrane, ne serait pas pour rien dans l'affaire... Si vous avez d'autres tuyaux...


vendredi 17 février 2017

Questions pour un marxiste

* EN EXCLUSIVITÉ SUR LA PLÈBE *


La Plèbe : Mesdames et messieurs, bonsoir. Ce post est certainement à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire de la blogosphère. Nous avons en effet le rare privilège, l'immense honneur de recevoir dans notre studio Karl Marx, fondateur du socialisme moderne et auteur du Manifeste Communiste.
Première question, Karl Marx, je vous rappelle que vous pouvez gagner aujourd'hui un superbe salon meublé, première question donc, ne soyez pas nerveux, par quel autre développement est conditionné le développement du prolétariat industriel ?
Karl Marx : Par le développement de la bourgeoisie industrielle !
La Plèbe : Bravo, bonne réponse, on applaudit Karl Marx (on peut aller liker sur son FB), qui est en bonne voie pour gagner le salon entièrement meublé... Allez Karl, on se concentre, deuxième question maintenant : de quelle nature est la lutte des classes ?
Karl Marx : De nature politique.
La Plèbe : Magnifique, merveilleux, plus qu'une question, Karl, et ce superbe salon meublé est à vous. Vous être prêt ? Qui a gagné la finale de la coupe d'Angleterre en 1949 ?
Karl Marx : Euh... Le contrôle des moyens de production par le prolétariat ? La disparition du prolétariat rural ?
La Plèbe : Eh non, désolé Karl, c'était Manchester, qui a battu Arsenal par 2 à 1 !

D'après un texte des Monty Python.

mercredi 15 février 2017

Sacqueboute X

   Bon, alors là, on touche des sommets dans l'ouverture d'esprit du comité de rédaction de La Plèbe. Car nous entrons aujourd'hui dans le monde mystérieux de la musique contemporaine. Pour ma part (W.W.) j'ai quand même un peu de mal, même si j'ai bien compris que l'intérêt de cette musique ne se trouve pas dans la mélodie, ou l'harmonie, ni même dans le rythme endiablé, le swing, voir le groove, mais dans les bruits ou sons qui créent des ambiances, des atmosphères. On s'en rend compte en prêtant attention à certaines B.O. de films, notamment angoissants : c'est souvent du Tzimmm ! Dong ! Biiing ! Tuuuuutuuut... Prrrouêêt !, et ça le fait à donf' quand le couteau de boucher approche du sein blanc de la jeune fille en fleur nue sous la douche (vous aussi, vous pensez à Psychose). En simple écoute, et par esprit de recherche, je me suis pourtant arrêté à Olivier Messiaen, qui parfois m'étonne, parfois me fait sourire (alors que toute ça musique est inspirée par sa foi dans le demi-dieu appelé Jésus-Christ) quelques fois me laisse désemparé, d'autres enfin finissent par me les briser menu.


   Ici on a donc un tromboniste qui fait des trucs vachtement bizarre avec son appareil, je voudrais pas dire, ça semble presque malsain au premier abord. Il y fourre pas son zob, mais à un moment je me suis demandé si c'était pas ce qu'il s'apprêtait à faire. Avec son comparse à la machette et au tuyau en caoutchouc, on dirait deux bon pépères gentiment séniles à la salle de jeu de la maison de retraite.

   Sachez que son nom est Vinko Globokar, et que chez les connaisseurs facétieux on l'appelle "Gros bocal".

   Je ne pourrais pas en dire beaucoup plus, et je demande pardon si mes propos ont pu paraître manquer de respect à ce certainement excellent musicien. En ce qui concerne l'agrément que l'on peut trouver à une telle musique, à vous de juger, et de prendre votre plaisir comme vous l'entendez.

Priviouzlyonne Sacqueboute :

- Treme

La Plèbe écoute tout le temps :

Jeudi 16 février 2017 : Jazzlib' (jazz). Thème de la bi-mensualité : Exploration du superbe coffret MPS d'Oscar Peterson en solo, duo et trio, enregistré dans l'intimité par le millionnaire et amateur éclairé, Hans Brunner-Schwer. Une promenade lumineuse avec un pianiste au sommet de son art. Par ailleurs, peu de gens connaissaient l'attrait d'Oscar pour la lutherie électronique. Voici un petit film totalement hallucinant autour de sa collection privée d'instruments électroniques divers. Le plus étonnant est qu'il n'a jamais utilisé sur scène ou en studio le moindre synthé. Incroyable.
When, where, how ?
Jazzlib' sur radio libertaire 89,4 FM en RP. Tous les 1er et 3e jeudis de 20:30 à 22:00.
Podcast ou téléchargement MP3, pendant un mois, sur la grille des programmes.
Cliquer sur le lien correspondant à la bonne date (Jazzlib'/Entre chiens et loups). Attention de bien vérifier que vous êtes sur le 1er ou/et 3e jeudi, vous avez, en haut à gauche, les semaines disponibles.

lundi 13 février 2017

Islamo-gauchisme

« Oui, dimanche, c’est aussi une forme de référendum sur la conception de la laïcité qui doit être la nôtre : ou une laïcité qui s’efface ou une laïcité revendiquée. Cette belle laïcité qui est celle d’Elisabeth Badinter, de Caroline Fourest, de Mohamed Sifaoui (…) la laïcité de Malek Boutih. »
Manuel White

   J'ai entendu toujours avec peine, non seulement des jacobins révolutionnaires, mais des socialistes élevés plus ou moins à l'école de Blanqui, et malheureusement même quelques-uns de nos amis intimes, qui ont subi indirectement l'influence de cette école, avancer cette idée complètement anti-révolutionnaire qu'il faudra que la future république abolisse par décret tous les cultes publics et ordonne également par décret l'expulsion violente de tous les prêtres. D'abord je suis l'ennemi absolu de la révolution par décrets qui est une conséquence et une application de l'idée de l'Etat révolutionnaire - c'est-à-dire de la réaction se cachant derrière les apparences de la révolution. Au système des décrets révolutionnaires, j'oppose celui des faits révolutionnaires, le seul efficace, conséquent et vrai. Le système autoritaire des décrets, en voulant imposer la liberté et l'égalité, les détruit. Le système anarchique des faits, les provoque et les suscite d'une manière infaillible en dehors de l'intervention d'une violence officielle ou autoritaire quelconque. Le premier aboutit nécessairement au triomphe final de la franche réaction. Le second établit, sur des bases naturelles et inébranlables, la révolution.

 Idiot utile (barbu)

   Ainsi dans cet exemple, si l'on ordonne par décrets l'abolition des cultes et l'expulsion des prêtres, vous pouvez être sûr que les paysans les moins religieux prendront parti pour le culte et pour les prêtres, ne fût-ce que par esprit de contradiction, et parce qu'un sentiment légitime, naturel, base de la liberté, se révolte en tout homme contre toute mesure imposée, eût-elle même la liberté pour but.

Michel Bakounine.- Lettres à un français sur la crise actuelle, 1870.

jeudi 2 février 2017

La mort d'Eurydice

Le nouveau président américain a décidé d’interdire le financement d’ONG internationales qui soutiennent l’avortement, soulevant un tollé.
LE MONDE | 25.01.2017 à 21h04 |

   Quand Eurydice, Eurydice aux yeux bleu turquoise et aux bandeaux d'or roux, eut seize ans, c'était une frêle fille à taille de libellule. Mais déjà pointait en son cœur à peine épanoui la flammerole de l'amour, de l'amour qui ne distingue point entre les tiges menues que peut rompre même une fatale brise et les robustes fûts qui résistent à la tempête.
   Suave ainsi qu'un matin de mai, elle plut infiniment aux vingt ans du poète Orphée, Orphée à l'âme tumultueuse, tout à tour doux comme l'agneau et ardent comme un fauve, oscillant de la tendresse naïve à la passion farouche.
   Un soir de printemps, dans une auberge de banlieue, après une randonnée dans les bois de Meudon, par lui elle connut physiquement l'amour.
   Dès lors, elle fut un petit cœur tout battant chaud pris à pleine main d'Orphée. Et lui, une main à jamais fermée sur le cœur d'Eurydice.
   Des semaines ayant passé, un jour, baignée de joie comme en présence d'une preuve, car elle avait la simplicité d'une femme-enfant, Eurydice sentit qu'elle était grosse.

Paysage avec Orphée et Eurydice
Nicolas Poussin (1594-1665)

   Dans la souveraine insouciance du mâle pour le martyre de la femme qu'il a fécondée, Orphée chanta, en quelques poèmes où voluptueusement il glissait un los au beau plaisir d'amour, son espoir d'être père. Et pourtant il aimait Eurydice. Mais le mâle est le mâle.
   Eurydice porta péniblement le fruit du beau plaisir d'amour. Les derniers mois de sa gestation surtout furent douloureux.
   Alors, l'angoisse tordit le cœur d'Orphée. Et sa conscience s'éveilla à la vive souffrance de l'aimée. N'était-ce pas là son oeuvre, la réalisation d'un sien concept égoïste de l'amour ? N'aurait-il pas dû éviter la grossesse à la frêleur enfantine de sa compagne ? N'était-il pas un peu coupable ? Mais, comme à cette occasion son esprit délaissait souvent le rêve un peu superficiel du poète pour la méditation profonde du philosophe, il se demandait si, en définitive, la culpabilité n'était pas plutôt attribuable à la cause inconnue que les hommes appellent Dieu.
   La délivrance d'Eurydice fut laborieuse. Un moment, on crut qu'elle avait franchi le pas de la mort. Orphée était atterré. Cependant, l'enfant vint à l'existence. Mais, durant les quelques jours suivants, elle traversa un enfer de fièvre. Sa vie ne tenait qu'à un fil. Le destin voulut qu'il ne fut pas rompu. Lorsque l'accoucheur, un ami, le docteur Pluton, la jugea, quoique faible encore, hors de danger, il dit à Orphée :
   - Je te rends Eurydice, Orphée. Ménage-la : elle revient de loin... Ne lui fais pas d'autre enfant, sinon, la prochaine fois...

Orphée devant Pluton et Proserpine
François Perrier
 Musée du Louvre.

   Et son geste indiquait que ce serait la mort certaine.
   Il ajouta :
   - Tu n'ignores pas que l'homme peut se rendre maître de sa faculté d'engendrer. Tu sais ce qu'il faut faire ?...
   - Je sais, répondit Orphée. J'aime ma compagne : ce sera notre unique enfant.
   Le fils d'Orphée ne vécut d'ailleurs que quelques jours.
  Emmi les blancheurs de son lit de convalescente, la pâle Eurydice songeait qu'elle avait souffert pour l'amour d'Orphée et qu'elle était heureuse d'avoir donné sa preuve, elle aussi, encore que l'enfant ne soit pas une preuve d'amour de l'homme.

Orphée aux enfers
Pierre Paul Ruben (1577-1640)
Musée du Prado, Madrid

   - Mon Orphée, je t'aime toujours, lui dit-elle, comme ayant l'intuition du tourment de son amant.
   - Moi de même, Eurydice. Et c'est pourquoi je souffre. L'amour donne une fleur splendide et odoriférante, mais son fruit est amer. Pardonne-moi d'avoir causé ta souffrance. Je suis un homme : j'ai agi en homme. J'ai cédé à l'impulsion qui fait le monde. J'ai été l'esclave de la force inconsciente qui veut la reproduction des êtres. Mais si l'homme n'est qu'un instrument aux mains de cette force, je veux, moi, être autre chose et davantage. Mon Eurydice, je veux que tu n'aies plus à souffrir de mon amour : ce premier enfant sera le dernier.
   - Orphée, je t'aime... Si la volupté entière du geste par lequel l'homme devient père t'est nécessaire ou si le désir de la paternité te hante de nouveau, je ne te refuserai pas ce bonheur... Prends-moi toute, mon Orphée, dussé-je mourir de ta caresse...
   - Non, jamais ! conclut-il.
   Longtemps, Orphée tint parole.

Orphée ramenant Eurydice des enfers
Camille Corot (1796-1875)
Huston, Musée des beaux-arts

   Mais, depuis qu'il tenait entre ses bras une chose vivante, il avait senti peu à peu son âme se dédoubler. Il avait son âme du jour, pure, lucide et généreuse, et son âme de la nuit, trouble, hallucinée et cruelle. La première lui apportait à l'aube la bonne conscience ; mais quand elle s'évanouissait, au soir, la seconde venait, mauvaise conseillère. Il lui suffisait alors de contempler Eurydice pour sentir couler en tout son être une étrange sensation de volupté frisant le sadisme qui l'incitait à la possession totale et mortelle. Il découvrait en elle une survivance d'innocence virginale et un accomplissement de féminité dû à la maternité, dont le singulier mélange l'émouvait jusqu'au tréfonds de sa chair. En de tels moments, il la désirait imprégnée de lui-même jusqu'à la fécondation, témoignage indéniable de la maîtrise du mâle sur sa proie. Et pourtant il n'ignorait pas quelle perspective de meurtre ouvrait une semblable éventualité. Et cependant, encore, il savait qu'il éprouverait de sa perte un chagrin immense et que sans elle sa propre vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue.
   Il lutta longtemps et longtemps en lui même l'âme de lumière fut la plus forte. Mais le combat dont l'issue fixait le sort d'Eurydice était de chaque jour.
   A la musique de ses vers, il avait tenu sous le charme jusqu'à des brutes, presque des bêtes. Oui, il avait charmé des bêtes. Et cependant la bête de ténèbre qui élisait sa demeure en lui chaque soir ne cessait de hurler et de bondir.
   Son désir tournait à l'obsession. Etait-ce un désir normal ou morbide ? Il ne le savait plus. En tout cas, c'était devenu une idée fixe qui réclamait impérieusement satisfaction. Le ventre rond d'Eurydice dansait devant les yeux d'Orphée en des songeries lascives, avec un goût de déjà vu. Dans la lutte que se livraient ses deux âmes, celle du jour râlait, écrasée, réduite à l'impuissance par celle de la nuit.
   La bête triompha. Eurydice fut enceinte de nouveau.


   A mesure que les mois rapprochaient la date fatidique, l'effroi d'Orphée grandissait : effroi de l'évènement futur, effroi de lui-même.
   Il était un assassin. Il connaissait à peu près le jour où sa victime allait mourir. Et la victime savait qui était son meurtrier. Chaque soir, elle se couchait à côté de celui qui lui avait délibérément donné la mort, à l'échéance de neuf mois.
   Par un jour d'hiver gris, sale comme était devenu le cœur d'Orphée, Eurydice quitta la vie dans la torture où le beau plaisir d'amour conduit parfois celles qui l'ont partagé, mais surtout donné. Et ses derniers mots furent encore : "Mon Orphée, je t'aime !"
   Orphée, conscient de sa part de responsabilité humaine devant celle qui s'en allait et qu'il avait poussé hors de l'existence, regardait fixement cette forme naguère vivante qu'il avait aimée et détruite par amour, par le plus bassement conçu des amours. Dans son désespoir, il clamait vainement vers le Dieu sourd sa supplication : "Eurydice ! Eurydice !"
   - Eurydice est morte... Tu l'as voulu, Orphée !... dit tristement le docteur Pluton.
   Alors, les larmes aux yeux, la peine au cœur, Orphée s'assit - pour écrire un poème funèbre.

                                                                                                                    1918.

Manuel Delvaldès.- Contes d'un Rebelle.



La Plèbe écoute tout le temps :

Jeudi 2 février 2017 : Jazzlib' (jazz). Thème de la bi-mensualité : La suite (sans fin) des aventures du Duke. Ça continue car il y a tant à dire et surtout à écouter !
When, where, how ?
Jazzlib' sur radio libertaire 89,4 FM en RP. Tous les 1er et 3e jeudis de 20:30 à 22:00.
Podcast ou téléchargement MP3, pendant un mois, sur la grille des programmes.
Cliquer sur le lien correspondant à la bonne date (Jazzlib'/Entre chiens et loups). Attention de bien vérifier que vous êtes sur le 1er ou/et 3e jeudi, vous avez, en haut à gauche, les semaines disponibles.

Lundi soir 6 février 2017 : Dans l'herbe tendre (chanson française). Thème du mois : les traîtres.