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mercredi 12 février 2020

Ein Berliner

Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu.
Bertold Brecht (pas à propos de la dernière grève vaincue contre la réforme des retraites, pour l'abolition du travail au service de la bourgeoisie, de l'Etat, de celle-là et de celui-ci et pour l'autonomie des vivants dans toutes leurs activités, mais ça aurait pu).
J'habite maintenant dans la Chausseestrasse, près du cimetière "français", mes fenêtres donnent toutes sur le parc où les généraux huguenots et Hegel et Fichte reposent.
Bertold Brecht à Peter Suhrkamp, mars 1954. Libre traduction du blogueur.


Dans cette maison travaillèrent et habitèrent BB de 1953 à 1956 et HW de 1953 à 1971. C'était en RDA.

Der Zweifler (Le Sceptique), dans la chambre de Brecht.

Juste derrière le muret rouge reposent des huguenots dans leur enclos dédié.


Trouvé sur la tombe.

Mauvais temps pour la poésie

Je le sais bien : seul l’homme heureux
Est aimé. On aime à
Entendre sa voix. Son visage est beau.

Dans la cour, l’arbre rabougri
Pointe vers le sol pourri, mais
Les passants le traitent d’éclopé
A juste titre.

Les bateaux verts et les drôles de voiles du détroit
Je ne les vois pas. De tout cela

Je ne vois que le filet de pêcheur déchiré.
Pourquoi dire
Que la quarantenaire marche courbée ?
Les seins de la fille
Sont chauds comme toujours.

Une rime dans ma chanson
M’apparaîtrait presque comme de l’arrogance.

En moi combattent
L’enthousiasme devant le pommier en fleurs
Et l’épouvante devant les discours du peintre.
Mais seul le deuxième sentiment
Me pousse vers mon bureau.

Traduction de Nicole Gmünder, merci à elle !

Dans le petit cimetière de Dorotheenstadt on trouve aussi la tombe de Heinrich et Nelly Mann.

Le génial compositeur Hanns Eisler que j'évoquais déjà ici (il faut absolument écouter le disque qu'Heiner Goebbels a consacré à sa musique, splendide), compagnon de route de Brecht, plus convaincu par le socialisme réel que Kurt Weil puisque contrairement à ce dernier qui, comme un poisson dans l'eau dans le pays de la libre entreprise, du consumérisme, de l'entertainment, du fascisme et du racisme, et délivré du surmoi brechtien, préféra rester aux States après l'exil, lui, Eisler, rentra, comme Brecht, vivre dans une annexe de l'austère paradis des travailleurs capitaliste d'Etat policier, la RDA. Il faut dire que le choix était pauvre, et le dilemme cornélien, mais j'aime à croire que les deux copains marxistes furent plus motivés par la haine de l'empire bourgeois que par la foi en une équation entre stalinisme et communisme.

On croise aussi Herbert Marcuse. Lui, c'est rigolo, était resté vivre aux States, mais est mort d'une attaque en Allemagne lors d'un séjour.

Et deux cadors de la philo allemande.

L'Hegel.

Et le Fichte.

Le théâtre du grand dramaturge, le Berliner Ensemble.

Sa statue.


Die Mauer.

Oh malheureux que vous êtes !
On violente votre frère et vous fermez les yeux !
La victime hurle, et vous vous taisez ?
La brute se promène et choisit ses sacrifiés
Et vous, vous dites : « il nous épargne car nous ne montrons aucun mécontentement. »
Qu’est-ce que c’est que cette ville, quelle sorte d’hommes êtes-vous ?

Traduction de Nicole Gmünder, vienlen dank  !!!

   Allez pour finir et pour le plaisir, un petit coup de Hanns Eisler, Die Heimkehr (Le Retour), extrait d’un magnifique ensemble de Lieder, Hollywood Liederbuch qu’il a écrit dans les années 40 après son départ de l’Allemagne nazie, pendant qu'il gagnait sa croûte en faisant des musiques de films.


dimanche 2 février 2020

Judéophobie

Peu après la tentative de carnage dans une synagogue de Halle (Allemagne) en plein Yom Kippour, un sondage sur l'antisémitisme était réalisé auprès de 1 300 Allemands.


Plus de 20% des personnes interrogées déclaraient que le peuple juif avait "trop de pouvoir" sur l'économie et les médias.


L'enquête révélait que les personnes riches et diplômées n'étaient pas en reste : 18% étaient raccords avec les préjugés antisémites.


Au pays de la Solution finale, où les juifs ne représentents qu'environ 200 000 personnes sur une population de 80 millions, les actes hostiles envers eux ont augmenté de 20% en 2018.


Et au sein de l'AfD, on n'hésite pas à en rajouter.


Björn Höcke, membre de l'aile völkisch du parti, a qualifié le Mémorial du génocide de Berlin de "monument de la honte au cœur de la capitale" et a invité à rompre avec la culture de la repentance.


Propulsé tête de liste aux régionales en Thuringe, il est arrivé en deuxième position avec 23,3% des voix le 28 octobre dernier, doublant son score de 2014.


L'Histoire ne se répète jamais, dit-on, mais elle peut bégayer salement.










Brève issue du CQFD n° 182 de décembre 2019.

vendredi 30 août 2019

La dose de Wrobly : thermidor 2019 EC

- Donald Westlake.- Au pire qu'est-ce qu'on risque ?


   Je me suis encore bien bidonné avec mon Dortmunder annuel et estival. C'était le 9ème de la série, dans l'ordre. Il m'en reste encore 7 ! J'ai un peu honte tellement je ploie sous la bonne fortune : 7 ! Encore !
   Ici, Dortmunder s'en prend, à notre grande jubilation, à une petite frappe de milliardaire qui lui a piqué sa bague. On serait consolé si pour une fois c'était les gentils (i.e. le prolétariat, la bande de pieds nickelés de John, quoi !) qui gagnaient, mais je ne souhaite rien vous divulgâcher, alors...

- La France et l'Allemagne (1932-1936).


   En contrepoint de l'excellentissime divertissement ci-dessus référencé, de l'Histoire pure, compacte et massive. Editions du CNRS et universitaires (avec, je dois l'avouer, quelques militaires). Pas l'Histoire que j'ai l'habitude de lire, du point de vue des vaincus révolutionnaires qui tentons (même si je suis un branleur, je me comprends parmi vous les amis !) pathétiquement d'orienter ladite geste humaine dans le sens de nos désirs, mais du principe de réalité, du factuel, du documenté, du chiffré. Ça fait pas de mal de temps en temps. Une chiée de piqûre de rappel avec approfondissement poussé de mes cours de classe terminale. Ça chamboule chouia toutes mes belles théories pacifistes, anti-militaristes, de lutte des classes, d'internationalisme... quand on voit durant toutes ces années, de Weimar au troisième Reich, l'Allemagne se réarmer tranquillou, violant dans un fauteuil tous les traités, à côté d'une France laissant faire et permettant finalement à Hitler de reconstituer l'armée qui écrasera la patrie du maréchal Pétain en 40, on a la tentation de se dire que les fachos des Croix de Feu avaient finalement raison de militer pour écraser l'infâme dans l’œuf, et suffisamment tôt faire coucher le chien policier allemand nationalo-militariste puis national-socialiste afin qu'il ne se relève plus. Ici c'est pas pour la France qu'on tremble de rage, c'est pour la liberté, et contre l'assassinat de masse et le racisme décomplexés. Cependant il faudrait vite-vite que je me procure un bouquin de Daniel Guérin pour me remettre dans la ligne. Je me suis d'ailleurs laissé dire qu'il a manqué un Bakounine pour analyser cette période de Wiederwehrhaftmachung (remise en état de défense) allemand puis de guerre, comme il l'avait fait en 1870, avec son point de vue de guerre révolutionnaire, de peuple en arme, sans aucune complaisance envers le despotisme prussien, mais cohérent avec sa conception de la lutte des classes et du "socialisme" (désolé, c'est comme ça que ça s'appelait à l'époque...) libertaire, même si peu réaliste quand on prend connaissance de la situation réelle. Il se serait démarqué du pacifisme global, de la droite à la gauche, qui régnait en France dans les années 30, conséquemment au traumatisme que les hécatombes de 14/18 avaient profondément causé. Finalement je me dis que je n'ai pas de solution, et que je ne suis pas censé en avoir, petit animalcule balloté au sein de toute cette fureur. En tout cas, c'est passionnant, même si, pour l'été, c'est bien costaud !

   On peut lire cet ouvrage ici.

- Lawrence Block.- Tuons et créons, c'est l'heure.
   Deuxième de la série Scudder. Pas du niveau de Westlake, loin de là. Mais j'ai commencé cette série, peut-être l'ai-je déjà évoqué après la lecture du premier opus, parce que le privé est un alcoolique, certes (il n'est pas le seul), mais qui va devenir abstinent en fréquentant une association d'anciens buveurs, avec tous les commentaires plus ou moins ironiques qu'il fera sur ces groupes. C'est d'ailleurs un ami fréquentant ces twelve steps meeting qui m'avait fait connaître cet écrivain, il y a un bail. Bref, comme mon meilleur ami fréquente aussi ces lieux, ça m'a donné envie. Dès le départ toutefois j'ai été déçu : la pochtronnerie de Scudder est somme toute assez légère, ne serait-ce que comparativement à un Nestor Burma bien de chez nous. Il consomme presque comme Marlowe, ni plus ni moins, en homme fort (d'ailleurs, si on essayait de s'enfiler tout ce qu'ils s'enfilent dans une journée de la diégèse bon pied bon oeil, on alignerait un certain nombre de comas éthyliques, je crois que c'est Malet qui avait fait remarqué cela). Lui c'est le café et Bourbon. Il ne se pisse pas dessus, ne se vomit pas dessus, n'a pas d'insondables pertes de conscience et/ou de mémoire, ne rentre pas chez lui gueule en sang sans savoir pourquoi, ne se met pas à chialer d'épuisement n'importe où, n'entretient pas les forges de Vulcain dans son ventre, sa poitrine, ses veines et sous son crâne les lendemains de la veille, ne fait pas fuir de voyageuses de leurs places de métro par sa puanteur, ne semble pas plus que ça hanter les neuf cercles, semble juste un peu déprimé... Il fait des pauses au troquet, voilà tout... Et couche avec la barmaid... Je ne vois pas l'intérêt de poser le verre dans ces conditions, mais le meilleur des romans sera malgré tout certainement quand il l'aura fait, je pense. Pas mal de clichés, mais facile à lire, un divertissement reposant mais loin d'être transcendant. On est toujours à New York.


- Julien Jenger.- La Libre Pensée, l'alcool et le sport : Rapport présenté au congrès national de la Libre Pensée Marseille, 15 et 16 août 1924 .
   C'est complètement un hasard, mais il est encore question d'alcool dans cette petite brochure. Moi, perso, vu que mon meilleur ami est abstinent depuis lurette pour des raisons de santé, voir de vie ou de mort, les problèmes liés à l'alcool et autres produits modifiant le comportement me passent complètement au dessus de la tête. Je m'en considère comme délivré y compris au niveau de la société des débats. Mais j'ai quand même une petit opinion qui, malgré la conscience et l'expérience directe de mon meilleur ami et par le biais de nombreux amis dont un certain nombre n'en sont jamais revenus que je puis avoir des conséquences épouvantables de la maladie de la dépendance active, en tant que libertaire, certes, mais surtout en tant que meilleur ami d'alcoolique, je ne crois pas aux vertus de la prohibition, et même pas trop non plus à celles de la prévention. Ceux qui ne sont pas dépendants consomment et ça ne constitue aucun problème, ni pour eux, ni pour leur entourage. Pour les malades en revanche, aucune prévention n'y fera rien : ils devront aller jusqu'au bout de la nuit, toucher le fond de l'enfer avant d'avoir l'improbable et rare mais pourtant existante étincelle qui leur fera peut-être refaire surface, avec de l'aide.
   Le camarade Jenger, lui, il est beaucoup plus radical que moi. Pour lui, pas de révolution tant que l'homme pressera le raisin : il est pour l'abolition de l'alcool et des drogues et il appelle les camarades à rejoindre son juste combat. Par contre il n'est pas pour l'abolition du sport mais pour son aménagement anti-capitaliste en "culture physique".
   Alors moi je veux bien, mais je pose quand même la question : si on abolit la religion et le pinard, comment qu'elle fera pour soupirer, hein, la créature opprimée ?

lundi 3 octobre 2016

Eisler par Goebbels

   Parmi ce que notre soeur blafarde l'Allemagne a créé de mieux, de mythique même, il y a évidemment Bertold Brecht et le musicien Kurt Weill, qui lui est souvent inséparablement lié. Toute cette mouvance artistique et politique est bien rendue dans le roman Comedia de Thierry Jonquet, qui, à défaut d'une fin décoiffante (une fois n'est pas coutume), a su y créer une atmosphère faisant écho à mes rêves et fantasmes d'Allemagne.

   En revanche je ne connaissais pas, et la vie est chouette pour ça, c'est que tant qu'on est pas définitivement devenu un légume, à cause d'Alzheimer ou de la télévision..., on n'a jamais fini d'apprendre avec passion ; je ne connaissais pas, donc, un autre musicien ayant beaucoup composé pour Brecht, et dont, comme celui-ci, la vie fut mouvementée, digne d'un roman de John Le Carré : Hanns Eisler, qui, en fait d'allemand était autrichien et élève de Schönberg. Le premier morceau que j'ai entendu d'Eisler est d'une tristesse infinie, et d'une grande beauté : Und ich werde nicht mehr sehen. Sur Ioutube je n'ai trouvé que ces versions :




   Mais quand j'ai découvert le morceau, c'était par Heiner Goebbels (et non ! c'est pas le même, vous avez eu peur, hein ? moi aussi au début), compositeur allemand né en 1952, qui a consacré un disque à la musique d'Eisner.  Cette version est magique. Il y a notamment un cor qui vous colle un noir ! Malheureusement je ne l'ai pas trouvée sur le site de vidéo susnommé. En remplacement, un autre morceau, extrait de ce disque, et d'autres sur le site :