lundi 26 septembre 2022

Sacqueboute LXXII : James Morrison.

[...] lorsque je m'aperçus, au comble de l'horreur et de l'étonnement, que je n'avais plus d'haleine.
Edgar Allan Poe.- Perte d'haleine.

   Temps de merde, monde asphyxiant, guerres sales, bêtes immondes. Heureusement qu'il y a des acrobates, notamment du trombone dans cette rubrique, pour nous redonner du souffle et nous changer les idées. Celui-là, James Lloyd Morrison, est un peu limité, il ne joue pas de batterie :

Cette petite fantaisie technologique, dont le genre est devenu très à la mode sous le COVID, date de 2011.

   En revanche, il joue du trombone, mais aussi de la trompette, de l’harmonica, du saxophone, de la contrebasse et du piano. Il est également compositeur.


   Il est né le 11 novembre 1962 à Sydney, État de Nouvelle-Galles du Sud, Australie.


   Virtuosité, performances de cirque, bon jazz qui groove, plein les yeux et les oreilles, et c'est bon. On respire.


SACQUEBOUTE
Priviouslillonne Sacqueboute :
Mnozil Brass
Kai Winding
Wolfgang Amadeus Mozart
Jimmy Knepper
Louis Nelson
Charlie Green
Vincent Gardner
Curtis Fuller
Jason Horn
les esprits / 2- le spectre
Samuel Blazer
l'Essaim de nuit
les esprits / 1- les furies
Kronstadt
Jörgen van Rijen
La Belle image
Kropol
les sacqueboutiers de Toulouse
Tintin
Wycliffe Gordon
Donald
Robinson Khoury
Willie Colon
Sébastien Llado
Mathias Mahler
Charles Greenlee
Dick Griffin
Guive
Voilà du boudin
Bruce Fowler
Glenn Miller
Nils Landgren
Grachan Moncur
Le Trombone illustré
Bettons Tenyue
Watt
Curtis Hasselbring
Steve Turre
Les trois trombonistes de Marc Ducret
Yves Robert
Daniel Casimir
Gary Valente
Chicago
Moon Hooch
Raymond Katarzynski
Albert Mangelsdorff
Christiane Bopp
Honoré Dutrey
Viscosity
Fred Wesley
Dave Lambert
Roswell Rudd
Curtis Fowlkes
Melba Liston
La Flûte aux trombones
La Femme tronc
Journal intime
Gunhild Carling
Nils Wogram et Root 70
Carl Fontana
Animaux
Trombone Shorty
Cinéma
Feu
Le Canadian Brass
Local Brass Quintet
Buddy Morrow
Bones Apart
J.J. Johnson
Lawrence Brown
Vinko Globokar
Les funérailles de Beethoven
Treme
Craig Harris
Mona Lisa Klaxon
Juan Tizol
Bob Brookmeyer
Daniel Zimmerman
Frank Rosolino
Rico Rodriguez
Kid Ory

mardi 20 septembre 2022

La dose de Wrobly : fructidor 2022 E.C.

     - Edgar Allan Poe.- Contes - essais - poèmes.
     J'ai lu les Histoires extraordinaires et les Nouvelles histoires extraordinaires plusieurs fois quand j'étais jeune ado. J'en ai de bons souvenirs. C'était des Folio qui traînaient à la maison. Mais du coup j'avais une vision de l'auteur, Poe, conforme à la légende qu'en avait créé, dans ses préfaces, le traducteur, pour pouvoir s'annexer un autre poète maudit, un semblable, un frère. Ce traducteur de la plupart des contes, et qui le reste aujourd'hui dans toutes les rééditions, est bien sûr Charles Baudelaire. En fait, si Poe était peut-être bien alcoolique, en tout cas quelques indices de sa biographie peuvent le laisser penser, il était bien moins destroy que Baudelaire et son premier éditeur américain (de Poe), R. W. Griswold, un vrai salopard qui le détestait et ne cessa de la calomnier, se sont plus à le décrire. "C'est ici la première mention de l'opium à propos de Poe ; c'est la contribution personnelle de Baudelaire au mythe. Car nul chercheur n'a jamais découvert la moindre trace de drogue dans la vie de Poe, si ce n'est cette unique dose de laudanum prise - pour se suicider ou calmer une rage de dents, nul ne le sait. Je dis bien laudanum, inoffensif ingrédient de tant de médicaments au XIXème siècle. L'opiomanie d'Edgar Poe, cautionnée par d'insouciantes thèses de médecine, est née d'un rêve de Baudelaire. La mode a fait le reste." Claude Richard dans l’introduction.
     Je relis donc tous les contes, mais dans leur ordre de parution, et sans la classification baudelairienne en Histoires extraordinaires, Nouvelles histoires extraordinaires, etc. Il y en a plein d'inédits pour moi, car je n'avais pas lu les Histoires grotesques et sérieuses, non plus que les Aventures d'Arthur Gordon Pym. Les traduction restent de Baudelaire. Il y a aussi des poèmes traduits par Mallarmé. D'autres traducteurs interviennent aussi pour les inédits.

     Un régal et des souvenirs en perspective !
René Magritte.- La Reproduction interdite. Sur la cheminée : Les Aventures d'Arthur Gordon Pym

     - Georges Simenon.- La Guinguette à deux sous.
     "Qu'est-ce qui provoqua le tour de clef ? Maigret eût été bien en peine de le dire. Peut-être la mollesse du soir, la petite maison blanche avec ses deux fenêtres lumineuses et le contraste avec cette invasion carnavalesque ?"
     Le déclic provoquant un éveil soudain à la réalité profonde et sensible d'une situation, une fusion avec une ambiance, un peu comme celui qui se produit via l'ingestion de la madeleine de Proust ressuscitant par une telle illumination la connaissance intime et totale, même si fugace, supérieure à celle du simple intellect et des sens, un monde révolu d'affects, ce déclic, donc, Simenon le désigne par la métaphore "tour de clé", ce qui peut résonner bien sinistrement quand ce phénomène se produit dans la vie d'un commissaire de police. Mais au-delà du prétexte flicard des Maigret, et tout en appréciant le petit jeu du Whodunit, c'est avant tout la création d'une atmosphère qui nous fait apprécier ces petits romans. Après, qui était le gus jeté dans le canal Saint-Martin, et qui était son tueur, ça reste quand même un peu anecdotique.

     - Collectif Angles morts .- Vengeance d'Etat - Villiers-le-Bel, des révoltes aux procès.
     Mon livre d'actualité du mois. Hein ? Ça a 25 ans ? Enfin un peu moins, le livre étant sorti quelques années après les révoltes de 2007. Oh ! là ! là ! Comme le temps passe ! Alors un souvenir : à l'époque, en 2007, j'habitais encore Paris intra muros, porte d'Asnières, dans un appartement de la ville de Paris, avec mes deux chats. Puis j'ai rencontré la Dulcinée avec qui je vis encore aujourd'hui et dont j'ai eu un fils. Celle-ci habitait Ecouen, dans le 95, où je vis aussi depuis 24 ans. Observons une carte : Ecouen est limitrophe de Villiers-le-Bel. Plus petit bourgeois, même s'il y a aussi quelques quartiers populaires, ainsi que des zones pavillonnaires à Villiers-le-Bel. Un soir de 2007, nous rentrions chez elle de Paris, on alternait pour se voir chez l'un ou chez l'autre. J'avais suivi de loin l'actualité comme d'habitude, et j'étais peut-être moins politisé à ce moment d'une nouvelle rencontre qui allait peut-être mettre fin à mes 20 ans de célibat depuis ma majorité. Et puis depuis 10 ans j'avais aussi un peu décroché des préoccupations révolutionnaires frustrées pour sauver ma peau en apprenant à mettre un pas devant l'autre dans la vie sans faire usage d'alcool. C'était la nuit, je me suis trompé de chemin je crois et voilà-t-y pas qu'on se retrouve face à des insurgés en plein milieu de la route ! "Merde !" m'exclamai-je en me remémorant les homicides policiers et la révolte consécutive, il ne manquerait plus qu'ils nous prennent pour des flics, ou qu'en colère ils ne fassent pas la différence, nous retournant la bagnole et y foutant le feu. Ce serait vraiment trop con, sur un malentendu, de se retrouver dans une fâcheuse situation. Bon, j'ai un peu flippé mais finalement il n'y a pas eu de problème, j'ai fait demi tour et on a retrouvé le chemin d'Ecouen. Mais j'avais rencontré l'Histoire, sans le faire exprès, comme Fabrice à Waterloo !
     Ce livre raconte les révoltes consécutives à la mort des deux jeunes percutés par un voiture de police, et aussi et surtout la féroce répression qui s'en est suivie, avec témoins sous X rémunérés pour pouvoir emmurer sans aucune preuve de jeunes insoumis des cités beauvillésoises.

     - Me Jacques Bonzon.- L'Internationale financière II : l'Asie.- 1922.
      "Ainsi notre seconde étape nous a menés jusqu'aux terres jadis fabuleuses, au Fleuve Jaune, où sont les cormorans. Mais la Finance qu'elle nous a montrée, offre-t-elle des traits nouveaux ?
     N'est-ce pas déjà celle que nous avions vue en Europe ? Partout la même avidité, la même imprudence, la même inconscience. En détroussant les peuples, elle les exaspère. Et l'entrechoc des ces peuples, c'est son œuvre. Peu lui importe si l'une des ses Banques est gérée par des fripons, que leur écharpe sénatoriale assure de l'impunité. La Finance exploite l'idéalisme, et ce nom de Patrie qu'elle prétend vénérer : à la France de payer les friponneries de ses Financiers et de ses Parlementaires.

     Cependant le nuage des haines exaspérées s'étend sur le Monde."


     De Me Jacques Bonzon j'avais lu Les Emprunts russes, deux fois, le 13 décembre 2009 et le 22 septembre 2011. Un auteur dont les essais sont précieux pour comprendre les grands enjeux de notre société et les tourmentes de notre monde contemporain.

     - Gaston-Martin.- Marat, l'ami et l'oeil du peuple.- Rieder, 1938.
Mort de Marat : version A.


Mort de Marat : version B.

     Indignation, union sacrée et résistance de la classe politique face à l'entrée des radicalisés de la NUPES au palais Bourbon, un précédent historique :
     L’élection de Jean-Paul Marat prit, tout de suite, les proportions d'un scandale. Ceux qui allaient être appelés à siéger dans la même Assemblée se sentirent déshonorés de ce voisinage. Ils étaient tous, même les plus avancés, des bourgeois d'allure et de formation et des parlementaires d'inclination chez qui le souvenir des séances royales, vieux tout juste de trois ans et demi, maintenait une tradition de correction et de discipline. Prêts à s'entre déchirer, ils entendaient ne s'envoyer à la mort qu'en des harangues académiques. Marat, lui, c'était la rue ! Personne ne semble plus se souvenir qu'il fut naguère un médecin notoire, un candidat à l'Académie des Sciences, aussi mondain que beaucoup d’autres. Il vit désormais comme un rustre, il en a pris les allures et le débraillé qu'un peu de démagogie lui fait peut-être exagérer à dessein ; sa violence continue déferle en invectives sur les gens et les institutions. On ne fraie pas avec un homme pareil. Sa présence même attente à la majesté de la loi qui se se substitue d'office - et quasi dans les mêmes formes - à celle du souverain détrôné.
     Même la députation parisienne, dont certains soutinrent sa candidature pour les besoins de leur propre campagne électorale, tient en suspicion ce réprouvé. Son manque de tenue répugne à Robespierre. Danton en redoute la clairvoyance et la probité aux violences populacières ! Avant qu'il n'ai siégé, la presse de droite et du centre en demande l'invalidation au nom de l'ordre public. Il lui répond avec sa coutumière fureur ; dénonce les traîtres qu'un mode inepte de scrutin a envoyé à la Convention nationale ; s'indigne que le Manège ait été choisi comme salle, avec ses tribunes étroites, à peine capables de contenir 300 auditeurs, quand il en aurait fallu des milliers, prêts à "lapider" les mandataires infidèles !


     Ça fait rêver ! On est content d'en connaître un peu plus sur Marat, qui nous est plutôt sympathique (Babeuf le considérait comme un authentique révolutionnaire, ami de la liberté et de l'égalité, et surtout Michel Onfray lui a craché dessus un livre de son venin falsificateur et haineux, que je n'ai pas lu), même si le gus est un peu violent (on ne cautionne pas les lynchages, ni les exécutions sommaires de prisonniers, ni même la peine de mort en général - sauf peut-être pour certains généraux - que ses écrits irascibles auraient provoqués...), mais l'on n'a pas lu non l'Ami du peuple pour savoir si Jean-Paul a réellement appelé aux massacres de septembre 1992, où aristocrates, simples suspects de traîtrise comme prisonniers de droits communs (souteneurs, prostituées, faux monnayeurs...) ont été exterminés par la foule...
     A noter que ce livre est édité aux éditions Rieder, où officiait Marcel Martinet, et qui ont publié notamment Madeleine Vivan, Tristan Rémy, Lucien Bourgeois et Panaït Istrati !

vendredi 16 septembre 2022

Les yakuzas à la plage


      Après mes cycles Kurosawa, Mizoguchi et Ozu, je redescends un peu le temps pour découvrir l’œuvre d'un réalisateur plus jeune, Takeshi Kitano.

     J'ai souvent rencontré des émanations du Japon dans ma vie. Une petite amie japonaise, guide touristique originaire d'Osaka, pendant cinq ans, de 22 à 27 ans à la louche. Dans la folie de la jeunesse je ne me suis intéressé ni à sa langue (j'entends l'idiome, en ce qui concerne l'organe musculeux permettez-moi de garder un voile pudique sur la question), ni à sa culture, ni à son pays, ni à son histoire, ni à ses parents, ni à son enfance, sa vie là-bas, son parcours... quel con j'étais !). Puis à 27 ans, très mal dans mes baskets j'ai commencé l'aïkido, entraîné par un copain anar et enthousiaste. L'aspect japonais de cet art martial m'en touchait une sans déranger l'autre. Deux ans plus tard, ayant arrêté la picole et recherchant une pratique spirituelle pour retrouver un peu de force vitale face aux ruines qu'étaient ma vie et mon état de vie, je me suis mis à réciter un mantra bouddhique japonais. Cela ne m'a pas plus incité à me renseigner sur ces îles lointaines. Ça aurait pu durer encore longtemps et j'aurais pu continuer à pratiquer l'aïkido comme s'il s'agissait d'une déclinaison de notre savate, avec des mots techniques étranges mais sans racines, si ma mère et ma compagne n'eurent l'idée de quêter pour m'offrir le vrai voyage en 2019 pour mes 50 ans. Depuis, je suis devenu un aficionado (pas trouvé le terme japonais). J'apprends la langue, je surveille toute irruption de la culture (peinture, architecture, arts divers, histoire...) dans ma vie, et je ne regarde quasiment plus que des films japonais, histoire de rattraper mon retard. Je précise qu'ayant peu de temps en raison d'une boulimie d'activités qui caractérise bien le côté excessif de ma personnalité, je communie avec tout cela par pincées (c'est pas demain la veille que je parlerai nippon, je ne parle même pas allemand, ma première langue, que j'étudie toujours aujourd'hui).

     Parallèlement je constate une mode de dingue pour le Japon. Allergique aux vagues de caprices consuméristes et à toute injonction publicitaire et médiatique je m'en inquiète : serais-je devenu conformiste ? Heureusement je réalise que je n'ai que peu de goût pour les choses qui plaisent : mangas, anime (sauf exception), jeux vidéos, cosplay, idols... Par ailleurs l'essorage sur tatami restant encore une niche assez confidentielle, presque un goût pervers, et ne connaissant personne autour de moi adepte d'Ozu, je suis plutôt rassuré.
     Cependant, Takeshi Kitano, cinématographiquement parlant, c'est un peu l'anti-Ozu radical. Ozu : des films réalistes, tendres et familiaux, ou il se passe peu de chose, sinon les drames sentimentaux de toute existence, la perte des parents, la séparation d'avec ceux-ci, le passage de l'enfance à l'âge adulte, de la minorité en famille à la vie de couple, la vieillesse... Kitano c'est : film de genre et d'action, spécialement de gangsters, mais avec sa patte artistique vraiment originale. A la base c'est un humoriste de télé. Une espèce de pitre médiatique. S'étant mis au cinoche il s'est spécialisé dans les films de yakuzas ultra-violents... mais pas seulement, et les adeptes des films d'action et de thrillers (à la John Woo) pourront être frustrés : ses films sont aussi poétiques et le rythme de l'action est souvent cassé, par des scènes de jeux de plage notamment. Touche à tout, il fait aussi de la peinture et autres activités artistiques. Il a notamment influencé Quentin Tarantino, et ça se reconnait souvent (par exemple le côté puéril des tueurs de la mafia entre deux carnages). Cerise sur le gâteau : les BO des films de Kitano sont de Joe Hisaishi, eh oui ! le compositeur des anime de Miyazaki (Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké...), que personnellement j'affectionne particulièrement, films et musique.

- Sonatine, mélodie mortelle, 1993.


Raisiné et jeux de plage.

- Aniki mon frère, 2000.


Carnage balnéaire.

- Dolls, 2002.

     Ce film est un peu à part. C'est un peu une parabole à sketchs sur l'amour fou, l'amour glauque, morbide, à mort. J'ai pensé aux Amants crucifiés de Mizoguchi (même si eux ne sont pas fous, juste très amoureux et en butte à la persécution de l'ordre social et moral qu'ils tentent de fuir), mais aussi à Dodeskaden (cette transfiguration des réprouvés, des marginaux) de Kurosawa, et à Rêves, du même et pour la la même raison d'une esthétisation aux couleurs et à la lumière à l'effet surnaturel ou onirique de l'enfer.

- Outrage, 2010.

     Une scène fait obligatoirement penser à Marathon man, en ce qui me concerne du moins, mais en moins douloureux pour le spectateur, car plus excessif donc moins réaliste. C'est dégueulasse, mais on y croit moins. Un indice ? Œil pour œil, dent pour dent.

- Jugatsu, 1990.


Défouraillage et crustacés.


Et merci à George Weaver, qui m'a informé d'une série d'émissions sur France Culture sur le cinéma japonais, c'est ici !