dimanche 10 mai 2020

Les livres qu'on aurait aimé lire (ou relire)


   Comme vous le savez Wroblewski s'est engagé depuis quelques temps dans des lectures au long cours. Deux sommes, la première de 1 156 pages (1 664 avec les notes), le tome 1 (1691-1701) des Mémoires de Saint-Simon et la deuxième de 580 pages bien chargées, une masse sur l'art japonais. Du premier il en est à la page 570 (1 444 pour les notes) et du deuxième à la page 8. D'où l'interruption de votre rubrique La Dose de Wrobly, forcément. C'est pourquoi, boulimique bibliomaniaque comme il est, et prenant quasiment autant de plaisir ou s'excitant comme un ecclésiastique face à une proie sexuelle kif kif en manipulant les bouquins ou en parcourant une bibliographie qu'en déchiffrant d'un bout à l'autre un ouvrage, il décida dans son immense névrose, et son insondable bienveillance, de créer cette nouvelle rubrique.


Les livres qu'on aurait aimé lire :

   Le temps étant à la fin de la glande heureuse bien que confinée (pour les petits chanceux comme moi qui n'ont pas été obligés de continuer à aller au front du chagrin pendant cette crise sanitaire, comme les soignant(e)s, éboueur(e)s, caissiers(ères), femmes et hommes de ménage, livreurs(euses), etc., respect pour eux), demain étant le grand retour au travail contraint pour ceux qui avaient pu y échapper deux mois, j'ai eu le désir, inassouvi donc (cf supra), de lire quelques monographies sur le travail.

- Corouge Christian / Pialoux Michel.- Résister à la chaîne : dialogue entre un ouvrier de Peugeot et un sociologue.- Agone, 2011.
   Quand on apprend qu'une usine a repris pendant le confinement, qui fait quoi ? des masques ? des tests ? non ! des bagnoles , alors que les stocks en regorgent, ça fait tousser!

- Anställning Äke.- Le Travailleur de l'extrême.- CMDE, 2018.

- Zalzett Lily / Fihn Stella.- Te plains pas, c'est pas l'usine.- Niet, 2019.



Les livres qu'on aurait aimé relire :

- Pouget Emile.- Le Sabotage.- Presses du réel / Le Flibustier.- 2005 / 2009.

mardi 5 mai 2020

Les jolies moeurs du Grand Siècle


    Je ne sais si tout le monde détestait déjà la police à l'époque, mais les policiers savaient s'adonner à de tendres jeux pendant le service :

Harcourt avait le bâton pendant la cérémonie, parce que, au changement de quartier parmi les capitaines des gardes, celui qui [...] garde le bâton jusqu'au sortir de la messe du roi, et à la porte de la chapelle le donne à celui qui le relève.
Mémoires de Saint-Simon (année 1705).

On pouvait y noter une grande perméabilité inter-classiste, et point de pharisaïque pruderie chez les femmes :

C'était une femme d'esprit, hardie, entreprenante, qui, à l'abri de ses neveux Sobieski, se mit dans la tête de faire accroire que, parce qu'elle avait été dame d'atours de la Reine, elle devait baiser les filles de France.
Mémoires de Saint-Simon (année 1696).

Celles-ci étaient au demeurant déjà férues, et à raison, d'écriture inclusive, et savaient la défendre bec et ongles face aux cuistres.

Mme de Sévigné s’informant de ma santé, je lui dis : “Madame, je suis enrhumé. – Je la suis aussi, me dit-elle. – Il me semble, Madame, que selon les règles de notre langue, il faudrait dire ‘Je le suis.’ – Vous direz comme il vous plaira, ajouta-telle, mais pour moi je croirais avoir de la barbe si je disais autrement.”
Gilles Ménage.- Menagiana, 1693.

Bien que Vaugelas l’eût condamné, on trouve encore jusqu'au XVIIIème siècle l’accord du pronom en genre et en nombre avec l’adjectif qu’il représente. Et aujourd’hui ? Je propose que l'on vote cela aux motions d'ordre de la prochaine AG.

On savait encore faire de belles rencontres dans les latrines.

Madame de Choisy, autre personne du grand monde, alla voir la comtesse de Fiesque et y trouva grande compagnie ; l'envie de pisser la prit : elle dit qu'elle allait monter en haut chez la Divine, qui était Mlle d'Outrelaize. Elle monte brusquement, y trouve Mlle de Bellefonds, tante paternelle du Maréchal, jeune et extrêmement jolie, et voit un homme qui se sauve, et qu'elle ne put connaître.

La camaraderie amoureuse n'était pas encore un vain mot : au mépris des préjugés de différence d'âge : hors de question de faire "nanana" des manières :

[...] c'est ce qui donna lieu à la duchesse de Bracciano de faire deux voyages en France, au dernier desquels elle passa quatre ou cinq ans. C'est celui où je la connus, et où je puis dire que je fis avec elle une amitié particulière à l'occasion de celle qui était entre elle et ma mère dès son précédent voyage. Elle deviendra bientôt un personnage si grandement singulier que je me suis volontiers étendu sur elle.
Mémoires de Saint-Simon (année 1698). 

Minute 7.24 à 7.30 : une critique littéraire sans concession.
En revanche, les mœurs patriarcales insupportables et inadmissibles de notre époque connaissaient déjà leurs premiers balbutiements :

Ce dernier [le duc de Toscane - ndb] garda aussi l'incognito ; mais, ce nonobstant, le Roi voulut le distinguer, et qu'il baisât Mme la Duchesse de Bourgogne [l'épouse de treize ans de son petit fils - ndb].
Mémoires de Saint-Simon (année 1698).