La belle [...] se dégagea encore en criant : "Non, tu ne me la mettras pas..." Mais en faisant ce mouvement, elle lâcha un pet, non pas un pet vulgaire, mais un pet au son cristallin qui provoqua chez elle un rire violent et nerveux. Sa résistance alors se relâcha, ses cuisses s'ouvrirent...
Comme vous devez le savoir si vous êtes attentifs à ce blog, j'épouse la cause féministe. Tout en restant fondamentalement un dominant, bien sûr, on n'efface pas 5 000 ans d'histoire, auxquels je peux aisément rajouter sans trop de risque de me tromper 7 000 piges de néolithique, et une éducation de garçon par des bons sentiments et des intentions généreuses. Mais, malgré cela, je pose certains actes (je ne me contente pas de vœux pieux, ah ça non !), certains ont d'ailleurs fait l'objet d'articulets de ce blog et je vous invite à vous y reporter.
Ce que vous ne savez pas, en revanche, c'est que pour donner une cohérence à ma lutte, j'ai arrêté le sexe avec une autre personne. Notamment ma compagne. Je suis depuis plusieurs années abstème en ce domaine. La relation hétéro-sexuelle est aussi par trop ambiguë, et toujours, malgré qu'on en aie, elle reste empreinte de traces de sperme patriarcales. Ainsi, quand au milieu des transports les plus haletants je déclarais à ma moitié (rien que ce terme pue la phallocratie) : "Oh ! t'es bonne ma poulette" : il ne faut pas être sorti des Femen pour comprendre que cette comparaison est fort humiliante. De même, dans une intériorisation de sa condition subalterne mon amie, au plus fort de l'échauffourée, me scandait "Fais moi mal ! Wrobly ! Wrobly ! Wrobly ! Chuis pas une mouche !!!". Il n'y avait donc pas photo, un grand stop ! s'imposait pour mettre en adéquation mon éthique et mes tocs.
Cependant, l'homme a des besoins, même s'ils ne sont point si impérieux qu'ils puissent justifier la moindre indélicatesse faite aux femmes, comme le dit bien Claude Guillon, que je suis sur ce point. Mais, il est quand même travaillé à l'occasion de quelques pulsions taquines, l'homme. C'est pourquoi, taillant bien mal une certaine cote, je décidai de conserver malgré tout une sexualité onaniste. Mais comment stimuler mon imagination hétérosexuelle normée sans retomber dans la machisme pornographique, qu'il soit commercial ou purement imaginatif ? Simple : non contente d'être solitaire, mon érotomanie serait solidaire, bio, vegan et de surcroit, équitable !
A défaut désormais de m'autoriser à goûter les fruits de l'amour, je découvris l'amour des fruits, grâce à l'artiste américaine Stéphanie Sarley, et depuis, je puis dire, et je le disais encore à ma concubine qui lessivait la cuisine l'autre jour pendant que je surfais sur des sites féministes, mais elle n'entendait rien, elle venait de lancer une lessive et le bruit de la machine c'est infernal, c'est un peu pénible de ne pas pouvoir bénéficier de toute l'attention qu'on pourrait penser mériter, avec tous les efforts que je fais... ; je puis dire, donc, que je vis désormais une sexualité épanouie et sans la moindre cruauté !
Et en plus je partage mes bons plans ! Merci qui ?
Pourquoi le Viagra ? Que dire de plus sur cette nouvelle frontière de l'aberration que l'humanité vient de franchir ? [...] L'important n'est pas tant la mutation anthropologique qu'opère le Viagra, que le terrain préexistant à son apparition, depuis longtemps colonisé par les formes les plus insidieuses de l'oppression.
Tiqqun 1.
Vous me direz, moi, des rhinocéros, j'en ai jamais vu, j'ai pas beaucoup pris l'avion, ou alors à l'occasion dans un zoo, mais c'est pas un bon exemple, une bête sauvage en captivité, quelle horreur ! Alors que dans dix ans il n'y en ait plus, pour que les adeptes de la pharmacopée traditionnelle chinoise bénéficient d'érections que cent fleurs ne sauraient masquer, ça devrait me laisser indifférent. Pourtant j'aimais bien savoir qu'ils existaient, là-bas, comme toutes les espèces vivantes disparues ou en passe de l'être bientôt. Oui mais voilà, la corne de rhino en poudre vendue au prix de la coke, ou de l'or, je ne connais pas bien les cours, infusée, provoque l'érection, alors on les tue. L'important n'est-il pas que les petits coqs du phénix des espèces vivantes terrestres, le majestueux être humain, puissent se targuer d'être de rudes lapins ? Vous pourriez me dire, que se ronger les ongles aurait le même effet, vu que l'une comme les autres ne sont que kératine pure, mais là vous chercheriez vraiment la petite bête.
On connait les autres victimes de l'instinct lestement gaulois de nos congénères : le pangolin, dont les écailles font bander et le sang donne envie, la peau d'âne (c'est pas une blague) en gélatine remplit à bloc vos corps caverneux, la bile d'ours (vivant), vous redonne de l'ardeur pour besogner bobonne ou l'esclave sexuelle des vacances.
Tout cela est de notoriété publique, mais La Plèbe, ce sont : des scoops, de l'innovation, de l'excellence, et de nouveaux prospects largement targetés. Nous avons pu consulter en exclusivité certaines des dernière dépêches de Wikileaks. Il s'agit d'enregistrements d'ébats, de mandarins d'une grand puissance que nous ne citerons pas d'une part, de hautes personnalités du ministère Philippe d'autre part, qui révèlent des actes de barbarie dans un but sexuel sur deux nouvelles espèces : la poule, et l'huître.
Vous trouverez ci-dessous les dépêches telles quelles. Nous n'avons pas cru bon y porter la moindre modification, l'éthique de notre blog étant, depuis sa création, l'information, rien que l'information, toute l'information. Nous laissons au lecteur le soin de se faire sa propre opinion sur ces pratiques. Nous nous contentons de souligner les passages où les actes de barbarie envers les animaux sont évoqués.
Premier document :
Fragments survivant de la deuxième édition d'I Modi, British Museum.
Plus je regarde ta figure, plus j'en veux à ton époux. - On dit qu'il était laid. - On l'a dit : aussi mérite-t-il d'être fait cocu ; et nous y travaillerons toute la nuit. Je vis dans le célibat depuis huit jours, mais j'ai besoin de manger, car je n'ai dans mon estomac qu'une tasse de chocolat, et le blanc de six oeufs frais que j'ai mangés en salade accommodée à l'huile de Luques, et au vinaigre des quatre voleurs. - Tu dois être malade. - Oui : mais je me porterai bien quand je les aurai distillés un à la fois dans ton âme amoureuse. - Je ne croyais pas que tu eusses besoin de frustratoire (= aphrodisiaque. Note du blogueur). -
Qui pourrait en avoir besoin avec toi ; mais j'ai une peur raisonnée, car s'il m'arrive de te rater, je me brûle la cervelle. Qu'est-ce que rater ? - Rater, au figuré, veut dire manquer son coup. Au prore c'est lorque voulant tirer contre mon ennemi mon coup de pistolet l'amorce ne prend pas. Je le rate. - Maintenant je t'entends. Effectivement mon cher brunet, ce serait un malheur, mais il n'y aurait pas de quoi te brûler la cervelle. - Que fais-tu ? - Je t'ôte ce manteau. Donne-moi aussi ton manchon. - Ce sera difficile, car il est cloué. - Comment cloué ? - Mets-y une main dedans. Essaye.
- Ah le polisson ! Est-ce les blancs d'oeufs qui te fournissent ce clou ? - Non, mon ange, c'est toute ta charmante personne.
"Nous, on n'est pas contre de rendre service, si c'est pour le sommet de la création qui va réaliser l'Esprit dans l'Histoire. Mais qu'on nous accorde une once de dignité !"
Je l'ai alors soulevée, elle m'embrassa (= m'entoura de ses bras. Note du blogueur) aux épaules pour me peser moins, et ayant laissé tomber le manchon, je l'ai saisie aux cuisses, et elle se fortifia sur le clou ; mais après avoir fait un petit tour de promenade dans la chambre, craignant des suites, je l'ai posée sur le tapis, puis m'étant assis, et l'ayant fait asseoir sur moi, elle eut la complaisance de finir de sa belle main l'ouvrage cueillant dans le creux le blanc du premier œuf.Reste cinq, me dit-elle : et après avoir purifié sa belle main avec un pot-pourri d'herbes balsamiques elle me la livra pour que je la lui baisasse cent fois. Devenu calme j'ai passé une heure lui faisant des contes à rire ; puis nous nous mîmes à table.
Marcantonio Raimondi : l'une des 16 gravures inspirées de Giulio Romano et produites pour illustrer les poèmes de L'Arétin (1524).
Sur la barbarie envers les poules dans un but sexuel voir aussi ici.
Deuxième document :
Après avoir fait du punch nous nous amusâmes à manger des huîtres les troquant lorsque nous les avions déjà dans la bouche : elle me présentait sur sa langue la sienne en même temps que je lui embouchais la mienne : il n'y a pas de jeu plus lascif, plus voluptueux entre deux amoureux, il est même comique, et le comique n'y gâte rien, car les ris ne sont fait que pour les heureux. Quelle sauce que celle d'une huître que je hume de la bouche de l'objet que j'adore ! C'est sa salive. Il est impossible que la force de l'amour ne s'augmente quand je l'écrase quand je l'avale.
"Nous non plus on n'est pas contre participer, mais un peu de reconnaissance, c'est trop demander ?"
I Amanti, encre et fusain signé Giulio Romano, musée des beaux-arts de Budapest.
Je pouvais dès lors la considérer comme guérie. Elle
manifesta sa joie, me parlant longuement de sujets intimes, quand d'habitude
elle ne parlait ni d'elle ni de moi. Elle m'avoua en souriant que, l'instant
d'avant, elle avait eu l'envie de se soulager entièrement ; elle s'était retenue
pour avoir un plus long plaisir. L'envie en effet lui tendait le ventre, elle
sentait son cul gonfler comme une fleur près d'éclore. Ma main était alors dans
sa fente ; elle me dit qu'elle était restée dans le même état, que c'était
infiniment doux. Et, comme je lui demandais à quoi lui faisait penser le mot
uriner, elle me répondit Buriner, les yeux, avec un rasoir, quelque chose de
rouge, le soleil. Et l’œuf ? Un œil de veau, en raison de la couleur de la tête,
et d'ailleurs le blanc d’œuf était du blanc d’œil, et le jaune la prunelle. La
forme de l’œil, à l'entendre, était celle de l’œuf. Elle me demanda, quand nous
sortirions, de casser des œufs en l'air, au soleil, à coups de revolver. La
chose me paraissait impossible, elle en discuta, me donnant de plaisantes
raisons. Elle jouait gaiement sur les mots, disant tantôt casser un œil, tantôt crever un œuf, tenant
d'insoutenables raisonnements.
Il arriva soudain une chose folle : un bruit d’eau suivi de
l'apparition d'un filet puis d'un ruissellement au bas de la porte du meuble.
La malheureuse Marcelle pissait dans son armoire en jouissant. L’éclat de rire
ivre qui suivit dégénéra en une débauche de chutes de corps, de jambes et de
culs en l’air, de jupes mouillées et de foutre. Les rires se produisaient comme
des hoquets involontaires, retardant à peine la ruée vers les culs et les
queues. Pourtant on entendit bientôt la triste Marcelle sangloter seule et de
plus en plus fort dans cette pissotière de fortune qui lui servait maintenant
de prison.
Georges Bataille.- Histoire de l'oeil.
André Masson
Magdeleine, DRH d’un grand groupe du CAC 40, a frôlé le burnout en découvrant sur sa tablette les images de l’ignominie insondable de mauvais
pauvres molestant un de ses collègues. Prise d’un éveil spirituel fulgurant, elle prend la décision de se faire carmélite, et ce juste un mois
avant que sa boîte fasse un tabac au salon Milipol, pour ses fameux fouets
vendus aux pétromonarchies du Golfe et à l’Iran, entre autres.
Ce matin là, 25 décembre, dans sa cellule du Carmel de V…, Magdeleine a trouvé au coeur ses lourds
brodequins montants un paquet de minces ficelles brunes. Il y en avait sept
attachées ensemble à une extrémité, tandis que chaque brin, long d’environ
cinquante centimètre, était agrémenté de trois doubles nœuds : le tout
formant un martinet d’excellent aloi.
- Ma chère fille, vous allez être initiée ce soir même
aux joies de la pénitence corporelle. Voici une discipline dont il vous faudra
user pendant la durée d’un Ave Maria. […]
Ici, un détail qui pour réaliste qu’il soit, n’en vaut pas
moins d’être consigné. On voudra bien se souvenir que depuis plus d’un mois, je
ne m’étais pas déshabillée. Depuis plus d’un mois, je n’avais pas changé de
linge. Je n’en devais d’ailleurs pas changer de sitôt. La fameuse
« tunique de purification » qui me tenait lieu de chemise, la même,
celle qui m’avait été donnée le jour de mon entrée au couvent, devait, vous
m’entendez bien, me rester sur le corps sans être lavée durant les dix mois de
noviciat. Alors, en la posant, ce soir-là, pour la première fois depuis
trente-trois jours, ma peau fut prise d’une espèce de prurit, en d’autres
termes il me vint une soudaine, une irrésistible, une furieuse envie de me gratter.
Oh ! que cela me démangeait ! J’aurais voulu
pouvoir me libérer de ce fourmillement sous-cutané, me masser, me frotter avec
un gant de crin ou quelque chose de rude, me rouler sur un lit d’orties
fraîches.
Mais je n’avais rien de semblable à disposition, et même si
je m’étais grattée avec mes seules mains, avec mes ongles, Sœur Elisabeth
aurait entendu, et elles se serait opposée, au nom de la pudeur, au nom de la
décence, à ce que je prolonge cette occupation délectable.
André Masson
- Dans un instant, expliqua-t-elle, j’irai ouvrir les portes
des autres cellules, puis je réciterai dans le couloir cinq Ave Maria. Vous
vous fustigerez pendant le premier Ave Maria seulement. Vous frapperez un
coup à chaque syllabe : A-ve-Ma-ri-a. Un Ave Maria fait soixante-sept
coups. Soixante–sept, rappelez-vous : vous ne devez pas dépasser ce
chiffre. Vous pouvez prendre la discipline indifféremment de la main droite ou
de la main gauche et frapper sur tout le buste, par devant ou par derrière, à
volonté. Toutefois, pour que ce salutaire exercice rende toute son efficacité,
il vaut mieux ne pas appliquer plus de deux coups de suite au même endroit.
Autrement la peau s’engourdit et l’on ne sent plus rien. Vous être prête,
Magdeleine ? Alors je vais ouvrir les portes de vos compagnes. En ce qui
vous concerne, je vous répète : un seul Ave Maria, soixante-sept coups,
pas un de plus, sous peine d’offenser gravement Notre Seigneur Jésus-Christ.
Elle sortit en laissant la porte ouverte toute grande. Puis
j’entendis qu’elle ouvrait plusieurs autres portes dans le couloir. M’étant
retournée l’espace d’une seconde, je l’aperçus qui revenait se poster à
l’entrée de ma cellule.
Une faible toux qui ressemblait à un gémissement s’éleva
tout près de moi dans la cellule voisine de la mienne.
Sœur Elisabeth de la Compassion laissa s’écouler environ une
minute, puis commença à articuler lentement, à très haute voix, en détachant
chaque syllabe avec la régularité d’un métronome :
- A ve Ma ri a gra tia ple na...
Dès le premier A, un bruit caractéristique m’avait fait
sursauter. Quiconque n’a pas entendu ce bruit-là ne saurait s’en faire une
idée. C’était, en plus sec, comme une salve d’applaudissements aussitôt
interrompue, comme, au cours d’une bourrasque, le claquement d’un paquet de pluie
contre une vitre.
Mes compagnes du noviciat se flagellaient…
Quant à moi, j’avais raté ce premier coup. Désireuse de
rattraper le temps perdu, à la seconde syllabe, je m’envoyai résolument le
martinet sur l’épaule gauche. Surprise ! Cela me causa tout juste un léger
chatouillement. Je frappai plus fort, dans le dos et sur les côtes, en ayant
soin de changer de place à chaque coup, ainsi que la maîtresse des novices me
l’avait recommandé. Cela faisait mal, bien sûr, mais point tellement… Mais non,
point tellement mal. J’irai même jusqu’à
prétendre que l’insupportable démangeaison qui me parcourait l’épiderme
trouvant là une manière de diversion, j’en arrivais à oublier la douleur
elle-même pour uniquement goûter le soulagement physique qu’elle me procurait. […]
André Masson
Je n’invente rien, je n’embellis rien. Je ne cherche
aucunement l’effet. Chacune de mes phrases, au contraire, volontairement
dépouillée de toute fioriture, de tout artifice littéraire, cherche à se
maintenir dans les limites de la froide description. Ce n’est pas ma faute si,
traitant des pénitences corporelles au Carmel, j’ai parfois l’air de piller
Sacher Masoch, ou de démarquer certains ouvrages spécialement écrits à
l’usage des vieux messieurs férus d’éducation anglaise, et dans lesquels il est
question de cravaches, de domination et de bottes à hauts talons.
[…] au Carmel, en ce qui touche la discipline, chaque
religieuse s’administrant elle-même le fouet dans sa cellule, dont la porte est
seulement laissée ouverte sur le couloir, on entend beaucoup plus qu’on ne voit... […]
Ainsi qu’il m’avait été prescrit, dès le second Ave Maria,
je cessai de frapper et je demeurai comme hébétée, les bras ballants et la tête
vide, incapable de m’analyser ni de prêter un sens à l’acte que je venais de
commettre.
Une indéfinissable langueur me pénétrait, qui annihilait en
moi toute velléité de raisonnement. L’idée ne me venait pas de remettre mes
habits. Le torse nu, je restais là sans bouger, littéralement médusée, à
écouter l’infernale musique que continuaient à faire les martinets sur les
chairs des autres novices.
Machinalement mon regard s’attachait à la courbe d’un de mes
seins, dont l’ombre se profilait démesurément agrandie sur le mur blanc.
Et flic… Et flac ! Les coups pleuvaient toujours, et
ils semblaient redoubler de violence au fur et à mesure que s’égrenaient les
syllabes latines.
Pourtant, à chaque Ave, le nombre de flagellantes diminuait.
Je veux dire que certaines novices n’ayant comme pénitence que deux Ave Maria, d’autres en ayant trois, d’autres en ayant quatre, chacune cessait d’elle-même
au moment voulu.
Au cinquième et dernier Ave, il n’y eut qu’un seul martinet
en action, mais il était manié avec une terrible vigueur. Cette novice-là
devait avoir à expier des fautes particulièrement graves. Elle se frappait avec
une véritable furie, précipitant la cadence et contraignant Sœur Elisabeth à
réciter plus vite.
De troublantes onomatopées me parvenaient confusément entre
chaque coup, entremêlées de soupirs, de sanglots étouffés, de plaintes
enfantines. Et puis, à la fin, ces mots exhalés d’une voix mourante :
-Oh ! Jésus… Jésus…
André Masson
[…] l’on avait accordé à cette pécheresse la pénitence
insigne : la flagellation durant cinq Ave Maria (soit trois cent
trente-cinq coups) avec des verges de fer…
Car je n’étais moi, avec mon pitoyable martinet de mauvaise
ficelle, bon tout au plus à chasser les mouches ou à épousseter les meubles,
qu’à l’orée d’un des cycles dantesques qui composent, dans les Carmels,
l’effroyable enfer des pénitences corporelles.
Il y a un apprentissage en tout, et là comme partout au
couvent, le dosage est de règle. A une débutante inexpérimentée, le simple
fouet de ficelle nouée doit suffire. Mais à la longue, l’accoutumance vient, la
chair se blase, et il faut, pour provoquer la douleur, des instruments de
flagellation plus perfectionnés et plus barbares : verges de bouleau, fouets de cuir armés de boules d'acier, verges de fer garnies
de griffes recourbées qui arrachent à chaque coup une parcelle d’épiderme.
Ces charmants accessoires mirent à peu près six mois à
défiler dans ma cellule, après quoi on en revint savamment au martinet du
début, car la torture à laquelle on s’habitue perd de son efficacité, et il est
nécessaire de donner au corps quelque répit de temps à autre pour qu’il
recouvre toutes ses facultés de souffrir.
On ne saurait d’ailleurs laisser croire que ces châtiments
atroces sont imposés aux Carmélites,
qu’on fait violence à ces
malheureuses femmes, qu’on les force
à se fouetter au sang, à se lacérer sauvagement la peau chaque soir, avant de
se mettre au lit. Non pas ! ces châtiments là, ce sont les Carmélites
elles-mêmes qui les réclament, qui les quémandent, qui les mendient auprès de
leurs supérieures, en s’accusant le plus souvent de péchés imaginaires.
La moindre entorse à la règle, la plus ridicule
peccadille : un éternuement au chœur, un faux-pas dans l’escalier, une
miette de pain tombée de la table pendant la collation, toue leur est bon, tout
leur sert de prétexte pour revendiquer leur droit à la souffrance physique.
Au Carmel on est accoutumé à ces saintes exagérations. On ne
s’étonne de rien. On prend tout au sérieux. Seulement, les supérieures
permettent ou ne permettent pas. Elles jugent de l’opportunité d’une
fustigation plus prolongée ou plus sévère d’après l’état de sainteté du sujet,
de tells sorte que les plus rudes pénitences corporelles en viennent à être
considérées non pas comme des punitions, mais comme des privilèges, comme des
récompenses, ou si vous voulez comme des primes à la vertu et à la perfection
que toutes les religieuses ne peuvent mériter également.
Vous alléguerez peut-être que dans ces conditions, il n’y a
qu’à fauter gravement pour se voir octroyer ces… récompenses de la manière la
plus libérale. Erreur ! Si l’on admet la faute vénielle, la peccadille
sans importance en guise de prétexte, si l’on feint de consentir à ce qu’elle
soit la raison déterminante d’un surcroît de macération, il n’en est pas de
même pour la faute grave et surtout pour la faute commise de propos délibéré.
Bien au contraire, s’il est établi que la délinquante a péché intentionnellement,
dans le seul but d’obtenir un Ave Maria supplémentaire, on réduit sa ration
normale de discipline, et parfois même on la supprime tout à fait. Ainsi, par
un paradoxal renversement des choses, c’est cette réduction ou cette
suppression qui constitue le châtiment.
Car l’écueil a été prévu. On ne veut pas que les Carmélites
deviennent masochistes par goût ou par plaisir. Nombred’entre elles parce qu’elles ont des nerfs ou
un tempérament ne sont que trop portées à confondre l’âpre et noble jouissance
du martyr enduré pour Dieu, avec certaine jouissance morbide et d’ordre
purement sexuel provoquée par la flagellation.
Notez que la plupart du temps elles sont de bonne foi. Dans
leur naïveté, dans leur totale ignorance de la vie, et de ses laideurs, elles
s’imaginent au moment psychologique que c’est Dieu qui leur verse ces délices,
et elles s’abandonnent sans scrupules ni retenue aux transports dont il a bien
voulu les combler.
Nul élitisme dans la publication de ce poème de Victor Hugo, il se trouve simplement que nous n'avons pas trouvé La Religieuse, de Georges Brassens...
On réagit contre cela. On lutte autant que l’on peut contre
cela, mais pas toujours avec succès. Je n’en donnerai pour preuve que la scène
dont je fus témoin quelques jours après ma prise d’habit.
Sœur Angèle de l’Incarnation, une belle fille de vingt-deux
ans, pleine de vie et de santé, avait été mise au régime des verges de fer, qui
lui avait été constamment refusé jusqu’alors. On se méfiait de sa nature et
l’on avait raison.
La séance qu’elle nous valut ce soir là mérite d’être
relatée.
Dès le commencement du second Ave nous l’entendîmes haleter
et balbutier des mots sans suite. Puis ce furent des râles, et enfin de longs
cris spasmodiques, entrecoupés d’exclamations délirantes :
La Mère Supérieure s’était précipitée pour fermer la porte
de Sœur Angèle, mais il était trop tard : le mal avait été contagieux.
D’une autre cellule maintenant parvenaient ces mots dits sourdement, d’une voix
étrangement rauque :
Celle-là offrait, à n’en pas douter, quelque chose à Dieu.
Qu’offrait-elle ? Ses souffrances ? Ou bien… elle-même au sens
biblique du terme ?
Finalement toutes les portes furent refermées au quatrième
Ave Maria, la Supérieure ne se souciant pas d’en entendre davantage.
Et le lendemain des sanctions étaient prises contre les deux
fautives. A la trop ardente Sœur Agnès on redonnait son martinet de cuir qui ne
lui causait aucune sensation. Quant à l’autre religieuse on réduisait la durée
de sa pénitence de quatre Ave à deux.
A cette époque là j’étais une jeune fille. Je ne savais pas.
Cette scène inouïe avait déterminé en moi plus d’épouvante que de trouble. Mais
plus tard je devais réfléchir à ces choses et comprendre… comprendre que ce
soir là, au Carmel de V… j’avais assisté à de véritables crises de fureur
érotique.
A la veille de la fin du carême pour nos amis musulmans, et nonobstant le fait que cet article ne les concerne pas puisque leur religion prohibe toute représentation de Dieu en particulier, et se méfie de toute image en général, bref, que nos chers compatriotes, pour ne parler qu’eux d’eux, mettent le sens de la vue à l’index, à défaut de se mettre le doigt dans l’œil (même si aujourd’hui ce qui cachait à la vue en islam devient ce qui s'expose, se met en spectacle, revendique, symbolise, comme un tatouage tribal : lire à ce sujet un très intéressant entretien dans le dernier numéro de la revue Jeff Klak), et qu’ils trouveraient cet article peu ou prou sacrilège ; à la veille de la fin du jeûne donc, et avant d’en venir à mon propos, je tenais à leur souhaiter un bon appétit et mbrok l’aïd.
Cela fait, et dans la continuité de mes recherches théologiques liées à la profonde inquiétude existentielle qui me taraude au quotidien, je souhaitais m’adresser plutôt aux iconophiles, et à m’inscrire en faux contre certaines conceptions de Dieu. J’en ai déjà parlé ici. Chez certains sectaires du glabre, zélateurs d’une vision tendancieusement enfantine, équivoque et pour tout dire proto-païenne du Créateur, non seulement Icelui n’arbore ni barbe ni moustache, mais même son joufflu est tout pelé. Le texte ci-dessous, très pascalien dans son vertigineux voyage de l’angoisse à l’illumination si ce n'est que, contrairement à celles du parieur pleurant de joie, il est d’inspiration et de tradition gnostique, remet les choses à leur place en nous rassurant sur la bonne santé de l'ineffable système pileux de Celui dont tout procède.
“ De mon hébétude, une voix, trop humaine, me tira. La voix de Mme Edwarda, comme son corps gracile, était obscène :
- Tu veux voir mes guenilles ? disait-elle.
Les deux mains agrippées à la table, je me tournai vers elle. Assise, elle maintenait haute une jambe écartée : pour mieux ouvrir la fente, elle achevait de tirer la peau des deux mains. Ainsi les « guenilles » d’Edwarda me regardaient, velues et roses, pleines de vie comme une pieuvre répugnante. Je balbutiai doucement :
- Pourquoi fais-tu cela ?
- Tu vois, dit-elle, je suis DIEU…
- Je suis fou…
- Mais non, tu dois regarder : regarde !
Sa voix rauque s’adoucit, elle se fit presque enfantine pour me dire avec lassitude, avec le sourire infini de l’abandon : « Comme j’ai joui ! »
Il n'y a qu'un seul Dieu
Mais elle avait maintenu sa position provocante. Elle ordonna :
- Embrasse !
- Mais…, protestai-je, devant les autres ?
- Bien sûr !
Je tremblais : je la regardais, immobile, elle me souriait si doucement que je tremblais. Enfin, je m’agenouillai, je titubai, et je posai mes lèvres sur la plaie vive. Sa cuisse nue caressa mon oreille : il me sembla entendre un bruit de houle, on entend le même bruit en appliquant l’oreille à de grandes coquilles. Dans l’absurdité du bordel et dans la confusion qui m’entourait (il me semble avoir étouffé, j’étais rouge, je suais), je restai suspendu étrangement, comme si Edwarda et moi nous étions perdus dans une nuit de vent devant la mer. “
Ceci n'est pas une caricature de Son prophète
Georges Bataille - Madame Edwarda Dessins de Hans Bellmer
La prochaine fois nous tenterons de déterminer si Dieu est plutôt arithméticien ou géomètre.