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mercredi 14 octobre 2020

Conjonction Vénus - Uranus régie par Stercus

 Un gaz associé à la vie découvert sur Vénus.
The World News

    

Sandro Botticelli.- La Nascita de Venere


   La belle [...] se dégagea encore en criant : "Non, tu ne me la mettras pas..." Mais en faisant ce mouvement, elle lâcha un pet, non pas un pet vulgaire, mais un pet au son cristallin qui provoqua chez elle un rire violent et nerveux. Sa résistance alors se relâcha, ses cuisses s'ouvrirent...
Guillaume Apollinaire.- Les Onze mille verges.



Idée volée à un dessin de CQFD d'octobre 2020.

mercredi 31 janvier 2018

Lutte anti-patriarcale : un nouveau truc malin

   Comme vous devez le savoir si vous êtes attentifs à ce blog, j'épouse la cause féministe. Tout en restant fondamentalement un dominant, bien sûr, on n'efface pas 5 000 ans d'histoire, auxquels je peux aisément rajouter sans trop de risque de me tromper 7 000 piges de néolithique, et une éducation de garçon par des bons sentiments et des intentions généreuses. Mais, malgré cela, je pose certains actes (je ne me contente pas de vœux pieux, ah ça non !), certains ont d'ailleurs fait l'objet d'articulets de ce blog et je vous invite à vous y reporter.

   Ce que vous ne savez pas, en revanche, c'est que pour donner une cohérence à ma lutte, j'ai arrêté le sexe avec une autre personne. Notamment ma compagne. Je suis depuis plusieurs années abstème en ce domaine. La relation hétéro-sexuelle est aussi par trop ambiguë, et toujours, malgré qu'on en aie, elle reste empreinte de traces de sperme patriarcales. Ainsi, quand au milieu des transports les plus haletants je déclarais à ma moitié (rien que ce terme pue la phallocratie) : "Oh ! t'es bonne ma poulette" : il ne faut pas être sorti des Femen pour comprendre que cette comparaison est fort humiliante. De même, dans une intériorisation de sa condition subalterne mon amie, au plus fort de l'échauffourée, me scandait "Fais moi mal ! Wrobly ! Wrobly ! Wrobly ! Chuis pas une mouche !!!". Il n'y avait donc pas photo, un grand stop ! s'imposait pour mettre en adéquation mon éthique et mes tocs.

   Cependant, l'homme a des besoins, même s'ils ne sont point si impérieux qu'ils puissent justifier la moindre indélicatesse faite aux femmes, comme le dit bien Claude Guillon, que je suis sur ce point. Mais, il est quand même travaillé à l'occasion de quelques pulsions taquines, l'homme. C'est pourquoi, taillant bien mal une certaine cote, je décidai de conserver malgré tout une sexualité onaniste. Mais comment stimuler mon imagination hétérosexuelle normée sans retomber dans la machisme pornographique, qu'il soit commercial ou purement imaginatif ? Simple : non contente d'être solitaire, mon érotomanie serait solidaire, bio, vegan et de surcroit, équitable !

   A défaut désormais de m'autoriser à goûter les fruits de l'amour, je découvris l'amour des fruits, grâce à l'artiste américaine Stéphanie Sarley, et depuis, je puis dire, et je le disais encore à ma concubine qui lessivait la cuisine l'autre jour pendant que je surfais sur des sites féministes, mais elle n'entendait rien, elle venait de lancer une lessive et le bruit de la machine c'est infernal, c'est un peu pénible de ne pas pouvoir bénéficier de toute l'attention qu'on pourrait penser mériter, avec tous les efforts que je fais... ; je puis dire, donc, que je vis désormais une sexualité épanouie et sans la moindre cruauté !

   Et en plus je partage mes bons plans ! Merci qui ?





vendredi 8 septembre 2017

Massacre à coup de trique

Pourquoi le Viagra ? Que dire de plus sur cette nouvelle frontière de l'aberration que l'humanité vient de franchir ? [...] L'important n'est pas tant la mutation anthropologique qu'opère le Viagra, que le terrain préexistant à son apparition, depuis longtemps colonisé par les formes les plus insidieuses de l'oppression.
Tiqqun 1.

     Vous me direz, moi, des rhinocéros, j'en ai jamais vu, j'ai pas beaucoup pris l'avion, ou alors à l'occasion dans un zoo, mais c'est pas un bon exemple, une bête sauvage en captivité, quelle horreur ! Alors que dans dix ans il n'y en ait plus, pour que les adeptes de la pharmacopée traditionnelle chinoise bénéficient d'érections que cent fleurs ne sauraient masquer, ça devrait me laisser indifférent. Pourtant j'aimais bien savoir qu'ils existaient, là-bas, comme toutes les espèces vivantes disparues ou en passe de l'être bientôt. Oui mais voilà, la corne de rhino en poudre vendue au prix de la coke, ou de l'or, je ne connais pas bien les cours, infusée, provoque l'érection, alors on les tue. L'important n'est-il pas que les petits coqs du phénix des espèces vivantes terrestres, le majestueux être humain, puissent se targuer d'être de rudes lapins ? Vous pourriez me dire, que se ronger les ongles aurait le même effet, vu que l'une comme les autres ne sont que kératine pure, mais là vous chercheriez vraiment la petite bête. 


      On connait les autres victimes de l'instinct lestement gaulois de nos congénères : le pangolin, dont les écailles font bander et le sang donne envie, la peau d'âne (c'est pas une blague) en gélatine remplit à bloc vos corps caverneux, la bile d'ours (vivant), vous redonne de l'ardeur pour besogner bobonne ou l'esclave sexuelle des vacances.

     Tout cela est de notoriété publique, mais La Plèbe, ce sont : des scoops, de l'innovation, de l'excellence, et de nouveaux prospects largement targetés. Nous avons pu consulter en exclusivité certaines des dernière dépêches de Wikileaks. Il s'agit d'enregistrements d'ébats, de mandarins d'une grand puissance que nous ne citerons pas d'une part, de hautes personnalités du ministère Philippe d'autre part, qui révèlent des actes de barbarie dans un but sexuel sur deux nouvelles espèces : la poule, et l'huître.

     Vous trouverez ci-dessous les dépêches telles quelles. Nous n'avons pas cru bon y porter la moindre modification, l'éthique de notre blog étant, depuis sa création, l'information, rien que l'information, toute l'information. Nous laissons au lecteur le soin de se faire sa propre opinion sur ces pratiques. Nous nous contentons de souligner les passages où les actes de barbarie envers les animaux sont évoqués.

Premier document :

Fragments survivant de la deuxième édition d'I Modi, British Museum.

   Plus je regarde ta figure, plus j'en veux à ton époux. - On dit qu'il était laid. - On l'a dit : aussi mérite-t-il d'être fait cocu ; et nous y travaillerons toute la nuit. Je vis dans le célibat depuis huit jours, mais j'ai besoin de manger, car je n'ai dans mon estomac qu'une tasse de chocolat, et le blanc de six oeufs frais que j'ai mangés en salade accommodée à l'huile de Luques, et au vinaigre des quatre voleurs. - Tu dois être malade. - Oui : mais je me porterai bien quand je les aurai distillés un à la fois dans ton âme amoureuse. - Je ne croyais pas que tu eusses besoin de frustratoire (= aphrodisiaque. Note du blogueur). - Qui pourrait en avoir besoin avec toi ; mais j'ai une peur raisonnée, car s'il m'arrive de te rater, je me brûle la cervelle. Qu'est-ce que rater ? - Rater, au figuré, veut dire manquer son coup. Au prore c'est lorque voulant tirer contre mon ennemi mon coup de pistolet l'amorce ne prend pas. Je le rate. - Maintenant je t'entends. Effectivement mon cher brunet, ce serait un malheur, mais il n'y aurait pas de quoi te brûler la cervelle. - Que fais-tu ? - Je t'ôte ce manteau. Donne-moi aussi ton manchon. - Ce sera difficile, car il est cloué. - Comment cloué ? - Mets-y une main dedans. Essaye. - Ah le polisson ! Est-ce les blancs d'oeufs qui te fournissent ce clou ? - Non, mon ange, c'est toute ta charmante personne.


"Nous, on n'est pas contre de rendre service, si c'est pour le sommet de la création qui va réaliser l'Esprit dans l'Histoire. Mais qu'on nous accorde une once de dignité !"

   Je l'ai alors soulevée, elle m'embrassa (= m'entoura de ses bras. Note du blogueur) aux épaules pour me peser moins, et ayant laissé tomber le manchon, je l'ai saisie aux cuisses, et elle se fortifia sur le clou ; mais après avoir fait un petit tour de promenade dans la chambre, craignant des suites, je l'ai posée sur le tapis, puis m'étant assis, et l'ayant fait asseoir sur moi, elle eut la complaisance de finir de sa belle main l'ouvrage cueillant dans le creux le blanc du premier œuf. Reste cinq, me dit-elle : et après avoir purifié sa belle main avec un pot-pourri d'herbes balsamiques elle me la livra pour que je la lui baisasse cent fois. Devenu calme j'ai passé une heure lui faisant des contes à rire ; puis nous nous mîmes à table.

Marcantonio Raimondi : l'une des 16 gravures inspirées de Giulio Romano et produites pour illustrer les poèmes de L'Arétin (1524).

Sur la barbarie envers les poules dans un but sexuel voir aussi ici.

Deuxième document :


   Après avoir fait du punch nous nous amusâmes à manger des huîtres les troquant lorsque nous les avions déjà dans la bouche : elle me présentait sur sa langue la sienne en même temps que je lui embouchais la mienne : il n'y a pas de jeu plus lascif, plus voluptueux entre deux amoureux, il est même comique, et le comique n'y gâte rien, car les ris ne sont fait que pour les heureux. Quelle sauce que celle d'une huître que je hume de la bouche de l'objet que j'adore ! C'est sa salive. Il est impossible que la force de l'amour ne s'augmente quand je l'écrase quand je l'avale.

"Nous non plus on n'est pas contre participer, mais un peu de reconnaissance, c'est trop demander ?"

I Amanti, encre et fusain signé Giulio Romano, musée des beaux-arts de Budapest.

mardi 8 mars 2016

Ni au doigt ni à l'oeil

Je pouvais dès lors la considérer comme guérie. Elle manifesta sa joie, me parlant longuement de sujets intimes, quand d'habitude elle ne parlait ni d'elle ni de moi. Elle m'avoua en souriant que, l'instant d'avant, elle avait eu l'envie de se soulager entièrement ; elle s'était retenue pour avoir un plus long plaisir. L'envie en effet lui tendait le ventre, elle sentait son cul gonfler comme une fleur près d'éclore. Ma main était alors dans sa fente ; elle me dit qu'elle était restée dans le même état, que c'était infiniment doux. Et, comme je lui demandais à quoi lui faisait penser le mot uriner, elle me répondit Buriner, les yeux, avec un rasoir, quelque chose de rouge, le soleil. Et l’œuf ? Un œil de veau, en raison de la couleur de la tête, et d'ailleurs le blanc d’œuf était du blanc d’œil, et le jaune la prunelle. La forme de l’œil, à l'entendre, était celle de l’œuf. Elle me demanda, quand nous sortirions, de casser des œufs en l'air, au soleil, à coups de revolver. La chose me paraissait impossible, elle en discuta, me donnant de plaisantes raisons. Elle jouait gaiement sur les mots, disant tantôt casser un œil, tantôt crever un œuf, tenant d'insoutenables raisonnements.
Georges Bataille.- Histoire de l'oeil .

jeudi 24 décembre 2015

Conte de Noël


Il arriva soudain une chose folle : un bruit d’eau suivi de l'apparition d'un filet puis d'un ruissellement au bas de la porte du meuble. La malheureuse Marcelle pissait dans son armoire en jouissant. L’éclat de rire ivre qui suivit dégénéra en une débauche de chutes de corps, de jambes et de culs en l’air, de jupes mouillées et de foutre. Les rires se produisaient comme des hoquets involontaires, retardant à peine la ruée vers les culs et les queues. Pourtant on entendit bientôt la triste Marcelle sangloter seule et de plus en plus fort dans cette pissotière de fortune qui lui servait maintenant de prison.
Georges Bataille.- Histoire de l'oeil. 

André Masson

Magdeleine, DRH d’un grand groupe du CAC 40, a frôlé le burnout en découvrant sur sa tablette les images de l’ignominie insondable de mauvais pauvres molestant un de ses collègues. Prise d’un éveil spirituel fulgurant, elle prend la décision de se faire carmélite, et ce juste un mois avant que sa boîte fasse un tabac au salon Milipol, pour ses fameux fouets vendus aux pétromonarchies du Golfe et à l’Iran, entre autres. Ce matin là, 25 décembre, dans sa cellule du Carmel de V…, Magdeleine a trouvé au coeur ses lourds brodequins montants un paquet de minces ficelles brunes. Il y en avait sept attachées ensemble à une extrémité, tandis que chaque brin, long d’environ cinquante centimètre, était agrémenté de trois doubles nœuds : le tout formant un martinet d’excellent aloi.

   - Ma chère fille, vous allez être initiée ce soir même aux joies de la pénitence corporelle. Voici une discipline dont il vous faudra user pendant la durée d’un Ave Maria.
[…] 

Ici, un détail qui pour réaliste qu’il soit, n’en vaut pas moins d’être consigné. On voudra bien se souvenir que depuis plus d’un mois, je ne m’étais pas déshabillée. Depuis plus d’un mois, je n’avais pas changé de linge. Je n’en devais d’ailleurs pas changer de sitôt. La fameuse « tunique de purification » qui me tenait lieu de chemise, la même, celle qui m’avait été donnée le jour de mon entrée au couvent, devait, vous m’entendez bien, me rester sur le corps sans être lavée durant les dix mois de noviciat. Alors, en la posant, ce soir-là, pour la première fois depuis trente-trois jours, ma peau fut prise d’une espèce de prurit, en d’autres termes il me vint une soudaine, une irrésistible, une furieuse envie de me gratter.


Oh ! que cela me démangeait ! J’aurais voulu pouvoir me libérer de ce fourmillement sous-cutané, me masser, me frotter avec un gant de crin ou quelque chose de rude, me rouler sur un lit d’orties fraîches.


Mais je n’avais rien de semblable à disposition, et même si je m’étais grattée avec mes seules mains, avec mes ongles, Sœur Elisabeth aurait entendu, et elles se serait opposée, au nom de la pudeur, au nom de la décence, à ce que je prolonge cette occupation délectable.



André Masson


   - Dans un instant, expliqua-t-elle, j’irai ouvrir les portes des autres cellules, puis je réciterai dans le couloir cinq Ave Maria. Vous vous fustigerez pendant le premier Ave Maria seulement. Vous frapperez un coup à chaque syllabe : A-ve-Ma-ri-a. Un Ave Maria fait soixante-sept coups. Soixante–sept, rappelez-vous : vous ne devez pas dépasser ce chiffre. Vous pouvez prendre la discipline indifféremment de la main droite ou de la main gauche et frapper sur tout le buste, par devant ou par derrière, à volonté. Toutefois, pour que ce salutaire exercice rende toute son efficacité, il vaut mieux ne pas appliquer plus de deux coups de suite au même endroit. Autrement la peau s’engourdit et l’on ne sent plus rien. Vous être prête, Magdeleine ? Alors je vais ouvrir les portes de vos compagnes. En ce qui vous concerne, je vous répète : un seul Ave Maria, soixante-sept coups, pas un de plus, sous peine d’offenser gravement Notre Seigneur Jésus-Christ.



Elle sortit en laissant la porte ouverte toute grande. Puis j’entendis qu’elle ouvrait plusieurs autres portes dans le couloir. M’étant retournée l’espace d’une seconde, je l’aperçus qui revenait se poster à l’entrée de ma cellule.


Une faible toux qui ressemblait à un gémissement s’éleva tout près de moi dans la cellule voisine de la mienne.


Sœur Elisabeth de la Compassion laissa s’écouler environ une minute, puis commença à articuler lentement, à très haute voix, en détachant chaque syllabe avec la régularité d’un métronome :


   - A ve Ma ri a gra tia ple na...


Dès le premier A, un bruit caractéristique m’avait fait sursauter. Quiconque n’a pas entendu ce bruit-là ne saurait s’en faire une idée. C’était, en plus sec, comme une salve d’applaudissements aussitôt interrompue, comme, au cours d’une bourrasque, le claquement d’un paquet de pluie contre une vitre.


Mes compagnes du noviciat se flagellaient…


Quant à moi, j’avais raté ce premier coup. Désireuse de rattraper le temps perdu, à la seconde syllabe, je m’envoyai résolument le martinet sur l’épaule gauche. Surprise ! Cela me causa tout juste un léger chatouillement. Je frappai plus fort, dans le dos et sur les côtes, en ayant soin de changer de place à chaque coup, ainsi que la maîtresse des novices me l’avait recommandé. Cela faisait mal, bien sûr, mais point tellement… Mais non, point tellement mal.  J’irai même jusqu’à prétendre que l’insupportable démangeaison qui me parcourait l’épiderme trouvant là une manière de diversion, j’en arrivais à oublier la douleur elle-même pour uniquement goûter le soulagement physique qu’elle me procurait.
[…]


André Masson

Je n’invente rien, je n’embellis rien. Je ne cherche aucunement l’effet. Chacune de mes phrases, au contraire, volontairement dépouillée de toute fioriture, de tout artifice littéraire, cherche à se maintenir dans les limites de la froide description. Ce n’est pas ma faute si, traitant des pénitences corporelles au Carmel, j’ai parfois l’air de piller Sacher Masoch, ou de démarquer certains ouvrages spécialement écrits à l’usage des vieux messieurs férus d’éducation anglaise, et dans lesquels il est question de cravaches, de domination et de bottes à hauts talons.


[…] au Carmel, en ce qui touche la discipline, chaque religieuse s’administrant elle-même le fouet dans sa cellule, dont la porte est seulement laissée ouverte sur le couloir, on entend beaucoup plus qu’on ne voit... […]


Ainsi qu’il m’avait été prescrit, dès le second Ave Maria, je cessai de frapper et je demeurai comme hébétée, les bras ballants et la tête vide, incapable de m’analyser ni de prêter un sens à l’acte que je venais de commettre.


Une indéfinissable langueur me pénétrait, qui annihilait en moi toute velléité de raisonnement. L’idée ne me venait pas de remettre mes habits. Le torse nu, je restais là sans bouger, littéralement médusée, à écouter l’infernale musique que continuaient à faire les martinets sur les chairs des autres novices.


Machinalement mon regard s’attachait à la courbe d’un de mes seins, dont l’ombre se profilait démesurément agrandie sur le mur blanc.


Et flic… Et flac ! Les coups pleuvaient toujours, et ils semblaient redoubler de violence au fur et à mesure que s’égrenaient les syllabes latines.


Pourtant, à chaque Ave, le nombre de flagellantes diminuait. Je veux dire que certaines novices n’ayant comme pénitence que deux Ave Maria, d’autres en ayant trois, d’autres en ayant quatre, chacune cessait d’elle-même au moment voulu.


Au cinquième et dernier Ave, il n’y eut qu’un seul martinet en action, mais il était manié avec une terrible vigueur. Cette novice-là devait avoir à expier des fautes particulièrement graves. Elle se frappait avec une véritable furie, précipitant la cadence et contraignant Sœur Elisabeth à réciter plus vite.


De troublantes onomatopées me parvenaient confusément entre chaque coup, entremêlées de soupirs, de sanglots étouffés, de plaintes enfantines. Et puis, à la fin, ces mots exhalés d’une voix mourante :


-         Oh ! Jésus… Jésus…

André Masson


[…] l’on avait accordé à cette pécheresse la pénitence insigne : la flagellation durant cinq Ave Maria (soit trois cent trente-cinq coups) avec des verges de fer…



Car je n’étais moi, avec mon pitoyable martinet de mauvaise ficelle, bon tout au plus à chasser les mouches ou à épousseter les meubles, qu’à l’orée d’un des cycles dantesques qui composent, dans les Carmels, l’effroyable enfer des pénitences corporelles.


Il y a un apprentissage en tout, et là comme partout au couvent, le dosage est de règle. A une débutante inexpérimentée, le simple fouet de ficelle nouée doit suffire. Mais à la longue, l’accoutumance vient, la chair se blase, et il faut, pour provoquer la douleur, des instruments de flagellation plus perfectionnés et plus barbares : verges de bouleau, fouets de cuir armés de boules d'acier, verges de fer garnies de griffes recourbées qui arrachent à chaque coup une parcelle d’épiderme.


Ces charmants accessoires mirent à peu près six mois à défiler dans ma cellule, après quoi on en revint savamment au martinet du début, car la torture à laquelle on s’habitue perd de son efficacité, et il est nécessaire de donner au corps quelque répit de temps à autre pour qu’il recouvre toutes ses facultés de souffrir.


On ne saurait d’ailleurs laisser croire que ces châtiments atroces sont imposés aux Carmélites, qu’on fait violence à ces malheureuses femmes, qu’on les force à se fouetter au sang, à se lacérer sauvagement la peau chaque soir, avant de se mettre au lit. Non pas ! ces châtiments là, ce sont les Carmélites elles-mêmes qui les réclament, qui les quémandent, qui les mendient auprès de leurs supérieures, en s’accusant le plus souvent de péchés imaginaires.


La moindre entorse à la règle, la plus ridicule peccadille : un éternuement au chœur, un faux-pas dans l’escalier, une miette de pain tombée de la table pendant la collation, toue leur est bon, tout leur sert de prétexte pour revendiquer leur droit à la souffrance physique.


Au Carmel on est accoutumé à ces saintes exagérations. On ne s’étonne de rien. On prend tout au sérieux. Seulement, les supérieures permettent ou ne permettent pas. Elles jugent de l’opportunité d’une fustigation plus prolongée ou plus sévère d’après l’état de sainteté du sujet, de tells sorte que les plus rudes pénitences corporelles en viennent à être considérées non pas comme des punitions, mais comme des privilèges, comme des récompenses, ou si vous voulez comme des primes à la vertu et à la perfection que toutes les religieuses ne peuvent mériter également.


Vous alléguerez peut-être que dans ces conditions, il n’y a qu’à fauter gravement pour se voir octroyer ces… récompenses de la manière la plus libérale. Erreur ! Si l’on admet la faute vénielle, la peccadille sans importance en guise de prétexte, si l’on feint de consentir à ce qu’elle soit la raison déterminante d’un surcroît de macération, il n’en est pas de même pour la faute grave et surtout pour la faute commise de propos délibéré. Bien au contraire, s’il est établi que la délinquante a péché intentionnellement, dans le seul but d’obtenir un Ave Maria supplémentaire, on réduit sa ration normale de discipline, et parfois même on la supprime tout à fait. Ainsi, par un paradoxal renversement des choses, c’est cette réduction ou cette suppression qui constitue le châtiment.


Car l’écueil a été prévu. On ne veut pas que les Carmélites deviennent masochistes par goût ou par plaisir. Nombre  d’entre elles parce qu’elles ont des nerfs ou un tempérament ne sont que trop portées à confondre l’âpre et noble jouissance du martyr enduré pour Dieu, avec certaine jouissance morbide et d’ordre purement sexuel provoquée par la flagellation.


Notez que la plupart du temps elles sont de bonne foi. Dans leur naïveté, dans leur totale ignorance de la vie, et de ses laideurs, elles s’imaginent au moment psychologique que c’est Dieu qui leur verse ces délices, et elles s’abandonnent sans scrupules ni retenue aux transports dont il a bien voulu les combler.

Nul élitisme dans la publication de ce poème de Victor Hugo, il se trouve simplement que nous n'avons pas trouvé La Religieuse, de Georges Brassens...

On réagit contre cela. On lutte autant que l’on peut contre cela, mais pas toujours avec succès. Je n’en donnerai pour preuve que la scène dont je fus témoin quelques jours après ma prise d’habit.

Sœur Angèle de l’Incarnation, une belle fille de vingt-deux ans, pleine de vie et de santé, avait été mise au régime des verges de fer, qui lui avait été constamment refusé jusqu’alors. On se méfiait de sa nature et l’on avait raison.

La séance qu’elle nous valut ce soir là mérite d’être relatée.

Dès le commencement du second Ave nous l’entendîmes haleter et balbutier des mots sans suite. Puis ce furent des râles, et enfin de longs cris spasmodiques, entrecoupés d’exclamations délirantes :

   - Oui, mon Sauveur ! Merci, mon Sauveur ! Ah ! merci !... merci !...

La Mère Supérieure s’était précipitée pour fermer la porte de Sœur Angèle, mais il était trop tard : le mal avait été contagieux. D’une autre cellule maintenant parvenaient ces mots dits sourdement, d’une voix étrangement rauque :

   - Tiens, mon Dieu… tiens, mon Dieu… tiens, mon Dieu…


Celle-là offrait, à n’en pas douter, quelque chose à Dieu. Qu’offrait-elle ? Ses souffrances ? Ou bien… elle-même au sens biblique du terme ?


Finalement toutes les portes furent refermées au quatrième Ave Maria, la Supérieure ne se souciant pas d’en entendre davantage.


Et le lendemain des sanctions étaient prises contre les deux fautives. A la trop ardente Sœur Agnès on redonnait son martinet de cuir qui ne lui causait aucune sensation. Quant à l’autre religieuse on réduisait la durée de sa pénitence de quatre Ave à deux.


A cette époque là j’étais une jeune fille. Je ne savais pas. Cette scène inouïe avait déterminé en moi plus d’épouvante que de trouble. Mais plus tard je devais réfléchir à ces choses et comprendre… comprendre que ce soir là, au Carmel de V… j’avais assisté à de véritables crises de fureur érotique.

Hans Bellmer


jeudi 16 juillet 2015

Dieu est barbu !

A la veille de la fin du carême pour nos amis musulmans, et nonobstant le fait que cet article ne les concerne pas puisque leur religion prohibe toute représentation de Dieu en particulier, et se méfie de toute image en général, bref, que nos chers compatriotes, pour ne parler qu’eux d’eux, mettent le sens de la vue à l’index, à défaut de se mettre le doigt dans l’œil (même si aujourd’hui ce qui cachait à la vue en islam devient ce qui s'expose, se met en spectacle, revendique, symbolise, comme un tatouage tribal : lire à ce sujet un très intéressant entretien dans le dernier numéro de la revue Jeff Klak), et qu’ils trouveraient cet article peu ou prou sacrilège ; à la veille de la fin du jeûne donc, et avant d’en venir à mon propos, je tenais à leur souhaiter un bon appétit et mbrok l’aïd.

Cela fait, et dans la continuité de mes recherches théologiques liées à la profonde inquiétude existentielle qui me taraude au quotidien, je souhaitais m’adresser plutôt aux iconophiles, et à m’inscrire en faux contre certaines conceptions de Dieu. J’en ai déjà parlé ici. Chez certains sectaires du glabre, zélateurs d’une vision tendancieusement enfantine, équivoque et pour tout dire proto-païenne du Créateur, non seulement Icelui n’arbore ni barbe ni moustache, mais même son joufflu est tout pelé. Le texte ci-dessous, très pascalien dans son vertigineux voyage de l’angoisse à l’illumination si ce n'est que, contrairement à celles du parieur pleurant de joie, il est d’inspiration et de tradition gnostique, remet les choses à leur place en nous rassurant sur la bonne santé de l'ineffable système pileux de Celui dont tout procède.


“ De mon hébétude, une voix, trop humaine, me tira. La voix de Mme Edwarda, comme son corps gracile, était obscène :
- Tu veux voir mes guenilles ? disait-elle.
Les deux mains agrippées à la table, je me tournai vers elle. Assise, elle maintenait haute une jambe écartée : pour mieux ouvrir la fente, elle achevait de tirer la peau des deux mains. Ainsi les « guenilles » d’Edwarda me regardaient, velues et roses, pleines de vie comme une pieuvre répugnante. Je balbutiai doucement :
- Pourquoi fais-tu cela ?
- Tu vois, dit-elle, je suis DIEU…
- Je suis fou…
- Mais non, tu dois regarder : regarde !
Sa voix rauque s’adoucit, elle se fit presque enfantine pour me dire avec lassitude, avec le sourire infini de l’abandon : « Comme j’ai joui ! »

Il n'y a qu'un seul Dieu

Mais elle avait maintenu sa position provocante. Elle ordonna :
- Embrasse !
- Mais…, protestai-je, devant les autres ?
- Bien sûr !
Je tremblais : je la regardais, immobile, elle me souriait si doucement que je tremblais. Enfin, je m’agenouillai, je titubai, et je posai mes lèvres sur la plaie vive. Sa cuisse nue caressa mon oreille : il me sembla entendre un bruit de houle, on entend le même bruit en appliquant l’oreille à de grandes coquilles. Dans l’absurdité du bordel et dans la confusion qui m’entourait (il me semble avoir étouffé, j’étais rouge, je suais), je restai suspendu étrangement, comme si Edwarda et moi nous étions perdus dans une nuit de vent devant la mer. “

Ceci n'est pas une caricature de Son prophète

Georges Bataille - Madame Edwarda
Dessins de Hans Bellmer

La prochaine fois nous tenterons de déterminer si Dieu est plutôt arithméticien ou géomètre.