jeudi 16 juillet 2015

Dieu est barbu !

A la veille de la fin du carême pour nos amis musulmans, et nonobstant le fait que cet article ne les concerne pas puisque leur religion prohibe toute représentation de Dieu en particulier, et se méfie de toute image en général, bref, que nos chers compatriotes, pour ne parler qu’eux d’eux, mettent le sens de la vue à l’index, à défaut de se mettre le doigt dans l’œil (même si aujourd’hui ce qui cachait à la vue en islam devient ce qui s'expose, se met en spectacle, revendique, symbolise, comme un tatouage tribal : lire à ce sujet un très intéressant entretien dans le dernier numéro de la revue Jeff Klak), et qu’ils trouveraient cet article peu ou prou sacrilège ; à la veille de la fin du jeûne donc, et avant d’en venir à mon propos, je tenais à leur souhaiter un bon appétit et mbrok l’aïd.

Cela fait, et dans la continuité de mes recherches théologiques liées à la profonde inquiétude existentielle qui me taraude au quotidien, je souhaitais m’adresser plutôt aux iconophiles, et à m’inscrire en faux contre certaines conceptions de Dieu. J’en ai déjà parlé ici. Chez certains sectaires du glabre, zélateurs d’une vision tendancieusement enfantine, équivoque et pour tout dire proto-païenne du Créateur, non seulement Icelui n’arbore ni barbe ni moustache, mais même son joufflu est tout pelé. Le texte ci-dessous, très pascalien dans son vertigineux voyage de l’angoisse à l’illumination si ce n'est que, contrairement à celles du parieur pleurant de joie, il est d’inspiration et de tradition gnostique, remet les choses à leur place en nous rassurant sur la bonne santé de l'ineffable système pileux de Celui dont tout procède.


“ De mon hébétude, une voix, trop humaine, me tira. La voix de Mme Edwarda, comme son corps gracile, était obscène :
- Tu veux voir mes guenilles ? disait-elle.
Les deux mains agrippées à la table, je me tournai vers elle. Assise, elle maintenait haute une jambe écartée : pour mieux ouvrir la fente, elle achevait de tirer la peau des deux mains. Ainsi les « guenilles » d’Edwarda me regardaient, velues et roses, pleines de vie comme une pieuvre répugnante. Je balbutiai doucement :
- Pourquoi fais-tu cela ?
- Tu vois, dit-elle, je suis DIEU…
- Je suis fou…
- Mais non, tu dois regarder : regarde !
Sa voix rauque s’adoucit, elle se fit presque enfantine pour me dire avec lassitude, avec le sourire infini de l’abandon : « Comme j’ai joui ! »

Il n'y a qu'un seul Dieu

Mais elle avait maintenu sa position provocante. Elle ordonna :
- Embrasse !
- Mais…, protestai-je, devant les autres ?
- Bien sûr !
Je tremblais : je la regardais, immobile, elle me souriait si doucement que je tremblais. Enfin, je m’agenouillai, je titubai, et je posai mes lèvres sur la plaie vive. Sa cuisse nue caressa mon oreille : il me sembla entendre un bruit de houle, on entend le même bruit en appliquant l’oreille à de grandes coquilles. Dans l’absurdité du bordel et dans la confusion qui m’entourait (il me semble avoir étouffé, j’étais rouge, je suais), je restai suspendu étrangement, comme si Edwarda et moi nous étions perdus dans une nuit de vent devant la mer. “

Ceci n'est pas une caricature de Son prophète

Georges Bataille - Madame Edwarda
Dessins de Hans Bellmer

La prochaine fois nous tenterons de déterminer si Dieu est plutôt arithméticien ou géomètre.

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