jeudi 26 novembre 2020

Le confinement, technique de domination

    (Isabelle et ses élèves sont en classe promenade lorsque survient l’Inspecteur Blanquer…)

- L’INSPECTEUR BLANQUER : Entrez les élèves… (Elles rient.) Pourquoi rient-elles ?
- ISABELLE : C’est que vous dites : Entrez, et qu’il n’y a pas de porte.
- L’INSPECTEUR BLANQUER : Cette pédagogie de grand air est stupide, le vocabulaire des inspecteurs y perd la moitié de sa forme… (Chuchotements) Silence, là-bas ! Mademoiselle, vos élèves sont insupportables !
- ISABELLE : Comment les punirais-je ? Avec ces classes de plein air, il ne subsiste presque aucun motif de punir. Tout ce qui est faute dans les classes devient ici initiative et intelligence. Punir une élève qui regarde au plafond ? Regardez-le, ce plafond !
- L’INSPECTEUR BLANQUER : Justement ! Le plafond dans l’enseignement doit être compris de façon à faire ressortir la taille de l’adulte vis-à-vis de la taille de l’enfant. Un maître qui adopte le plein air avoue qu’il est plus petit que l’arbre, moins corpulent que le bœuf, moins mobile que l’abeille et sacrifie ainsi la meilleure preuve de sa dignité.

Jean Giraudoux.- Intermezzo


L'inspecteur Blanquer terminant son inspection


ANNONCE

La revue de littérature prolétarienne Fragments vient de paraître. Plus d'infos ici.

Le déconfinement bon

vendredi 20 novembre 2020

La dose de Wrobly : brumaire 2020 EC

- Célestin Freinet.- Pour l'école du peuple.
INVARIANT n° 4 :
Nul - l'enfant pas plus que l'adulte - n'aime être commandé d'autorité.
[...]
INVARIANT n° 6 :
(découlant des précédents)
Nul n'aime se voir contraint à faire un certain travail, même si ce travail ne lui déplaît pas particulièrement. C'est la contrainte qui est paralysante.

- Georges Simenon.- Au rendez-vous des Terre-Neuvas.
   Seulement Maigret avait hâte d'être ailleurs ! Et il y avait ce nez ! Et une certaine emphase de petit-bourgeois qui s'écoute parler. [...] On sentait trop la boutique de Quimper, les discussions ayant précédé le départ, les cancans des voisins.[...] Et Maigret, en la regardant, l'imaginait telle qu'elle serait dix ans plus tard, avec les mêmes traits que son père, un air un peu sévère, bien fait pour en imposer aux clients du magasin. [...] Il aperçut sur son seuil un marchand de cordages. C'était un homme jeune encore, très grand, qui commençait à prendre du ventre. [...] Et l'homme [...] ne reconnut pas Maigret qui, d'ailleurs, hâta le pas, détourna la tête et esquissa une drôle de moue.

   Un chouette polar, dans la continuité de mon intégrale Maigret, bien glauque, qui pourtant se déroule en juin dans une station balnéaire, Fécamp (c'était avant que les centrales nucléaires envahissent la Normandie, interdisant par là toute tentation romantique associée à cette belle mais condamnée région). Une critique : la femme fatale, prostituée, est trop caricaturale, l'auteur insiste trop sur sa vulgarité, sa gouaille, son toupet, un peu à la Arletty. Du coup je ne suis pas du tout parvenu à l'imaginer et à la ressentir comme femme fatale, vénéneuse, ensorcelant et rendant quasi fous deux ou trois bonshommes de la fiction.
- Marcel Aymé.- Vagabondages.
   Marcel Aymé (avec les défauts que nous lui connaissons et ses amitiés nauséabondes) avait pourtant découvert très en avance pourquoi la France du COVID 19 se révélait la féconde matrice d'une certaine catégorie de rebelles que nous vomissons ici - un nom à la mode revient souvent chez les critiques révolutionnaires libertaires-égalitaires (mon parti de coeur et d'esprit même si, malheureusement, fort peu d'action), et je le cite pour paraître à la page même si je ne sais pas c'est qui et ne l'ai jamais entendu beugler : Ivan Rioufol, par exemple. Mais il y en a d'autres. Voici leur motivation essentielle : 

Il était pour [...] le respect des libertés qui permettent aux personnes fortunées de jouir tranquillement de leurs biens et prérogatives. (Article Aristophane). 

   Pour finir confessons que tout cela est du réchauffé, j'ai déjà lu la plupart de ces articles. Mais je me suis juré de râcler les fonds de tiroirs de ma bibliothèque de près d'attache concernant Marcel, je le fais donc, fidèle en cela à ma maniaquerie légendaire. 
 
 - Choderlos de Laclos.- Poésies.
   Le poème dont vous trouverez un extrait ci-dessous, irrita la comtesse Du Barry (Jeanne Bécu, la dernière favorite du roi Louis XV de 1768 à 1774, guillotinée le 8 décembre 1793 à Paris) car elle se sentait visée (voir la fin du morceau choisi). Mais l'épitre dans son ensemble est un éloge des amours roturières (Brassens n'est pas loin), ou, pour être honnête, plutôt ancillaires, ou prostituaires... : de nos jours nous devons réviser le lecture de nos écrivains libertins favoris à l'aune de la prise de conscience qu'apporte le féminisme, "Balance ton porc", l'exposition des violences de genre et autres féminicides, la critique du système prostitutionnel... et c'est une très bonne chose. Mais parfois j'aime à rêver, moi qui n'ai plus aucune activité de ce type, que ces amours furent parfois partagées, respectueuses de chacun(e)s, librement désirées sans arrière pensée d'obéissance, de survie, de protection... 

Mais Margot a de si beaux yeux
Qu'un seul de ses regards vaut mieux
Que fortune, esprit et naissance.

[...]
Non, l'aimable enfant de Cythère
Craint peu de se mésallier :
Souvent pour l'amoureux mystère,
Ce Dieu, dans ces goûts roturiers,
Donne le pas à la Bergère,
En dépit des seize quartiers.
Eh ! qui sait ce qu'à ma maîtresse...
Garde l'avenir incertain ?
Laissez la devenir catin
Et bientôt son heureuse adresse
Saura corriger le Destin.




NECROLOGIE
 
Discret hommages à deux écrivains plutôt chers à ce blog et morts récemment. Comme d'habitude, ne lisant que des mensuels sur arbres morts, et ne sacrifiant pas aux chaînes en continu et sites d'info et d'intox de l'oligarchie, je suis un peu en retard. Une des particularités de ces deux écrivains est que je n'ai rien lu d'eux, mais j'en ai chié entendu parler.

- Michel Ragon : 24 juin 1924, Marseille - 14 février 2020, Suresnes.
A priori, comme pour notre ami Jimmy Gladiator, les ratichons ont confisqués et se sont attribués son cadavre, puisqu'on l'enterra à l'église Sainte Eustache à Paris.

- David Graeber : 12 février 1961, New York - 2 septembre 2020, Venise.

dimanche 15 novembre 2020

Vers l'autonomie alimentaire en brumaire

C'est chez la maman de Wroblewski

Andilly (95) le 07/11/2020

Rien à faire, à part cueillir, ça tombe bien, maman déteste jardiner (pas bien pour l'autonomie !)

"Voici des fruits [...], des feuilles et des branches". Paul Verlaine.

"Les sanglots long etc." Le même.

"Moisson kaki". Librement inspiré de Dashiell Hammett.

Plus qu'à étendre l'expérience au collectif, en diversifiant les cultures, et récupérant les terres confisquées et vitrifiées : plus un centime pour les supermarchés ! Plus un euro pour les magasins bio capitalistes !

PS : Manger un kaki pas mûr, c'est se retrouver avec la sensation d'avoir la muqueuse buccale asséchée et craquelée, c'est astringent (j'aime bien ce mot, mais je ne sais pas s'il est tout à fait adapté au sens que j'aimerais lui donner ici). Pour faire mûrir votre kaki et en faire la nourriture non violente délicieuse, sucrée et juteuse qu'elle peut devenir, confinez-le dans un sac en plastique avec une pomme (environ une pomme pour trois kakis), attendez environ une semaine, quand le kaki est mou, dégustez. Révolution !

mercredi 11 novembre 2020

L'art de la litote

   Nouvelle étape au XIXe siècle : l'instruction du peuple devint une nécessité économique. Le capitalisme triomphant institua donc l'école publique qui fut, elle aussi, durant une période du moins, adaptée aux buts spéciaux qui l'avaient fait naître. Il ne s'agissait point, au fond - et quels que fussent les théories et les discours des universitaires idéalistes - d'élever le peuple, mais de le préparer à remplir avec plus de rationnelle efficience les besognes nouvelles que le machinisme allait lui imposer. Lire, écrire, compter, devenaient les techniques de base sans lesquelles le prolétaire n'était qu'un ouvrier médiocre. Et, dans le même temps, les rudiments de la littérature, d'enseignements géographique, historique, scientifique et moral devaient parfaire l'adaptation de l'individu au cadre étroit de son nouveau destin économique.
   Cette adaptation était à peu près parfaite dans la période 1890-1914. Le peuple lui-même était apparemment satisfait et même quelque peu fier d'une école qui faisait de se fils des "savants". Les philosophes exaltaient les vertus de la raison et de la science, ces nouveaux dieux ; la patrie semblait solidement cimentée et les marchands de tout poil faisaient en toute sécurité de bonnes affaires.
   Le charme fut pourtant rompu et l'escroquerie macabre de 1914-1918 y contribua largement.
Célestin Freinet.- Pour l'école du peuple.

- Très surfait finalement, leur capitalisme. Ça a fait un flop.
- Oui, je suis déçu, déçu, déçu !
- Les vertus de la raison et de la science, qu'ils disaient, faire de nos fils des savants, qu'ils disaient !
- Lol ! ça a fait long feu...