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lundi 15 janvier 2018

Le parvis de la gare de Denis

9 janvier 2018



   Vous me direz, c'est désert, c'est mort. Eh bien habituellement ça grouille de monde, il faut zigzaguer pour atteindre la gare. Mais là, non seulement il pleut, mais c'est truffé de bleu marine et de vert de gris, forcément. Tous les petits vendeurs, qui de brochettes (dans ce cas-ci j'annule toutes mes préoccupations végétariennes), qui de maïs grillé (dans ce cas-là je suspends mes réserves anti-OGM), qui des cartes pour appeler le bled, qui des Marlboro (qui doivent bien faire saigner les poumons au bout de quelques paquets, mais dans ce cas précis...)... et puis des clients, des passantes, des tchatchant, des voyageurs... La police fait le ménage : harcèlement de tous ces petits travailleurs, interdiction de leur laborieuse présence, le libéralisme économique, c'est bon pour les Mulliez (30 milliards en 2017, reprenez-moi si je me trompe de quelques centaines de milliers d'euros, ou d'année), mais là non, il y a des règles Monsieur ! Alors, retour aux minimas sociaux, au deal de produits prohibés et dangereux, à la rue et à la manche (tu sais, disait une administrative de la gendarmerie à mon fils qui est toujours très choqué de voir les damnés du métro demander quelques centimes, ils n'en ont pas tous besoin : ah ! bon, ils font ça pour le plaisir alors ! ou alors pour faire du profit et investir en bourse ou dans la résidence secondaire ? et moi qui ai encore filé un euro hier !). Bref, faut pas être assisté, faut pas travailler, faut pas vendre de la drogue, faut pas faire la manche, faut pas être en France, faut pas camper au bord du périf' ou sous le métro, pas s'allonger sur les bancs... Pas facile d'être pauvre ! Et bronzé.


   Cet appareil fonctionne vraiment mal, pourtant c'est pas un smartphone, c'est un vrai appareil numérique. La photo met un temps dingue à se déclencher. Du coup, comme je flippe vu l'insécurité de la place (les bleus et verts-de-gris cités plus haut, police, contrôleurs et autres miliciens si c'est pas assez clair), j'ai baissé mes mains pour regarder autour de moi. Voilà le résultat. S'il y a des photographes parmi nos lecteurs, nous sommes preneurs de tout conseil.


   Y a un rassemblement prévu mercredi soir je crois, l'affiche a été enlevée, contre la chasse, l'expulsion, la répression de tous ces marchands (quel paradoxe, v'là qu'on défend les marchands !). Les agents de nettoyage on remporté une victoire, pourquoi pas les animateurs de cette charmante place ?


   Dans ce canal (après la rambarde au fond, avant les immeubles), le canal Denis, de nombreux algériens furent jetés par les bleus marines (voir ci-dessus), non épurés après la Libération (l'ont-ils été depuis ?), et se noyèrent pour ceux qui n'étaient pas déjà morts, le 17 octobre 1961. A cette époque, c'est la nationalité qui était mise en avant pour motiver la chasse. En 40, c'était plutôt la race, l'ethnicité, les gènes. Quand j'étais minot, c'était la délinquance, les sauvages des cités, c'est à dire les arabes, noirs, voir roms qui eux logeaient plutôt près des décharges, étaient dangereux : qui est-ce qui fout la merde ? me demandait pour preuve une bonne conscience de gauche à l'époque (paix à sa mémoire), sans complexe et sûr de son fait. Remarquez ce critère on peut encore le retrouver, lisez Valeurs actuelles, entre autres.
   Je ne parlerai pas de ce qui déclenche le stigmate de nos jours, trop clivant.

   En revanche, si l'ami photographe qui nous lit peut me dire pourquoi il y a des fantômes sur cette photo, et plus généralement pourquoi toutes mes photos nocturnes sont mauvaises (celles de journée ne sont pas très bonnes non plus), je suis preneur une fois de plus ; peut-être un paramétrage à faire, je ne comprends rien à ce bidule, à part qu'il faut appuyer sur le bouton qui déclenche la photo. 


   Un peu plus de temps en ce moment, j'ai donc le loisir de vous annoncer la prochaine émission de jazz :

Jeudi prochain l'émission Jazzlib' recevra le saxophoniste alto Pierrick Pedron pour la sortie de son nouvel album en quartet intitulé "Unknown".
Quelle station ? : Radio libertaire 89,4 FM
1er & 3e jeudis 20:30-22:00
Podcast : en panne
Ecoute en direct sur le site : http://rl.federation-anarchiste.org/ (si pas en panne).

   Par ailleurs, mais pas si loin que cela, je suis allé écouter l'un des plus grands pianistes du moment samedi, et ses comparses Diego Imbert et André Ceccarelli ne sont pas à la traîne. 


   Et un petit coup de Satie, dont on est fan ici également :

mardi 12 mai 2015

Prise en main de l'habitat urbain

"L'idéologie dominante est l'idéologie de la classe dominante."
Qu'a le masque (de mémoire).


"«C'est comme je disais ce matin à l'apéritif au capitaine de gendarmerie : on perd son temps à vous plaindre parce que vous n’êtes pas intéressants. Il y a du monde qui vient me parler des taudis de la Malleboine et de la misère en trois tomes de volume. Mais moi, je leur réponds : « Cause à l’autre. » Oui, voilà ce que je leur réponds, parce que moi, je m’intéresse d’abord et surtout à l’ouvrier sérieux. Et alors là, écoute bien ce que je te dis : l’ouvrier sérieux, à l’heure qu’il est actuellement, il n’habite pas à la Malleboine. L’ouvrier sérieux, pendant la bonne époque, il s’est mis de l’argent de côté et il s’est construit une petite maison dans les faubourgs avec un jardin autour, et à présent, il ne vous connaît plus. Et le dimanche, qu’est-ce qui arrive ? C’est que quand il promène sa famille, on dirait un fonctionnaire aux écritures. Alors, oui, des ouvriers comme ça, qui cherchent à s’élever, je veux. J’en ai des fois qui viennent à la maison, à l’occasion d’une sortie entre amis ou d’une réunion syndicale. Eh bien, avec eux, jamais un ennui, jamais. La correction même, ils sont.»
[…]
Trésor, mélancolique, s’éloigna en pensant à ces hommes des faubourgs, anciens compagnons de la Malleboine, qui avaient aujourd’hui maison et jardin, et qui se conduisaient dans l’établissement de Léonard comme des gens du monde. Il songeait surtout aux familles demeurées dans le quartier et qui rêvaient peut-être d’émigrer à un bout de la ville ; qui n’habitaient les sombres rues de la Malleboine que contraints par la nécessité. Trésor se sentit moins heureux.
[…]
« Ton copain, demanda Trésor, il s’appelle comment ?
- Antoine », dit Antoine.
Cette fois, Trésor fut très satisfait. […] Il leva les bras en l’air en regardant ses mains comme du fond d’un puits et c’était une façon de dire qu’Antoine habitait sans doute dans la ville haute.
« Route de Paris, répondit Buq. Un peu plus loin que le pont du chemin de fer.
- Alors comme ça, tu as ta maison à toi avec un jardin ? »
- Antoine confirma d’un signe de tête, et, croyant discerner quelque ironie dans cette réflexion, il devint rouge. Trésor s’en aperçut et voulut le mettre à l’aise.
- « Tout le monde ne peut pas habiter au même endroit, fit-il observer. Dans la ville haute, il y a des statues. C’est bien aussi. »"
Marcel Aymé.- Le Moulin de la Sourdine


"Le Français est plus que tout autre le dépossédé, le misérable. Sa haine de l’étranger se fond avec sa haine de soi comme étranger . Sa jalousie mêlée d’effroi pour les « cités » ne dit que son ressentiment pour tout ce qu’il a perdu. Il ne peut s’empêcher d’envier ces quartiers dits de « relégation » où persistent encore un peu d’une vie commune, quelques liens entre les êtres, quelques solidarités non étatiques, une économie informelle, une organisation qui ne s’est pas encore détachée de ceux qui s’organisent."
Comité invisible.- L'Insurrection qui vient.