vendredi 19 novembre 2021

La dose de Wrobly : brumaire 2021 EC


   Bon, Wroblewski a pu lire un peu plus ce mois-ci. La cause en est qu'il s'est fait voler son sac à dos à Ménilmuche pendant qu'il soufflait dans son trombone lors d'un petit concert à un mini salon de la presse alternative devant une librairie. Dedans il y avait la masse sur l'art japonais qu'il déchiffre péniblement depuis des mois. Il l'avait presque terminé, il en était aux annexes, plus précisément à la liste des musées des quatre grandes îles et peut-être des plus petites. Mais le renard, qui devait en avoir besoin, être à des sortes d'abois, ayant profité de l'attroupement joyeux autour des souffleurs et des frappeurs, a fait disparaître ce volume qui a pris pas mal de temps et d'efforts de concentration à Wrobly, certes, mais qui lui a aussi procuré curiosité et instruction. Le voleur a un peu accéléré les chose. Heureusement c'était l'automne et ses températures plus basses, toutes les laisses portatives du monde moderne, papiers, cartes et passes, fric, clés, étaient dans les poches du blouson du musico du dimanche, et pas dans son sac, comme en été qu'il se balade en tee shirt. Mais il y perdit un K-Way, le bouquin en question, un agenda, et, un peu plus chiant, ses lunettes. Depuis il fait avec des anciennes, et a pris rendes-vous chez l'ophtalmo pour début déccembre. Ca ne l'a pas empêché de bouffer du papier imprimé relié.

- Nanni Balestrini.- Black out.
"le pouvoir d'un côté et les jeunes de l'autre

ce trouble-fête de 1968 n'en finira jamais

tout le monde a essayé de récupérer les jeunes
[...]
tout ce qui en 1968 était encore latent ou indéterminé s'est maintenant radicalisé

sa cohérence révolutionnaire dont on voudrait se débarasser pour rêver en paix
[...]
Fiat craint leur haine pour l'usine
[...]
ce sont surtout les contremaîtres qui sentent sur leur peau leur mépris
[...]
ces jeunes arrivent d'une autre planète a-t-il commenté

pour travailler ils travaillent mais dès que la sirène sonne ils détalent comme des lièvres s'ils peuvent ils se mettent en maladie
ils garaient des camions de location devant le magasin et chargeaient calmement des divans-lits des armoires des frigos des téléviseurs
[...]
qui veut des téléviseurs a crié quelqu'un en découvrant un stock à la lumière faiblarde des bougies ici en haut il y a des guitares et des saxos annonce un autre
[...]
une femme m'a téléphoné pour me dire ils passent dans Bushwick avenue on dirait des buffles

une jeune femme qui s'était présentée sous le nom d'Afreeka Omfrees a dit vraiment c'est quelque chose de merveilleux tout le monde est rassemblé dans les rues il y a une atmosphère de party

une femme de cinquante ans son panier à provision au bras entre dans le magasin en disant aujourd'hui on fait son marché gratis
[...]
un jeune homme deux saxos sous le bras m'a arrêté et m'a dit il y a cinq ans à Brooklyn j'ai été obligé de mettre en gage mon sax et maintenant je vais me remettre à jouer encore"

- Choderlos de Laclos.- Critique littéraire.
   Ah ! les Lumières ! Dommage que ça se soit fini en eau de boudin, c'était quand même un très bon esprit !
   "Les amis de la liberté et de l'égalité apprendront ici avec plaisir que La Pérouse avait, dès 1786, les idées libérales qui n'ont été proclamées ouvertement en France qu'en 1789. Le passage suivant en fournit une preuve frappante : "Quoique les Français, dit-il, fussent les premiers qui, dans ces derniers temps, eussent abordé sur l'île de Mowée, je ne crus pas devoir en prendre possession au nom du roi. Les usages des Européens sont à cet égard complètement ridicules. Les philosophes doivent gémir sans doute, de voir que des hommes, par cela seul qu'ils ont des canons et des baïonnettes, comptent pour rien 60 000 de leurs semblables ; que, sans respect pour leurs droits les plus sacrés, ils regardent comme un objet de conquête une terre que ses habitants ont arrosée de leur sueur et qui, depuis des siècles, sert de tombeau à leurs ancêtres. Ces peuples ont heureusement été connus à une époque où la religion ne servait plus de prétexte à la violence et à la cupidité.""

   Si ils savaient !...

- Sébastien Navarro.- Péage sud.
   Une des plus insolites révolutions sémantiques du XXIème siècle débutant : le jaune, de mouchard patronal, de traître à sa classe, est passé émeutier déter', insurgé rentre-dedans, plèbe à bout bouillant spontanément !

   "- Je travaille de 6 heures du matin à minuit pour un salaire de 1000 balles. J'ai le dos cassé. J'en peux plus. Le matin, je dois être au poste à 5h55. Dès que ça sonne, je dois m'activer. Pas de temps mort. Des heures à transporter des palettes. S'il manque un ou deux mecs, le patron s'en bat les couilles. C'est à moi de boucher les trous. Pour le même salaire évidemment. Je cours partout. Pour le patron c'est tout bénéf. D'ailleurs il a rejoint les foulards rouges*. Mais moi c'est décidé, je le plaque. J'arrête. Je me fous au chômage.

   Au rond point, il n'y a que trois clampins. Dont JP, le gendarme retraité. Je lui parle du texto reçu. Paraît que ça se corse. JP nous affranchit : il y a une AG sur le parking du Lidl. On peut dire que les gilets ont le chic pour trouver les endroits les plus sexy où se réunir : après les ronds-points gazolés, les parkings de supermarché low-cost."

* Ephémère mouvement pro-Macaron.
- Marcel Aymé.- Confidences et propos littéraires.
   "Au fond de notre coeur, nous nous refusons instinctivement à admettre que l'un de nous puisse être jugé par ses semblables revêtus de toges et de peaux de lapin.
   Nous ne croyons ni à leur infaillibilité, ni au pouvoir dont ils sont investis par la société de faire jaillir une vérité même incertaine et tremblotante, et nous avons besoin de faire appel à notre raison pour reconnaître la nécessité des tribunaux dont les sentences, rendues avec majesté, ne sont à tout prendre que des opérations de police du deuxième degré. Du reste, l'expérience confirme souvent, trop souvent, le bien fondé des avertissements que nous prodigue notre instinct.
   [...] on n'a vu aucun procureur, aucun président de cour d'assises confesser publiquement qu'ils avaient sur des données entièrement fausses expédié des innocents au bagne et à la guillotine. A combien s'est-il élevé le nombre de leurs victimes ? Encore ces serviteurs de la justice étaient-ils de bonne foi.
   Mais que dire des juges de la Libération qui condamnèrent par timidité, par veulerie, pour ne pas entrer en conflit avec le nouveau pouvoir ? Il est rare que l'histoire ratifie les condamnations prononcées contre des prévenus politiques. Qui donc, de nos jours, peut songer sans écœurement à la férocité des conseils de guerre de 1871 ?
   Cela dit et considéré, il faut convenir que la peine de mort est une périlleuse aventure pour la justice dont elle compromet sérieusement la majesté sinon l'exercice. Faut-il ajouter qu'elle est encore plus périlleuse pour ceux qui en sont les victimes ?
   L'innocent expédié au bagne peut encore espérer une réparation, mais celui qui meurt sous le couperet ou sous les balles du peloton d'exécution n'a plus à compter que sur le tribunal du jugement dernier. On comprend d'ailleurs mal pourquoi, en France, le mépris public demeure attaché à la profession de bourreau alors que la carrière d'un magistrat ayant obtenu la mort de ses semblables se poursuit dans les honneurs.
   S'il est vrai que le second serve la société, le premier en peut dire autant. Pour ma part je trouve indécent et révoltant qu'un monsieur puisse, le cul sur un fauteuil et sans courir le moindre risque, réclamer avec des effets de manche la mort d'un homme, coupable ou non."
Arts, 25 mars 1959.

- Serge Truffaut.- Les Résistants du jazz.
   Un très beau livre, superbement illustré, et instructif, puisqu'il nous permet de mieux connaître, ou de découvrir, des "mi-moyens" du jazz américain, qui sont aussi de somptueux musicos, dont la biographie est retracée avec une verve parfois polémique, en lien avec le contexte social, géographique, culturel, historique... de leur apparition, du chemin qu'ils ont tracé, de l'héritage qu'ils on laissé : Red Garland, Charlie Rouse, Lee Morgan, Julius Hemphill, Horace Silver, Gerry Mulligan, Mal Waldron, Jackie McLean, Lester Bowie, Johnny Hodges, Hampton Hawes, Dinah Washington, Paul Desmond, Duke Jordan, Sun Ra, Johnny Griffin, Art Blakey, Eddie "Lockjaw" Davis, Gil Evans, Ray Bryant, Don Cherry, Booker Ervin, Donald Byrd, Mary Lou Williams, Rahsaan Roland Kirk, Stanley Turrentine, Shelly Manne, Ben Webster, Zoot Sims, Randy Weston, Buck Clayton, Horace Parlan, Hank Mobley, Roswell Rudd, Max Roach, Art Pepper, Dr John, Cannonball Adderley, Elvin Jones. Quatre pépinières de jazz sont également décrites dans leurs différents apports à la grande fructification de cette musique libertaire, free jazz ou pas : Detroit, Kansas City,...

Comme y a 37 mecs pour 2 nanas, on discrimine positivement.

   "De leur vivant, Billie Holiday, Ella Fitzgerald et Sarah Vaughan furent célèbres et le demeurent. Dinah Washington, elle, fut populaire et le reste. Dans les ghettos, dans les lieux où les intonations du blues doivent être claires, nettes, que ce soit dans le jazz, le rhythm and blues et autres genres ou sous-genres.
[...]
   Tout au long des années 50, elle va aligner des hits : I Won't Cry Anymore, Come Rain Or Come Shine, Am I Blue ?, My Heart Cries For You, Cry Me A River, All Of Me, Make The Man Love Me et une floppée d'autres titres. Certains ont été arrangés et orchestrés par Quincy Jones. D'autres ont été réalisés en compagnie des poids lourds du bebop comme Max Roach, Clifford Brown Richie Powell et consorts quand elle n'était pas invitée par Count Basie et Duke Ellington.
   Mais voilà, sa gourmandise vocale devait lui jouer un sale tour de la fin des années 1950 à son décès le 14 décembre 1963. Elle fit de la pop, du sirop, du très sirupeux. Elle a enregistré une quantité de pièces noyées par des dizaines de cordes. Non seulement ça, elle fera même du Hank Williams. Tout ça sans jamais, il faut le souligner, gommer les accents du blues.
   Reste que cette déviation vers des genres jugés trop populaires, donc trop vulgaires, par les critiques "branchés" de l'époque devait lui valoir un chapelet de réactions toues formulées à l'enseigne du mépris. on précisera même : le mépris de classe."

- Lawrence Block.- Drôles de coups de canifs.
   Entre deux réunions des AA, Scudder se fait pote avec un boucher (c'est une métaphore, et un surnom), et démasque le tueur gentrifieur, dans un New York ou la spéculation immobilière interdit désormais et de plus en plus aux pauvres la possibilité de se loger. On se croirait à Paris.

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