jeudi 21 mai 2015

Jouons un peu avec le socialisme

« A une époque où le socialisme existe et progresse rapidement sur un tiers du globe, à un instant de l’histoire où l’aspiration à la société sans classe s’étend dans le reste du monde, l’on ne peut s’étonner des succès de prestige d’un précurseur de la transformation révolutionnaire de la société, auquel nous devons partie de nos rêves, de nos luttes, de nos formulations. […] »

De Thierry Mandon à propos de François Hollande ? C’est vrai que mardi 19 mai il n’y avait pas classe… Ca fait pas trop rêver… Mais non, le socialisme dont parle cette introduction à des textes du « précurseur » en question est celui de Brejnev, ses bureaucrates, ses généraux, ses flics, ses bagnes, son industrie militaire, son programme spatial, son industrie lourde qui bouffe les doigts à l’acide et casse les corps, sa hiérarchie, sa discipline comme chez l’ennemi capitaliste, mais soyons réaliste, c’est pas parce qu’on vit au pays du « plus grand bien commun possible » qu’il faut pas se sortir les doigts du cul. Sans compter que Brejnev est sans doute l'un des hommes les plus décorés de l'Histoire. Il affichait une quarantaine de décorations à son uniforme. Ce chiffre dépasse les 120 en y incluant les décorations étrangères. Il y a vraiment des personnes dont l’aveuglement, ou la duplicité (et il en reste encore) plongent dans des abîmes de perplexité… Bref, ça fait pas tellement rêver non plus et on se dit que ce précurseur, au secours !


Et pourtant : "Par manière de succès paradoxal, on vit aussi en 1968, sur les murs de quelques universités, la reproduction à la craie de formules xxxxxxistes aux fins suspectes d'opposer l'utopie pré-marxiste aux certitudes du socialisme scientifique." Certitudes du socialisme scientifique !

Mais citons-le enfin ce précurseur qu'on s'arrache, et convenons que ses propos sont en légère contradiction avec le socialisme ci-dessus référencé :
« Loin de nous cette pusillanimité qui nous ferait croire que nous ne pouvons rien par nous-même et qu’il nous faut toujours avec nous des gouvernants. Les gouvernants ne font des révolutions que pour gouverner. Nous en voulons enfin une, pour assurer à jamais le bonheur du peuple par la vraie démocratie. […] c’est pour du pain, l’aisance et la liberté que nous nous échauffons. Ne nous laissons pas donner le change. »
Et notre introducteur de commenter, un peu désolé mais toujours très professionnel :
« On ne peut s’empêcher de rapprocher cette vision des choses de certaines formes gauchistes, égalitaristes et anarchisantes qui ont accompagné la crise du capitalisme contemporain dans les années 60 de notre siècle. »
Et encore :
« … réaliser l’égalité sociale, mais conserver les vieilles formes de la production et des échanges [là notre introducteur n’évoque pas les rapports marchands, la monnaie, le travail, la hiérarchie… toutes choses que la paradis de Brejnev avait heureusement conservées, mais l’absence d’un esprit propre à faire advenir énergies fossiles, nucléaire, cybernétique, bio-technologie, industrie lourde, numérique, taylorisme, fordisme, toyotisme, stakhanovisme… tous progrès que les grands successeurs de notre précurseur selon notre introducteur ont su développer avec brio. Note du blogueur]. Ce second point de vue, qui correspond d’ailleurs de nos jours à une vision capitularde et étriquée de la lutte pour le socialisme, pénétra jusqu’aux alentours de 1900 dans la conscience populaire, donnant aliment aux propagandes anarchistes ou réactionnaires. Il n’est pas sûr que tout en ait disparu. »

Bien vu Charlie ! Aujourd’hui les opposants au développement techno-scientiste sont toujours là parce que, que ce soit celui des capitalistes libéraux ou celui des capitalistes d’Etat que tu chéris (ah ! le délicieux smog pékinois !), ils mutilent Pachamama, donnent des troubles respiratoires à mon fils, et nous interdisent de courir les bois pendant qu’on est d’une manière ou d’une autre enchaîné au dispositif industriel et gestionnaire.

Mais il n’en est pas moins vrai que l’écrivant qualifié de précurseur; là-haut, malgré les tâtonnements de sa recherche et de son action, en fut un du communisme digne de ce nom, forcément libertaire. Et il est vrai également que nous lui « devons partie de nos rêves, de nos luttes, de nos formulations ». J'éprouve pour lui une grande tendresse, ai plaisir à le lire, me passionne pour la période qu'il vécut et dont il fut acteur.

De qui s’agit-il ?

Bravo à George et à Jules, qui ont trouvé ailleurs avec un peu d'aide. Il s'agissait de Gracchus Babeuf, 1760-1797.

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