Décidément, Mizoguchi est vraiment un cinéaste que la prostitution a inspiré, ou hanté, car nombre de ses films sont à charge de cette toujours violente exploitation du corps des femmes par un système patriarcal qui ne laisse aucune chance aux prolétaires du sexe, quand bien même elles seraient des lutteuses, s'étant laissées happées avec plus ou moins de formes, mais toujours par un chantage à la survie, par ce viol tarifé toléré. Plus largement ces témoignages de fiction agissant comme des procès mettent en évidence la domination masculine et la sujétion des femmes.
Parmi les films de Mizoguchi évoquant la prostitution que j'ai pu voir dernièrement et au sujet desquels j'ai écrit quelques lignes ici : La Cigogne en papier, Oyuki la vierge, Cinq femmes autour d'Utamaro, La Vie d'O'Haru femme galante, Les Contes de la lune vague après la pluie, L'Intendant Sansho, La Rue de la honte.
Attention, de relatifs divulgâchages peuvent apparaître dans les notices ci-dessous.
- La Marche de Tokyo (東京行進曲, Tōkyō kōshinkyoku), 1929.
- La Marche de Tokyo (東京行進曲, Tōkyō kōshinkyoku), 1929.
Film muet et incomplet. Une jeune femme, Michiyo, hébergée chez son oncle ouvrier après la mort de sa mère Geisha, est contrainte, quand celui-ci se retrouve au chômage, de s'adonner au métier de celle-là, pour soulager financièrement le foyer. Avant de mourir, la maman, ayant été mise enceinte puis abandonnée par le courageux papa, avait sommé sa fille de ne jamais faire confiance aux hommes. Elle lui remit à cette occasion sa bague. Dans l'établissement où elle travaille Michiyo subit une cour assidue d'un vieux et richissime chef d'entreprise jouisseur. Avant cela, le fils de celui-ci, plutôt gentil, tombait éperdument amoureux d'elle, qu'il avait aperçue dans la rue en habits de pauvresse. Au moment où le client-patron n'y tient plus et s'apprête à violer gentiment notre geisha, il aperçoit sa bague et blêmit. Quand son fils lui annonce qu'il veut épouser Michiyo, il doit lui révéler, écroulé, que c'est impossible car celle-ci est sa propre sœur, c'est à dire sa fille, à lui, le vieux (vous me suivez toujours ?).
- Les Sœurs de Gion (祇園の姉妹, Gion no shimai), 1936.
Le quartier de Gion, à Kyoto, à l'est de la rivière Kamo, je l'ai un peu arpenté ici. Deux prostituées, la gentille, qui éprouve de la compassion et de l'affection pour les hommes, et la méchante, qui n'est que vengeance, mensonge, duplicité, vente au plus offrant et trahison. Les deux en arriveront à la même conclusion : elles sont dans le cercle de l'enfer aux souffrances incessantes et ce cercle n'a pas d'issue.
Le quartier de Gion, à Kyoto, à l'est de la rivière Kamo, je l'ai un peu arpenté ici. Deux prostituées, la gentille, qui éprouve de la compassion et de l'affection pour les hommes, et la méchante, qui n'est que vengeance, mensonge, duplicité, vente au plus offrant et trahison. Les deux en arriveront à la même conclusion : elles sont dans le cercle de l'enfer aux souffrances incessantes et ce cercle n'a pas d'issue.
- Femmes de la nuit (夜の女たち, Yoru no onnatachi), 1948.
Réduites à la misère et/ou à la dépendance après les destructions de la guerre, les leurs disparus, ou victime de la violence prédatrice masculine car trop naïve et aventureuse, trois femmes tombent dans l'enfer de la prostitution de rue, à Osaka. La scène finale dans un cimetière, dantesque, témoigne épouvantablement de cette damnation. Mais on voit mal ce que la dite sainte dite vierge, sur un vitrail de laquelle la caméra s'attarde lourdement, vient faire là-dedans. Alors ce serait soit putain, soit bigote ?...
Avec l'attachante Kinuyo Tanaka (à gauche) qu'on a pu voir ici aussi (voir actus cinéma japonais précédentes) dans Cinq femmes autour d'Utamaro, L'Amour de l'actrice Sumako, La Vie d'O'Haru femme galante, Les Contes de la lune vague après la pluie, L'Intendant Sansho, Flamme de mon amour (voir ci-dessous), et même dans Barberousse de Kurosawa ! Au début elle ne paye pas de mine, rien d'une vamp, et lorsqu'on finit par s'habituer à son visage et la reconnaître au bout d'un moment on se met à développer une grande sympathie pour les personnages qu'elle incarne, son jeu d'une profonde sensibilité et son petit visage rondelet capable de lancer des éclairs ou d'être d'une provocante désinvolture.
- Flamme de mon amour (我が恋は燃えぬ, Waga koi wa moenu).
Encore un film féministe, sauf erreur. Pas de prostitution cette fois, mais une femme, en 1884, luttant contre la domination masculine, aussi bien au village coutumier que dans le grand Tokyo, notamment dans un parti politique de gauche de l'époque, c'est à dire démocrate bourgeois, dont le leader, qui devient l'amant de notre héroïne, se révélera être un macho comme les autres.
Université bloquée par un collectif féministe non mixte ce matin 9 mars 2020.
Le terminus de l'héroïque ligne 13, totalement fermée pendant un bon mois de grève en décembre-janvier.
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