jeudi 28 mai 2015

C'est bien la vérité ça nous le savons

"Une section […] vient de se signaler en demandant que ceux […] qui portent l’habit simple et les cheveux plats soient chassés des places. Tout présage le prompt et complet retour des messieurs. Quelle folie aussi à nous d’avoir voulu singer et les mœurs et l’extérieur des anciennes Républiques. Peut-on avoir le sens commun avec une tête noire ? On sait que Cicéron et Brutus, avec leur costume tout naturel, étaient des imbéciles et des lâches. Une République, pour être solidement établie, doit être bien poudrée ; et dans ces temps de malheurs, où le pain manque et se vend dans bien des endroits trente sols la livre, la France ne peut cependant pas se dispenser, si elle en est requise, de consacrer le quart des farines pour blanchir la nuque de l’importante et innombrable bureaucratie ; parce qu’on sent combien d’inconvénients peuvent naître de ce que les administrateurs, leurs commis et jusqu’au dernier carabin d’une administration n’ait pas un ton différent de celui du Peuple, qui puisse en imposer, marquer la distance, et faire paraitre capable. Barbiers aristocrates ? Ne pleurez plus, l’empire de la frisure est bientôt reconquis ; la législation de la perruque va être mise à l’ordre du jour, et bientôt vous lirez joyeusement, de concert avec tous les autres artisans de luxe : Avis au public : « Le premier titre que devra désormais produire tout aspirant à une place sera de se présenter le chef enfariné […]. »"
Gracchus Babeuf.
Les manifestants de droite enrichissent Bernard Arnault, et désespèrent le Rana plaza, ce qui est dans l'ordre des choses

Mode et radicalité ! Eternel dilemme ! J'en parlais déjà ici. Et combien de fois n’ai-je pas sollicité la rubrique « Tendances et savoir-vivre » du regretté journal Article 11, torturé soudain par un doute vestimentaire avant de me rendre en manif sauvage, où d’un doute éthique, quand ma cagoule ou mon casque intégral étaient dûment payés, avec de l’argent lâchement gagné par un travail salarié, double obéissance donc aux lois de l’économie, avec contribution à l’engraissage de mon employeur, et d’entrepreneurs du textile et/ou de matériel moto ? Les copains d’A11 m’ont toujours encouragé, rapport au premier scrupule, l’esthétique, d’opposer à l’extravagant costume, aux fringues de marque de la jeunesse dorée, la simplicité du costume sans cravate, sans gants, (ou alors de protection pour l'allumé/lancé/retourné/entassé ou contre l'identification) bref, le style sans-culottes : cheveux plats, pantalon droit et blouse.
Mais attendu que l'industrie textile, qu'elle soit pour rupin ou pour purotin, enrichit l'oligarchie en réduisant des femmes et des enfants à l'esclavage, quelle solution ?
Il y a bien le nudisme révolutionnaire d'Ernest Armand, moi je suis plutôt pour, mais quand ça pèle ?... Si vous avez des idées...

Les manifestants de gauche enrichissent Gérard Mulliez, et désespèrent le Rana Plaza, ce qui est plutôt contre nature

Cela dit :

Si un habit simple convient bien au prolétaire anarcho-autonome, malgré les quelques réserves d'ordre éthique évoquées plus haut, cela ne signifie pas que nous ne devions jamais sacrifier à une certaine hygiène. Et je suis parmi les bien-pensants, les politiquement corrects, les modérés, oui ! je n'ai pas honte de l'avouer sur cette tribune que je me suis offerte, qui pensent qu’une douche hebdomadaire pourrait apporter beaucoup de cette douceur de vivre du quotidien sans laquelle notre révolution resterait bien austère, bien ascétique, bien terne. Or, comment se laver sans enrichir les marchands de savon, qui farcissent ceux-ci d’huile de palme, dont l’industrie est un crime contre Pachamama et tous mes potes animaux et une source de destruction de communautés vivrières et de progression de l’esclavage ?
La solution est là, après mon dentifrice du Chat de Cheshire :
ma recette de savon maison.

La saponification des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes

Pour cela il faut être un expert en mathématiques : 137 g de soude (NaOH) pour 1000 g d'huile d'olive. Pour ma part j'ai fait des manips avec 500 g d'huile d'olive, donc... 68 g de soude (en pastilles, se trouve en grande surface ou magasin de bricolage). On arrondit toujours un peu en bas pour la soude. La soude est à introduire petit à petit dans de l'eau (environ 100 ml). Cette étape est délicate car la soude, en se dissolvant dans l'eau, produit de la chaleur, il faut être très vigilant(e). Une fois la soude complètement dissoute, il faut mélanger cette solution à l'huile ; on peut préalablement faire chauffer l'huile (à 60°C environ). Le mieux est de faire le mélange au mixeur (5 minutes environ), ou par défaut dans un récipient en agitant très vigoureusement pendant 20 minutes environ. Le temps de réaction varie suivant de nombreux paramètres. Au cours de l'agitation/mixage le mélange va devenir opaque : c'est la saponification qui fait son travail. C'est quand on arrive à une sorte de crème anglaise que c'est finit. Ensuite, il suffit de mouler ce mélange (moules en silicone, anciennes barquettes de beurre etc...). Laisser reposer 4 à 6 semaines. Pendant ce temps la soude va continuer de réagir avec l'huile pour que la réaction soit complète. Le savon va aussi sécher et sera près à l'emploi une fois qu'il aura durci. Vous pouvez le démouler en cours de séchage pour accélérer le processus. Facile ! Le savon mousse peu, il a une agréable odeur d'huile d'olive. Attention toutefois, la soude est un produit dangereux (notamment pour les yeux). Il faut la manipuler avec précaution et surtout être vigilant aux proportions des ingrédients lors du mélange : un manque d'huile fera un savon caustique (fortement basique) qui risque fort de vous épiler en même temps que de vous laver. Plus sérieusement, manipulez avec des lunettes, une blouse et des gants et ouvrez régulièrement le récipient quand vous agitez pour dégazer. Si vous avez de la soude sur vous, pas de panique, rincez abondamment sous l'eau et il n'y aura pas de problème. Afin d'ajouter un peu de fun, on peut rajouter au savon des huiles essentielles, par exemple, juste avant le moulage. C'est ce que j'ai fait ce week-end pour ma deuxième tournée !

Pour terminer, j'ajouterais que ces savons servent aussi bien pour le corps que pour les cheveux. Je pense que le "shampoing" est une invention de publicitaires zélés à freiner la déturgescence tendancielle du taux de profit.

Enjoy !

4 commentaires:

  1. On faisait du savon avec de la cendre... rien de plus chic et de plus élégant que de se laver avec les cendres de l'ancien monde.

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  2. Si vous avez la recette cher Tenancier, je suis preneur. Ainsi, je pourrai réciter l'Ecclésiaste pendant ma lustration : "De la fumée, dit le Sage, tout n'est que fumée, tout part en fumée" ou bien "Vanité des vanités, dit l'Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité", selon la secte qui traduit. L'Ecclésiaste qui, j'y pense, était assez matérialiste pour un personnage de ce mauvais polar qu'est la Bible. Mêler les plaisirs du corps à la conscience de notre finitude, voilà une attitude bien philosophique que n'aurait pas reniée Epicure, voir Epictète dans ses bons jours. On pourrait aussi en se rasant (toujours à l'aide du même savon) déclarer tel le trappiste jouisseur les lendemains de cuite à la Chimay : "frère, il faut mourir !"

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  3. Sans trop se forcer à chercher, on trouve une recette ici :
    http://alteravie.blogspot.fr/2012/01/le-savon-la-cendre-de-bois.html
    Vous pouvez à loisir utiliser la lavasse de bénitier pour diluer votre savon, mon cher, mais quelle drôle d'idée...

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  4. Merci Tenancier, très intéressant. Je demanderai à mes beaux parents de me garder un peu des restes de leur cheminée pour expérimenter, moi malheureusement suis en appartement en ville dortoir. Cette recette évite d'acheter la soude donc se rapproche encore plus de l'alternative au Super U. Bon !
    Lavasse de bénitier ? Oui, drôle d'idée, mais pourquoi pas, on gaspille tellement d'eau... Avec mon bidon sur mon vélo, à faire la tournée des églises, je ferai, après l'autre, un drôle de paroissien.

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