J'ai un peu écouté Stravinsky car je suis jaloux des oreilles bien exercées qui parviennent à trouver ineffable la musique contemporaine du XXème siècle, française, russe, ou même roumaine. Et un des morceaux que j'ai vraiment trouvé magnifique, enthousiasmant, est Pulcinella.
Las ! Pour les musiciens initiés, je ne dirai pas snobs, car ce n'est pas parce que je suis limité que je dois critiquer ceux qui sont supérieurs à moi en compréhension et en aptitude à ressentir ; pour les grands initiés, donc, ce Pulcinella est un ballet néo-classique ! Oui, vous avez bien lu, néo-classique, c'est-à-dire que c'est la honte ! Les musicos avant-gardistes de son époque, comme Schönberg, le chambraient et le critiquaient vertement justement parce qu'il avait osé composer des pièces aux belles mélodies, qu'un Jojo en gilet jaune pourrait aimer facilement. Pour comprendre ce sentiment de trahison des amateurs de musique plus coriace, il faut rappeler que Stravinsky était des leurs. Il raconte dans une interview que, quand il composait le Sacre du printemps en Suisse dans les années 10, un jeune garçon qui jouait dans la cour s'était mis à crier : "C'est faux, ! c'est faux !". "Pour lui, c'était faux", rigole Igor, "mais pas pour moi !". Et il a bien raison ! Mais à mon niveau, je suis bien content qu'il ait aussi fait du néo-classique.
Je vous copie ci-dessous un texte que m'a envoyé l'Orchestre de Paris, c'est toujours intéressant. Ce texte parle du ballet Petrouchka. Petrouchka, a priori, signifie, si j'ai bien tout compris, Polichinelle en russe, de même que Pulcinella en italien. Mais ce second Polichinelle est en revanche bien dans le style plus ardu et rugueux à l'oreille du Stravisnsky du Sacre (dont la création au théâtre des Champs-Élysées à Paris, le 29 mai 1913 provoqua, rappelons le, un scandale artistique comparable à la non moins célèbre bataille d'Hernani en 1830). C'est pourquoi il nécessite, pour moi en tout cas, de multiples écoutes pour en découvrir les joyaux et finir par le kiffer un jour.
Poupées russes
Créé en 1911 au Théâtre du Châtelet par les Ballets russes, Petrouchka de Stravinski est construit autour d’un personnage fort. De l’Italie à la Russie, en passant par la France, ses racines sont multiples… Explorons son "arbre généalogique" !
Les cousins éloignés
Premier cousin : Arlequin, dont l’origine, discutée, remonterait aux pièces latines. Les comédiens masqués de la Commedia dell'arte – le théâtre populaire italien du XVIe siècle - le révèlent : originaire de Bergame en Lombardie, il est paresseux, fourbe, séducteur et change rapidement d’opinion. Par la suite, à ses talents de mime s’ajouteront ceux d’acrobate.
Agile aussi, physiquement tout comme dans ses relations, Polichinelle (Pulcinella en italien), représentant au départ les Napolitains, est également bon vivant et coureur de jupons.
Demi-masque noir, nez crochu et costume blanc sont ses attributs ! La version française est une marionnette bossue à gros sabots et à la voix stridente, qu’on retrouve dans le théâtre de Guignol.
La version anglaise de Polichinelle s’appelle Punch ; en Russie, on l’appelle… Petrouchka.
Le Polichinelle russe
Dans le ballet de Stravinski, Petrouchka évolue au sein d’une fête populaire russe. D’abord simple pantin sans vie aux côté de deux autres - la Poupée et le Maure -, il se met à danser grâce au pouvoir d’un inquiétant magicien. Il s’éprend de la Poupée, qui lui préfère le Maure, les deux pantins masculins se battent et Petrouchka meurt. Son esprit finira par hanter le magicien.
Pierrot, qui emprunte son costume blanc à Polichinelle, est en quelque sorte l’équivalent français de Petrouchka. Ils sont tous deux mis à l’écart de la société, parce qu’ils sont idiots, laids, solitaires ou maladroits et sont chacun au cœur d’un trio amoureux (Colombine et Arlequin pour Pierrot). L’incarnation de Petrouchka par le célèbre danseur Nijinsky devient un marqueur pour d’autres artistes à la fois tristes et drôles du XXe siècle comme Jerry Lewis ou Charlie Chaplin.
Une plus large palette
Dans la Commedia dell'arte, faire rire était central, notamment par l’imitation ou des gestes grotesques. Au XXe siècle, les clowns et mimes gagnent en profondeur et expriment par le seul moyen du corps, des situations, des émotions. C’est le cas du mime Marceau (1923 – 2007) dont le jeu est empreint de poésie et de sensibilité. Avec son "Charlot" émouvant et malicieux, Charlie Chaplin (1889 – 1977) est également un héritier de ces personnages : dans Charlot garçon de café ou Charlot vagabond, il est soumis aux injustices de la société et adresse à la caméra des regards tantôt emplis de tristesse, tantôt moqueurs.
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