jeudi 1 juillet 2021

La Dose de Wrobly : messidor 2021 EC

Rémunéré, le poète est plus à l'aise pour pleurer.
Blaise Lesire.- Opuscule navrant.
Je connais gens de toutes sortes
Ils n’égalent pas leurs destins
Indécis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal éteints
Leurs cœurs bougent comme leurs portes
Guillaume Apollinaire.- Marizibill.- Dans Alcools.

   - François Sureau. Ma vie avec Apollinaire.
   Bon, si Apollinaire me fait vibrer, chanter, ressentir et m'émouvoir, soyons honnête notamment par le truchement des musiques de Ferré, je n'ai pas grand chose à voir avec l'auteur de cet essai autobiographico-biographique. Je ne suis pas du même monde, de la même classe que cet énarque académicien, homme d'affaire, avocat au conseil d'Etat et à la cour de cassation, premier rédacteur des statuts d'En Marche, de Macron. On croit comprendre aussi à la lecture du livre qu'il est homme de foi catholique. A sa décharge depuis 2014 il s’engage en faveur des libertés publiques, contre l’état d’urgence et, plus généralement, contre des dispositions législatives qu'il considère comme répressives. Le 4 février 2019, il publie dans Le Monde une tribune contre la proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dite « loi anti-casseurs ».
   Je me sens certes plus proche de Joseph Ponthus qui, dans son À la ligne, en 2019, cite abondamment le poète trépané mort de la grippe espagnole en 1918, même si je n'ai personnellement pas tâté de l'usine. Malheureusement c'est le premier bouquin qu'on m'a prêté.
   Mais ça ne fait rien, ça parle d'Apollinaire et c'est tout ce qui compte. Il n'est pas un révolutionnaire, il s'est engagé en 1914 (né sujet polonais de l'empire russe, il avait à cœur d'être reconnu comme français à part entière, ce qui peut expliquer ce patriotisme), et évoque la guerre dans ses poèmes comme source de beauté. Le jeune Breton lui reprochera son manque d'amertume face à la grande boucherie mondiale, et le non moins branlotin d'alors Aragon écrit : "Il y a de belles ordures dans Calligrammes". Mais ses poèmes font écho à ma sensibilité, en exprimant l'intimité d'une vie ratée, d'amours splendides non trouvées, d'illusions perdues, le tout sans ressentiment, ou en esquissant des tableaux historiques pittoresques, des scènes campagnardes tendres, ou des déambulations parisiennes nostalgiques... ; sans oublier des formules métaphysiques que je ne comprends pas forcément complètement intellectuellement, mais qui éveillent en moi comme l’intuition du caractère mélancolique, tragique, absurde, que peut revêtir notre vie d'êtres humains en ce monde (voir exergue). Un poète que j'aime beaucoup, qui me parait fraternel en tant que personne (contrairement à l'acariâtre, colérique et haineux Baudelaire, de 59 ans son aîné), que j'ai lu, entendu et que je désire relire et réentendre, ce qui ne saurait tarder, nonobstant les réminiscences de ses poèmes baignant mon quotidien. Le livre de François Sureau a le mérite de parler de lui, de mieux me faire connaître sa biographie, même si c'est en relation avec la sienne propre, dont je n'ai cure. C'est toujours ça de pris.

   C'est tout. Vous vous direz, Wroblewski ne lit plus. Mais je n'ai pas listé les livres commencés, déjà évoqués dans de précédentes Doses, dont je poursuis la lecture, passant de l'un à l'autre en véritable maniaque : le livre de correspondance Georges Bataille / Eric Weil à propos de la revue Critique, le tome 2 de la correspondance de Baudelaire, et la somme sur l'art japonais, un pavé de 480 pages auquel j'espère mettre un bon coup cet été... Conséquemment, pas de polars, pas de SF, pas de fiction... Vous me direz, pas très sexy pour agrémenter les summer vibes. Mais ne présumons pas des surprises que peut nos réserver la vie. Ainsi, hier soir, alors que je raccompagnais une collègue cornettiste après une répétition, nous en vinmes à parler de George Orwell en observant les rats fôlatrant dans les rues vespérales de Saint-Denis, puis notre conversation méandra jusqu'à Jack London et Romain Gary. Et bien vous savez quoi ? Ma co-voiturière à l'intention de me prêter Martin Eden et La Vie devant soi, deux livre qui font partie de mes projets, mais que je ne possède ni n'ai encore eu l'occasion d'appréhender, parmi mes fétiches les plus convoités ! La vie demeure aventure, malgré tout les algorythmes qui nous gouvernent !

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