jeudi 17 novembre 2022

La Dose de Wrobly : brumaire 2022 E.C.

   - Lois McMaster Bujold.- Ethan d'Athos / Le Labyrinthe / Les Frontières de l'infini / Frères d'armes.
   Je poursuis ma saga. En écoutant du Michel Petrucciani. C'est un hasard, mais Miles Vorkosigan, le héros de la plupart des romans, est lui aussi petit, bossu, fragile et génial. Dans Ethan d'Athos un scientifique de cette dernière planète, ne comportant que des mâles homosexuels se reproduisant dans des réplicateurs utérins via des cultures ovariennes, part à la recherche de nouvelles cultures, les anciennes étant mortes de vieillesse, et celles qu'ils avaient commandées ayant été sabotées (il y a même un ovaire de vache dans le colis, entre autres déchets !). Sur une base spatiale il va rencontrer (avec frayeur, méfiance extrême et dégoût, dame ! c'est une femme !) Elli Quinn, la mercenaire Dendarii ayant eu le visage brûlé au plasma, refait joliment à neuf par les chirurgiesn de la planète Beta, et tous deux vivront de rocambolesques aventures ou interviendront des barbouzes cetagandais et un mutant télépathe, entre autres !... Un de mes préférés jusqu'à présent. Le Labyrinthe reprend un peu le mythe du minotaure, en version techno-scientiste, sauf que ledit monstre est une adolescente de 2 m 50 et aux crocs de louve en manque d'amour... Les Frontière de l'infini décrit un camp de prisonniers de guerre sous dôme, assez infernal, comme tout lieu d'enfermement, mais évoquant ici certains cercles du Dante. Dans le dernier Miles fait une pause sur cette bonne vieille Terre, qu'il en profite pour découvrir, mais les vacances seront mouvementées. Tout cela délasse bien finalement. C'est parfois vraiment drôle.

- André Bertrand / André Schneider.- Le Scandale de Strasbourg mis à nu par ses célibataires, même.
   Le De la misère en milieu étudiant fait partie des classiques de la subversion qui m'ont à la fois enthousiasmé et influencé quand j'étais étudiant en que dalle, comme Stirner (dès le lycée) et l'Internationale Situationniste (I.S.), dont j'ai lu le recueil de l'intégrale de la revue à cette époque. Si bien que je n'ai rien fait de ma vie, ce que je ne regrette pas, le refus de parvenir m'étant presque greffé aux tripes. Mais aucune révolution n'étant venue bouleverser les conditions de survie existantes dans cette fin des années 80 et début des années 90, ces élans vers les jouissances libres et la vie trépidante se sont rapidement soldés, mon tempérament addictif et fragile aidant, par une tombée dans le cercle vicieux des bonheurs supplétifs, artificiels et illusoires. Certes il n'y a pas eu que du mauvais, j'ai eu de belles dérives urbaines dans Paris et en banlieue, de bistrots en troquets, et ai pu accéder à des éclairs de poésie de la vie quotidienne. Mais une éthique de la fête et du jeu qui reste parcellaire faute de grand embrasement généralisé ne m'a pas tellement aidé à faire face à la dépression, à la solitude et à l'obligation, finalement, faute d'alternative, d'aller m'aliéner au travail tous les jours. Cela dit ce petit pamphlet par la taille mais grand par l'influence, (précurseur et ferment de la révolution manquée de mai 68) est un chef-d'oeuvre. Il n'y manque que sa réalisation pratique collective et radicale, mais cela ne va pas tarder, il y a des signes avant-coureurs.

   Le Scandale de Strasbourg mis à nu par ses célibataires, même, livre assez récent vu mon retard compulsif et habituel, 2018, raconte les circonstances et le déroulement des évènements qui ont mené à la publications de cet opuscule par des étudiants strasbourgeois ayant au préalable noyauté l'UNEF locale et détourné sa trésorerie pour faire la foire et foutre un joyeux bordel dans le milieu étriqué et arriviste, mais aussi aux aspirations latentes à une vie passionnément libérée de la soumission, de l'université. Et les conséquences de tout cela. Passionnant ! Vous pouvez imaginer comme je biche méchamment !

   Avant de connaître De la Misère et plus généralement l'I.S., qui datent de la jeunesse de mes parents (mais dont ils n'avaient pas la première idée de l'existence), j'ai biberonné pendant mes années de collège et de lycée à la chanson dont vous trouverez les paroles ci-dessous, que j'aime presque autant qu'Où c'est qu'j'ai mis mon flingue ?, quand Renaud était génial. J'en ai encore des frissons. C'était plus récent mais on sent bien l'influence. Le terrain était fertile, ça ne m'a pas lâché. D'ailleurs je bosse depuis bientôt dix ans dans une fac pourrie, la boucle est bouclée. Le monde est toujours aussi déprimant dans son ensemble, mais la maturité m'a apporté une aptitude à être relativement heureux malgré tout, je me force un peu à avoir des amis et à m'intéresser à mes semblables en général et à mes proches en particulier, j'écoute du jazz, apprend le trombone, pratique et enseigne l'aïkido, lit Le Scandale de Strasbourg mis à nu par ses célibataires, même, fait toutes les grèves et quelques manifs, n'ai toujours pas trouvé ma voie dans l'action révolutionnaire, mais ai admis que je suis limité, loin d'être un foudre de guerre, pas plus qu'un meneur d'hommes, comme disait mon chef. Je fais ce que je peux et tente de rester connecté aux passions joyeuses et combatives. Malgré tout.

Boutonneux et militants
Pour une société meilleure
Dont y s'raient les dirigeants
Où y pourraient faire leur beurre
Voici l'flot des étudiants.
Propres sur eux et non violents
Qui s'en vont grossir les rangs
Des bureaucrates et des marchands
Étudiant poil aux dents
J'suis pas d'ton clan pas d'ta race
Mais j'sais qu'le coup d'pied au cul
Que j'file au bourgeois qui passe
Y vient d'l'école de la rue
Et y salit ma godasse

Maman quand j's'rai grand.
J'voudrais pas être étudiant
Alors tu s'ras un moins que rien
Ah oui ça je veux bien

Étudiant en architecture
Dans ton carton à dessin
Y'a l'angoisse de notr' futur
Y'a la société d'demain
Fais-les nous voir tes projets
Et la couleur de ton béton
Tes HLM sophistiqués
On n'en veut pas nous nos maisons
On s'les construira nous-mêmes
Sur les ruines de tes illusions
Et puis on r'prendra en main
Quoi donc ? L'habitat urbain
Je sais ça t'fait pas marrer
J'pouvais pas m'en empêcher

Maman quand j's'rai grand
J'voudrais pas être étudiant
Ben alors qu'est-ce que tu veux faire?
Je sais pas moi gangster

Étudiant en médecine
Tu vas marner pendant sept ans
Pour être marchand d'pénicilline
Tes saloperies d'médicaments
Aux bourgeois tu r'fileras
Des cancers à tour de bras
Et aux prolos des ulcères
Parc'que c'est un peu moins cher
Et l'tiers-monde qu'a besoin d'toi
Là c'est sûr que t'iras pas
Malgré tous ceux qui vont crever
T'oublieras que j't'ai chanté
La médecine est une putain
Son maquereau c'est l'pharmacien

Maman quand j's'rai grand
J'voudrais pas être étudiant
Ben alors qu'est-ce que tu veux être?
Je sais pas moi poète

Étudiant en droit
Y'a plus d'fachos dans ton bastion
Que dans un régiment d'paras
Ça veux tout dire eh ducon!
Demain c'est toi qui viendras
Dans ta robe ensanglantée
Pour faire appliquer tes lois
Que jamais on a votées
Qu'tu finisses juge ou avocat
Ta justice on en veut pas
Pi si tu finis notaire
P't'être qu'on débarqu'ra chez toi
Pour tirer les choses au clerc
Et tant pi s'il est pas là

Maman quand j's'rai grand
J'voudrais pas être étudiant
Ben alors qu'est-ce que tu veux faire?
Je sais pas moi infirmière

Étudiant en que dalle
Tu glandes dans les facultés
T'as jamais lu L'Capital
Mais y'a longtemps qu'tas pigé
Qu'y faut jamais travailler
Et jamais marcher au pas
Qu'leur culture nous fait gerber
Qu'on veut pas finir loufiats
Au service de cet État
De cette société ruinée
Qu'des étudiants respectables
Espère un jour diriger
En traînant dans leurs cartables
La connerie de leurs aînés

Maman quand j's'rai grand
J'voudrais pas être étudiant
Alors tu s'ras un moins que rien
Ah oui ça j'veux bien

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