samedi 23 juillet 2016

Que de chemin depuis Pif !

  "Patrick Drahi (SFR, Altice) et Xavier Niel (Free, Iliad), qui, ils y a quinze ans, n’étaient même pas millionnaires, occupent les 7e et 10e places de ce palmarès des milliardaires bien de chez nous. Grâce aux bénéfices de la téléphonie mobile et de l’Internet, dont la rentabilité brute dépasse les 40 %, ils ont pu amasser chacun plus de 7 milliards d’euros. Ce qui ne peut que réjouir leurs généreux abonnés.
[…]
Dans la France de 2016, pour devenir riche à milliards, mieux vaut profiter d’une rente comme Internet et la téléphonie mobile, ou vendre en grande surface."
Le Canard enchaîné du 13/07/2016.

Allô, c’est moi. J’suis dans le bus. J’arrive. A tout de suite.

[…]

  Ecoutons Denis Marsacq, du laboratoire Sources d’énergie miniatures du CEA-Grenoble, sous-traitant de Nokia dans la recherche sur les minipiles à combustible pour portable, lors d’une conférence à la FNAC : « Bien sûr, ces piles coûteront plus cher que le rechargement d’un téléphone sur une prise électrique, mais nous ciblons les adolescents, qui sont immatures et moins rationnels, et nous pensons qu’ils accrocheront au sans-fil total ».
  Souvenons-nous : ne pas seulement s’adapter à ce que le marché semble demander. Et attaquer les jeunes, assez gogos pour se laisser fourguer Britney Spears en sonnerie et le téléphone détecteur d’amour et de mensonges (vendu par KTS en Corée, pour l’instant). Chers jouvenceaux, vous plaît-il d’être la cible dans le viseur des dealers de gadgets ? Voyez le mépris dans lequel ils tiennent vos dix-sept ans, agitant sous votre nez leur pacotille électronique comme de la verroterie pour sauvages. Contre quoi troquez-vous votre autonomie, votre santé et votre argent de poche ? Un téléphone.
  A votre décharge, vous avez peu connu le monde sans portable. Vos aînés, eux, […].

Enfance en danger...*

  C’est ainsi que vos collègues s’esclaffent. Et Mallein, le sociologue jaune, de qualifier les drogués de gadgets de « visionnaires », et les réfractaires de «conformistes ». Orwell nous l’avait bien dit : L’Artificiel c’est le Naturel. La Consommation c’est la Réflexion. L’Autonomie c’est l’Aliénation.
  De même que dans 1984 l’histoire est réécrite chaque jour, on ne saura bientôt plus qu’il existait un temps où l’on ne s’appelait pas pour se dire qu’on arrivait. Comme on ne sait plus aujourd’hui qu’il a existé un temps où l’on ne s’appelait pas du tout. Où l’on frappait à la porte des gens pour leur parler.

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[…]

   Pourquoi aurions-nous besoin d’une médiation électronique pour communiquer si ce n’est pour nous adapter à un monde qui atomise chacun de nous et morcelle nos vies ? […]
  Supposé renforcer les liens avec les proches, le portable permet à coup sûr d’éviter le contact avec des inconnus. Voyez ces zombies en transit rivés à leurs SMS, certains d’éviter ainsi le regard de leurs voisins de bus. Et ces urbains égarés, accrochés à leur portable pour se faire guider à distance plutôt que de demander leur chemin à des gens. Grâce à leur « kit » de téléguidage, comprenant indicateur des rues et récepteur GPS, ils suivent les instructions de la machine greffée à leur oreille. Qu’un individu s’avise de les accoster de vive voix et ils appelleront bientôt au secours.
[…]

... parents mobilisés !*

 Le téléphone mobile prospère sur le marché de la peur. Les ados le disent : leurs parents les équipent massivement pour « se rassurer ». Sans doute les opérateurs ont-ils raisons d’attribuer leur succès à la crainte « d’un monde potentiellement hostile », et sans doute ont-ils quelque intérêt à aggraver cette hostilité du milieu avec leurs services toujours plus aliénants. Peur de l’agression, de la chute en montagne, de l’enlèvement, sur lesquelles ils jouent avec délectation. Plus banalement, ce qui terrifie nos contemporains, c’est simplement le sel de la vie, le hasard et l’imprévu, qui n’ont pas leur place dans une existence aseptisée, planifiée, calibrée. Marchandises sur tapis roulants, les individus de ce monde-là n’ont pas vocation à quitter la voie qui leur est tracée, et le portable est le meilleur outil pour les accoutumer à rentrer dans les cases. Et à rester dans leur bulle, qui leur procure désormais le nécessaire pour vire pleinement leur autisme : diffusion de musique (téléphones « baladeurs » [...]), et bientôt la télé. « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel vient en effet d’accorder des fréquences aux trois opérateurs afin de tester la diffusion massive de la télé sur le portable ». Avec la télé mobile, les décideurs n’auront plus grand souci à se faire. Le temps de cerveau disponible de leurs « administrés » ne risque définitivement plus de se consacrer à la réflexion, sans parler de contestation. Un troupeau de zombis connectés sur les séries américaines et la pub, juste interrompues par quelques coups de fil (T’es où ?-Ben, devant la télé, où veux-tu que je sois ?) : voilà qui est simple à manœuvrer.
[…]

Allô, j’suis dans le rayon, là. Je prends quoi comme café, en poudre ou en grain ?

Pièces et Main d'Oeuvre.- Le téléphone portable, gadget de destruction massive.

Deux collègues sympas en pleine discussion... avec leurs oreillettes respectives.

* Ces deux photos sont des compositions. Les jeunes et plus matures personnes y figurant ont gentiment accepté de se prêter à cette mise en scène à ma demande. Qu'elles en soient ici remerciées.

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