mardi 4 décembre 2018

Métamorphoses

- Docteur Jekyll et M. Hyde (1941) de Victor Fleming.

La magnifique Ingrid Bergman, en prendra plein la gueule

   Ajoutez que les rares fois où Watt entrevoyait Monsieur Knott, il ne l'entrevoyait pas clairement, mais comme dans une glace, une glace sans tain, une fenêtre à l'est le matin, une fenêtre à l'ouest le soir.
   Ajoutez que la forme que Watt entrevoyait parfois, dans le vestibule, dans le jardin, était rarement la même d'une entrevision à l'autre, mais variait tellement, à en croire les yeux de Watt, en corpulence, taille, teint et même chevelure, et bien sûr dans sa façon de circuler, et de rester sur place, que Watt ne l'aurait jamais crue la même, s'il n'avait sur que c'était Monsieur Knott.
   Watt n'avait jamais entendu Monsieur Knott non plus, entendu parler s'entend, ou rire, ou pleurer. Mais une fois il crut l'entendre dire, Cui ! Cui ! à un petit oiseau, et une autre fois il l'entendit faire un bruit étrange, PLOPF PLOPF Plopf Plopf plopf plop plo pl. Cela se passa parmi les fleurs.


- Rashōmon (1950) d'Akira Kurosawa.

Ici aussi, là encore, comme dans la vie, c'est la femme qui déguste et trinque le plus.

Car tout ce que je sais au sujet de Monsieur Knott, et de tout ce qui touchait à Monsieur Knott, et au sujet de Watt, et de tout ce qui touchait à Watt, c'est de Watt que je le tiens, et de Watt seul. Et si je n'ai pas l'air d'en savoir long au sujet de Monsieur Knott, et de Watt, et de tout ce qui touchait à eux, c'est parce que Watt n'en savait pas long, sur ces sujets, ou qu'il préférait ne pas le dire. Mais il m'assura à l'époque, quand il commença à dévider son histoire, qu'il me dirait tout, et puis plus tard, quelques années plus tard, quand il eut fini de la dévider, qu'il m'avait tout dit. Et l'ayant cru à l'époque, et puis plus tard, je n'avais qu'à continuer, l'histoire depuis longtemps dévidée, et Watt disparu. Non qu'il y eût la moindre preuve permettant d'assurer que Watt avait dit en effet tout ce qu'il savait, sur ces sujets, ou même qu'il s'était proposé de le faire, et cela pour la bonne raison que moi je ne savais rien, sur ces sujets, en dehors de ce que Watt voulait bien me dire. Car Erskine, Arsene, Walter, Vincent et les autres avaient tous disparu, bien avant mon entrée en scène. Non que Vincent, Walter, Arsene et Erskine eussent pu dire quoi que ce soit au sujet de Watt, sauf peut-être Arsene un peu, et Erskine un peu plus, loin de là. Mais ils auraient pu dire quelque chose au sujet de Monsieur Knott. Alors nous aurions eu le Monsieur Knott d'Erskine, et le Monsieur Knott d'Arsène, et le Monsieur Knott de Walter, et le Monsieur Knott de Vincent, à mettre en regard avec le Monsieur Knott de Watt. Ce qui aurait été un exercice plein d'intérêt. Mais ils avaient tous disparu, bien avant ma parution.
   Cela ne veut pas dire que Watt n'ait pu omettre certaines choses qui étaient arrivées, ou qui avaient existé, ou en rajouter d'autres qui n'étaient jamais arrivées, ou qui n'avaient jamais existé. Il a déjà été fait état du mal qu'éprouvait Watt à distinguer entre ce qui arrivait et ce qui n'arrivait pas, entre ce qui existait et ce qui n'existait pas, dans la maison de Monsieur Knott. Et Watt ne faisait aucun mystère, dans ses conversation avec moi, de ce que maintes choses présentées comme étant arrivées, dans la maison de Monsieur Knott, et naturellement sur ses terres, n'étaient peut-être jamais arrivées du tout, ou étaient peut-être arrivées tout autrement, et que maintes choses présentées comme ayant existé, ou plutôt comme n'ayant jamais existé, car celles-ci étaient les plus marquantes, n'avaient peut-être jamais existé du tout, ou plutôt avaient existé tout le temps. Mais cela mis à part, il est difficile à quelqu'un comme Watt de raconter une longue histoire comme celle de Watt sans omettre certaines choses, et sans en rajouter d'autres. Et cela ne veut pas dire non plus que moi je n'aie pu omettre certaines choses que Watt m'avait dites, ou en rajouter d'autres que Watt ne m'avait jamais dites, malgré tout le soin que je prenais de tout noter sur le champ, dans mon petit calepin. Il est si difficile s'agissant d'une longue histoire comme l'histoire de Watt, malgré tout le soin qu'on prend à tout noter sur-le-champ, dans son petit calepin, de ne pas omettre certaines choses qui furent dites, et de ne pas en rajouter d'autres qui ne furent jamais dites, jamais jamais dites du tout.

   Mes deux dernières actu ciné.

   Textes de Samuel Beckett dans Watt.

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