vendredi 20 octobre 2017

La dose de Wrobly : vendémiaire 2017 EC


   - Jean de La Bruyère.- Les Caractères (II)

"On peut lui appliquer justement ces paroles du maître inimitable, de la Bruyère : "Il y a dans quelques femmes une grandeur artificielle attachée au mouvement des yeux, à un air de tête, aux façons de marcher, et qui ne va pas plus loin.""
Charles Baudelaire.- Le Peintre de la vie moderne.


   Cet exemplaire date de 1895. Pas du siècle dernier, mais de celui d'avant. Je n'étais pas né. Mon père et ma mère n'étaient pas nés. Mes grands mères n'étaient pas nés. Mon arrière grand père n'était pas né. Je suis le premier à lire ce livre-ci : certaines pages ne sont pas coupées ! Et vous savez quoi ? Sans aucun doute, je serai le dernier.


- Charles Baudelaire.- Le Peintre de la vie moderne.

   Un petit article très intéressant et évidemment écrit au cordeau du poète, sur l'art du peintre Constantin Guys, spécialiste de l'esquisse prise sur le vif dans la vie quotidienne de son époque. Dommage que Baudelaire se croie obligé de faire de la provocation réactionnaire, citant Joseph de Maistre plusieurs fois (pour lui faire dire d'ailleurs des choses qu'il n'a pas dites ou pour donner des prolongements à certains de ses propos qui auraient surpris le théoricien d'extrême droite), comparant la hiérarchie de composition d'un tableau à la juste hiérarchie sociale, tapant sur la démocratie, l'égalité (je crois même qu'il vise Courbet à un moment...), la philosophie des Lumières, la nature. Évidemment il n'avait pas besoin de cela, si ce n'est pour contenter le Figaro, qui le publia, et pour se concilier l'opinion publique et la presse, conciliation peut-être utile, vu qu'il était durablement dans la mouise suite à l'inattendu procès des Fleurs du mal en 1857. Peut-être aussi qu'une aigreur le faisait mal tourner, lui qui avait plutôt été du côté des fusillés de juin 48 (lire le superbe Abel et Caïn), aigreur qui le fera par la suite s'en prendre aux belges, qui eurent l'outrecuidance de ne pas reconnaître son génie. Il a également certaines phobies tenaces, comme sa haine de la nature, qui pour lui est mauvaise, et de Rousseau.
   Pourtant le monde uniformisé qu'il stigmatise n'est pas tant celui d'une réelle égalité sociale qui permettrait au contraire le surgissement de toutes les individualités et créativités, que celle du monde bourgeois, capitaliste, marchand, réduisant chacun à n'être qu'un discipliné agent économique, bien trop la tête dans le guidon de la production (plus tard de la consommation, on sent un peu venir Debord) pour s'épanouir, à côté d'une poignée de nababs à la vulgarité crasse, vulgarité qu'il détestait. Son dandy, comme les romantiques avant lui, pourrait très bien être un dandy révolutionnaire, illégaliste, comme Georges Darien, ou Oscar Wilde, qui irait jusqu'au bout de son dandysme, et non pas un rentier.
   De même s'il critique la nature, l'état de nature, cela ne semble pas s'appliquer aux sociétés dites primitives, puisque il admire également les indiens d'Amérique (les bons sauvages, mais pas ceux de Rousseau, caca ! ceux de Chateaubriand) et leur art d'accommoder cette nature sans la massacrer pour autant. Je n'évoquerai pas sa vision des femmes qui ne doit pas être pour réjouir nos amies féministes.
   Quand à son esthétique prenant pour objet les instantanés du temps, à l'époque des images omniprésentes et du diktats du temps réel, je me demande si je n'y suis pas finalement insensible, et si je ne préfère pas un bon Raphaël, ou un Titien de derrière les fagots du musée du Louvre, à voir des instantanés d'officiers, de bourgeois ou d'aristos, même s'ils sont bien brossés, méritant par là les sarcasmes et le mépris d'un Baudelaire moderne. Un peu passéiste, peut-être, mais ces rebelles de l'esthétique qui finissent, par cracher sur les cadavres d'ouvriers affamés et d'utopistes courageux... Mais ne refaisons pas l'histoire, Baudelaire est mort en 67, et il n'avait pas le ventre aussi tendu que Flaubert, encore moins l'obésité onctueuse d'un Gautier, non les solides propriétés de Sand, encore moins la notabilité de muscadin carnassier d'un Dumas fils... Peut-être finalement, ne se serait-il pas acharné contre les vaincus de la Commune, aurait-il eu la décence et la compassion d'un Hugo... La colère, ne rêvons pas. Restons sur cette note positive au sujet d'un puisant poète qui, souvent, me prend comme une mer.



Heureusement il y a ce summum de civilisation et de beauté, l'armée, qui nous sauve de "cette infaillible nature qui a créé le parricide et l'anthropophagie, et mille autres abominations que la pudeur et la délicatesse nous empêchent de nommer." Moi je veux bien m'y risquer : en plus on verrait tout leur bazar balloter entre leurs cuisses.

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