Quand je pense que j'ai commencé le judo tout minot, et qu'il a fallu que j'attende 49 ans pour avoir envie de retenir le nom de Jigoro Kano, le fondateur, qui correspond à peu près au maître du film. Un film sur la transition d'un Japon à l'esprit féodal à un Japon plus humaniste à l'ère Meiji, surtout selon la vision progressiste de Kurosawa. Ici, les victoires peuvent être des défaites.
Le duel final, anthologique, dans le vent et les herbes folles, n'est pas sans avoir inspiré Sergio Leone, il me semble, même si les siens, de duels, comme ceux des westerns plus classiques, se situent habituellement dans des lieux désertiques et écrasés de chaleur et de lumière. Mais Kurosawa aime détourner les clichés (la bataille sous la pluie torrentielle dans les Sept samouraïs, que je n'ai pas encore vu, par exemple).
- La Nouvelle Légende du grand judo, 1945.
Beaucoup moins bon que le premier, mais intéressant quand même.
- Chien enragé, 1949.
Celui-ci je l'avais déjà vu, mais je ne m'en souvenais plus avant ce nouveau visionnage, ni où ni quand. Certainement dans un ciné-club quelconque. Un polar bien noir, et toujours humaniste, ou deux soldats rescapés de la guerre se retrouvent finalement après enquête et chasse à l'homme, face à face, l'un étant devenu flic, l'autre voleur et assassin. Le flic cherche des circonstances atténuantes au "chien enragé", en qui il se reconnait en miroir inversé. De grands acteurs, habitués de Kurosawa, notamment Toshiro Mifune, mais aussi Takashi Shimura.
- La Forteresse cachée, 1958.
Un western à la mode John Ford mais à la patte géniale Kurosawa, dans le Japon féodal des seigneurs de guerre du XVIème siècle (l'époque Sengoku). Toshiro Mifune tient encore le haut de l'affiche, magnifique, et on voit Takashi Shimura dans un petit rôle. D'autres excellents acteurs et un film d'aventure simple et trépidant. Qui inspira Lucas pour le premier Star Wars.
- Mâdadayo, 1993.
Son dernier film anthume, un film mélancolique sur la vieillesse, mais aussi drôle et tendre sur l'amitié intergénérationnelle, entre prof vieux monsieur légèrement indigne qui s'envoie son litre de bière cul-sec tranquillou, et élèves farceurs.
- Lost in translation de Sofia Coppola, 2003.
Pour changer de Kurosawa, un film sur le Japon. De la fille, Sofia, d'un grand admirateur du Maître, à l'image de George Lucas et Steven Spielberg : Francis Ford Coppola. Amitié encore, dans le Japon des 2000's cette fois, intergénérationnelle toujours, intersexuelle en l’occurrence, de deux amerloques perdus dans leur vie et dans ce Tokyo géant. Là aussi, tendresse et humour. Bémol : je trouve que c'est un peu méprisant pour les japonais, surtout de la part du personnage masculin principal joué par Bill Murray, mais peut-être est-ce aussi une légère critique du bourrin d'américain qui se croit en pays conquis partout, et déblatère son idiome impérialiste en s'imaginant que chaque animalcule, surtout mangeur de riz s'étant pris la pâtée soixante dix ans plus tôt, est censé le comprendre et lui répondre sans accent...
En tout cas si Kurosawa nous montre le Japon traditionnel, ici on voit Tokyo comme la mégapole folle qu'elle est, n'ayant rien à envier à New York en terme de démesure et de foisonnement.
Ma dernière actu ciné.
Un jour, j'ai collé un gosse de 12 ans, grand amateur de blockbusters à super héros, devant Les Sept samouraïs, en lui disant, "C'est en noir et blanc, ça dure trois heures et c'est en japonais sous-titré". Le brave gosse a soupiré et n'a pas osé fuir.
RépondreSupprimerIl est encore émerveillé de cette séance.
Donc, vous êtes un gros veinard de ne pas avoir encore vu ce bijou. Et les Bas-fonds. Et Ran...
J'avais bien cru comprendre en lisant une de vos chroniques émeutières sur DLHT, que vous étiez un aficionado de Kurosawa, Jules. Pour ma part j'ai pas mal de retard, il est vrai, mais je suis en train de me rattraper. Et j'entraîne avec moi un gosse de 9 ans, qui reste scotché, même en VO sous-titrée, et pas seulement pour les films de samouraïs.
RépondreSupprimerEn revanche j'ai vu les Sept mercenaires, et j'avais adoré, minot. En plus mon père était le sosie de Steve Mc Queen. Quelle brochette d'acteurs ! Et quels moments d'anthologie ! Je revois mon père anticiper sur le geste de Mac Queen venant d'indiquer qu'il venait de derrière lui et s'apprêtant à montrer qu'il se dirigeait vers devant lui, lui qui l'avait déjà vu certainement plusieurs fois. Et le coup des mouches ! Un alcoolique d'ailleurs si mes souvenirs sont bons, l'attrapeur de mouches... Mon enfance, notre enfance certainement.
J'ai hâte pour les Samouraïs. Mais là j'ai emprunté Kagemusha, que vous évoquez ici.
Ce qui est un peu dommage c'est que je les regarde par tranches de 15 mn cinq soirs par semaines, faute de temps, mais ça le fait quand même.
Sayonara !
Mazette ! Un papa sosie de Steve Mc Queen ! J'espère qu'il conduisait la voiture familiale un peu plus tranquillement que l'original.
RépondreSupprimerOutre ses qualités intrinsèques les Sept mercenaires (photocopie du film de Kurosawa) est surtout un formidable exercice de cabotinage entre Bryner et Mc Queen, sur une tonalité "C'est qui le plus beau ici?". Paraît qu'à la fin du tournage, ces deux-là ne pouvaient plus se voir en peinture.
Anecdote : au cours de mes pérégrinations, je me suis retrouvé dans un bourg mexicain qui me semblait étonnamment familier bien que je n'y eut jamais foutu les pieds. J'ai alors appris qu'y avaient été tournés non seulement les Sept mercenaires de Sturges mais aussi le Veracruz d'Aldrich et le Salvador de Stone. Après ça, la montagne autour avait effectivement un air connu.
Et vu la situation géographique de cette cité de Tepotztlan on fera remarquer
- que la danse du cerf pratiquée dans le film de Sturges est un anachronisme. Elle a cours chez les Yaquis, pas chez les Nahuatl.
- que question sosie, un des plus fameux guérilleros qui s'illustra dans la région dans les années suivant ce film, Genaro Vazquez Rojas, de l'ACG, était le sosie de... Charles Bronson.
C'était le quart d'heure du cuistre.
Sinon, nous fûmes plusieurs à répéter, pendant des années, le geste "de là", "vers là" face aux questions des gendarmes de notre cambrousse. Ce qui ne déridait guère les pandores.
Il n'a jamais eu le permis, envoyé tous les papiers à la gueule de l'examinateur, puis laissé tomber. Mais j'ai pris un raccourci, il ressemblait un peu à Mc Queen, quand il était jeune des mômes en le croisant faisaient genre duel de western à la Au nom de la loi en rapprochant les mains près des revolvers aux cuisses. Mais pas sosie.
RépondreSupprimerPour le coup à Tepotztlan ce n'était pas qu'une impression de "déjà-vu", mais la réalité, par pellicules interposées. Marrant.
Pour la danse du cerf, c'était plutôt un anatopisme alors, ou bien les Yaquis sont venus vivre dans le coin après les Nahuatl et postérieurement à l'époque de la diégèse (à cuistre cuistre et demi) ?
Après un tour sur le dico, je puis affirmer que parfois, vous êtes beau, Wrob.
SupprimerEn y repensant, évidemment, Mc Queen et Bryner sont des monstres sacrés que j'idolâtre, mais j'aimais bien aussi James Coburn. Je ne sais pas pourquoi il me faisait penser à Jacques Brel (encore un sosie qui n'en n'est pas un).
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