lundi 4 février 2019

Mettons nous à l'hezhe tout en restant respectueux des Nanaï (pas question de se taper une Golde, oh !) !

   "Personne ne contestera que le patriotisme instinctif ou naturel des misérables populations des zones glacées, que la civilisation humaine a à peine effleurées et où la vie matérielle elle-même est si pauvre, ne soit infiniment plus fort ou plus exclusif que le patriotisme d'un Français, d'un Anglais, ou d'un Allemand par exemple. L'Allemand, l'Anglais, le Français peuvent vivre et s'acclimater partout, tandis que l'habitant des régions polaires mourrait bientôt du mal du pays, si on l'en tenait éloigné. Et pourtant quoi de plus misérable et de moins humain que son existence ! Ce qui prouve encore une fois que l'intensité du patriotisme naturel n'est point une preuve d'humanité, mais de bestialité."*
Michel Bakounine.- Aux compagnons de l'Association internationale du Locle et de la Chaux-deFonds, ou Lettres sur le patriotisme (1869).




- Akira Kurosawa.- Dersou Ouzala (1975).


 Ce film m'a rendu dingue ! Je me fais actuellement tous les films d'Akira Kurosawa en complément de mon apprentissage du japonais. J'étais assez fier d'avoir déjà mémorisé un certain nombre de mots et expressions que je n'étais pas sans reconnaître, parfois, dans les dialogues des chefs d’œuvre du grand cinéaste. Je m'apprête encore à de grandes joies linguistiques en lançant ce DVD (je n'ai malheureusement pas de ciné-club dans ma banlieue), et là ! Rien ! Je n'entrave que dalle ! Pas un mot ! Écoutez, ça aurait été du russe ça n'aurait pas été moins de l'hébreu pour moi ! Quelle recul, quelle déception, et que de rudes heures de pratique et d'étude encore avant d'enfin pouvoir maîtriser les rudiments de la langue de Yokozuna Kisenosato !

 Il semble cependant que ce film ait pour thème la décroissance. Ainsi l'on voit l'un de ces indigènes "des zones glacées" qui, perdu avec un officier russe dans un marais gelé à perte de vue, constatant que le soleil se couche et que cela signera leur arrêt de mort s'ils ne trouvent pas une solution, se met à couper frénétiquement avec sa machette et l'aide ahurie du capitaine, de hautes herbes, genre roseaux, à toute vitesse, toujours plus vite avant la nuit, dans le froid et le vent, pour finalement parvenir à construire une cabane à l'aide du trépied du militaire, de cordes et de ce foin miraculeux, cabane, ou plutôt terrier, qui leur sauve la vie en leur permettant de se mettre au chaud. Cet indigène et d'autres sauvent plusieurs fois les russes (le capitaine et ses soldats) de l'irréparable, grâce à leur connaissance de la nature qu'ils habitent, et aux techniques vivrières qu'ils y ont développées. On ne sait pas à quel fin l'officier géographe vient faire des relevés de la taïga, mais on peut s'imaginer que c'est dans le but ultérieur d'y construire une métropole attractive, d'y creuser une mine de cuivre, de métaux rares ou des puits de pétrole, d'y bâtir une centrale nucléaire, un méga centre commercial, un club de vacances, un parc d'attraction, une autoroute, une ligne à grande vitesse, un aéroport ou autres joyaux et joyeusetés de la civilisation humaine. Un manifeste pour tous les zadistes ! Et puis il y a aussi l'amitié qui nait et se fortifie toujours plus entre le misérable bestial et l'humain, ce qui rajoute à la beauté, et à la tristesse du film.

- Akira Kurosawa.- Kagemusha, l'Ombre du guerrier (1980).


 Une fresque historique grandiose et splendide qui aurait mérité d'être vue sur grand écran. Ces armées de seigneurs féodaux japonais du XVème siècle, caparaçonnées, hérissées et pavoisant leurs bannières de couleurs comme d'immenses colonies d'insectes ou de vers flamboyants mus par reptation péristaltique sont éblouissants.
 Cette épopée a une ambiance de fin d'ère, puisque le premier shogun Tokugawa, Ieyasu, (attention divulgâchage !!!), y met un terme de presque trois siècle au féodalisme (la guerre des clans et des seigneurs), en exterminant, entre autres, le clan Takeda (il immolera également quelques papistes à l'occasion), pour instaurer un dictature militaire totalitaire et isolationniste qui, paradoxalement ou pas, amènera le pays à une paix de longue durée.
 Nous regretterons seulement que les producteurs de ce film aient à ce point manqué de finesse dans leurs placements de produits, cela frelate un peu la fête macabre (comparer les premières images de la bande annonce ou la photo ci-dessous avec le logo plus en dessous).



Ma dernière actu ciné.


* Ce n'est pas sympa du tout de ma part de citer ainsi le Camarade Vitamine avec un passage qui ne dépareillerait pas dans le Dictionnaire de la bêtise de Bechtel et Carrière (indispensable), mais c'est la loi des conjonctions inopinées des mondes et des instants qui a fait que je l'ai lu à un moment quasi synchronisé avec celui qui me fit découvrir le film Dersou Ouzala. J'avais déjà évoqué dans une note de lecture sur Bakounine que sa vision des peuples sauvages et du progrès historique était l'un des quelques points de son œuvre avec laquelle je me sentais en désaccord. Pour moi, des hommes et femmes usant de dizaines de mots pour désigner la neige et ses infinies variations, sont certainement moins misérables, moins bestiaux, que d'autres en en employant autant pour dénoter des prostituté(e)s. Et je me demande qui de nos jours, dans la vision et l'endurance quotidiennes des fins des mois et du monde, peut encore croire que la civilisation à la moindre supériorité sur Cro Magnon et les tribus dites primitives. Il est vrai que Bakounine est resté, à l'instar du socialiste autoritaire Charles Marx, un gros d'Hegel as. Cela dit, et exception faite donc de ces quelques discordances, Michel reste pour moi un guide et un ami sans faille.

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